La décision annoncée dimanche 31 octobre 2021 par le régime algérien de ne pas reconduire l'accord sur le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) n'aura dans l'immédiat qu'un impact insignifiant sur la performance du système électrique national, ont tenu à préciser l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) et l’ l'Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) dans un communiqué conjoint.
Se voulant rassurant sur l’approvisionnement dans l’immédiat en électricité, le communiqué de l’ONHYM et de l’ONEE est resté laconique sur les solutions alternatives à court et à moyen termes dont dispose le Maroc pour assurer la continuité des deux centrales qui étaient alimentés en gaz algérien via le Gazoduc Maghreb-Europe. Celles-ci contribuaient, bon an mal an, à hauteur de 10 à 17% à la production nationale d’électricité.
«Pour le moment, il n y a pas de quoi s’inquiéter. Le Maroc dispose d’une marge de réserve qui lui permet d’assurer la continuité de l’approvisionnement en électricité et, par conséquent, éviter une situation de délestage», confirme cet ancien responsable de l’ONEE qui a requis l’anonymat. En cas de besoin, poursuit-il, le Maroc pourrait importer l’électricité de l’Espagne via les câbles sous-marins d’interconnexion, même si cette option s’avère un peu coûteuse dans la conjoncture actuelle en Europe, marquée par des niveaux relativement élevés des prix de l’électricité.
L’ONEE pourrait aussi faire tourner à plein régime les stations électriques fonctionnant au fuel (à Mohammedia et Kénitra), en supportant là encore le coût relativement cher de cette option, en comparaison avec le coût de production des deux stations.
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Tôt ou tard, le Maroc doit trouver une solution pour alimenter en gaz les deux centrales de Tahaddart et de Aïn Beni Mathar qui se trouvent sur le chemin du GME. D’où le scénario d’inversement des flux (reverse flow) actuellement à l’étude entre l’ONHYM et ses partenaires espagnols. En plus des ajustements techniques qui seront opérés pour inverser le circuit du GME, le Maroc est appelé à négocier tous les contrats nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de la chaîne logistique qui va encadrer le futur schéma de partenariat gazier avec l’Espagne. Le deal consiste à importer le gaz naturel liquéfié (GNL) à travers les ports espagnols, puis à l’acheminer via le gazoduc jusqu’aux deux centrales marocaines.
Mais qui va importer le gaz? Est-ce le Maroc ou bien l’Espagne? Est-ce que les ports espagnols sont suffisamment équipés de capacités de regazéification, sachant que l’Espagne va devoir à son tour recevoir des quantités supplémentaires via des bateaux méthaniers pour compenser l’arrêt du GME? Les ports espagnols sont-ils connectés au GME? Les négociations en cours entre techniciens marocains et espagnols devraient apporter des réponses à ces questions.
L’arrêt du GME pourrait aussi servir d’opportunité pour rattraper le retard pris dans la mise en œuvre du plan de développement gazier, lequel prévoit la construction de terminaux méthaniers et des infrastructures de regazéification au port de Jorf Lasfar, dans le cadre du projet «Gas to Power» qui devait être prêt en 2021.
En attendant, le Maroc a opté pour une solution intermédiaire, consistant à construire une unité flottante de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié (FSRU). Le 15 octobre dernier, le ministère de la Transition énergétique a repoussé de 10 jours la durée de l’appel d’offres relatif à ce projet. Les experts estiment que les installations et les citernes de cette future station flottante ne pourront être opérationnelles qu’à moyen terme.
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Au-delà des choix qui seront opérés pour réapprovisionner en gaz les deux centrales de Tahaddart et Aïn Beni Mathar, la rupture unilatérale du GME sera finalement, et à bien des égards, bénéfique aussi bien pour le Maroc que pour l’Espagne.
«Nous savons maintenant que nous ne pouvons pas compter sur un partenaire non fiable, encore plus quand il s’agit de dossiers à caractère stratégique. A travers cet acte de sabotage, le régime algérien nous aide aujourd’hui à s’affranchir et à repenser de manière fiable notre vision stratégique dans un cadre de coopération régionale plus solide», a ainsi expliqué il y a quelques jours, interrogée par Le360, une source proche du dossier.
Au Maroc et à l’Espagne à présent de décider de la tournure que prendra leur coopération sur ce dossier: «Rabat et Madrid devront faire preuve d’imagination pour montrer qu’on ne donne pas une prime aux spoilers, à ceux qui n’ont d’autre stratégie que de torpiller toute idée de coopération régionale entre l’Afrique et l’Europe», conclut cette source ayant requis l'anonymat.