Scholz Holding vs État marocain: pourquoi le verdict du CIRDI est-il «une belle victoire pour le Maroc»?

Au siège du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), à Washington. . DR

Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements a donné raison à l’Etat marocain dans le litige qui l’opposait au groupe allemand Scholz. Retour sur la portée de ce verdict, son importance pour le Maroc et sur le message qu’il envoie aux investisseurs.

Le 02/08/2022 à 12h18

«Voici une belle victoire pour notre pays»! C’est ainsi qu’une source proche du dossier a qualifié le verdict récemment rendu par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) dans le litige opposant l’Etat marocain au ferrailleur allemand Scholz Holding, spécialisé dans le recyclage des métaux.

Basé à Washington et relevant de la Banque mondiale, le CIRDI, principale institution au monde dédiée au règlement des différends relatifs aux investissements internationaux, a donné raison au Maroc, après une longue procédure d’arbitrage, rejetant les demandes du groupe allemand qui réclamait 20 millions de dollars de dédommagements à l’Etat marocain, après avoir réclamé dans un premier temps une somme de 60 millions de dirhams.

Le spécialiste du recyclage des métaux avait précédemment attaqué le Maroc devant le CIRDI, en janvier 2019, contestant la mesure de sauvegarde sur l’importation des déchets ferreux et l’exportation de fil de béton, imposée en 2012 par le ministère marocain de l’Industrie. Scholz Holding avait estimé que cette mesure impactait de manière «discriminatoire» l’activité de sa filiale marocaine Scholz Metall Marokko, installée depuis 2008.

Après plusieurs mois de procédures, l’Etat marocain, dont la défense a été assurée par le cabinet marocain Afrique Advisors et le cabinet Mayer Brown à Paris, a finalement eu gain de cause. 

«Le Maroc a signé avec plusieurs pays, dont l’Allemagne, des conventions de protections des investissements qui prévoient le recours à la procédure d’arbitrage du CIRDI en cas de différend. Depuis quelques années, de plus en plus de requêtes contre le Maroc sont déposées au CIRDI. Outre le litige avec Sholtz qui vient d’être résolu, quatre autres affaires opposant l’Etat marocain face des investisseurs étrangers sont actuellement en cours», souligne une source proche du dossier.

Parmi ces plaintes, figurent celles de Carlyle et de Corral group en lien avec le dossier de la Samir, ou encore celle de la société espagnole Comercializadora Mediterránea de Viviendas en lien avec le projet de ville nouvelle de Tamesna.

Devant ces litiges, le Maroc fait souvent le choix de privilégier une transaction à l’amiable, qui prend la forme d’une transaction financière, pour retirer la requête et régler le litige. Or, dans le cas de l’affaire Scholz, l’Etat marocain, convaincu de son bon droit, n’a pas eu recours à une transaction. «C’est la première fois depuis 2003 (affaire Maroc vs Consortium RFCC, Ndlr) que le Maroc a fait le choix de ne pas transiger», fait savoir un juriste familier des rouages du CIRDI. A l’époque, ce choix de ne pas négocier avec le plaignant, s’était déjà soldé par un verdict en faveur du Royaume. En d’autres termes, c’est la première fois en près de 20 ans que le Maroc remporte une affaire portée au CIRDI sans avoir eu recours à une transaction.

Notre source souligne au passage que le CIRDI est réputé pour être très favorable aux investisseurs, ce qui explique que ces derniers ont de plus en plus recours à ce mécanisme de règlements des différends. «Le CIRDI condamne souvent les Etats à indemniser les plaignants, estimant par exemple qu’un contrôle fiscal ou la mise en place de droits de douanes peuvent être abusifs», indique notre interlocuteur. C’est ce qui pousse des Etats comme le Maroc à privilégier la voie de la négociation.

De ce point de vue, le verdict rendu dans l’affaire Scholtz initie une forme de rupture. Dans cette affaire, il y avait des possibilités de transiger avec le plaignant, mais le Royaume, confiant dans ses chances de succès, a fait le choix d’aller au bout de la procédure.

Ce choix et le verdict positif qui en a découlé, envoient surtout un message important: l’Etat marocain ne sera plus une «proie facile» et détient les moyens de défendre sa cause. L’attaquer devant le CIRDI ne sera donc plus automatiquement synonyme d'une transaction à l’amiable.

Par ailleurs, dans cette affaire, le Maroc a gagné sur le fonds, et non sur un vice de procédure: un tribunal arbitral relevant de la Banque mondiale, composé de sommités, a jugé que les mesures de sauvegarde introduites par le Maroc sur l’importation des déchets ferreux et l’exportation de fil de béton, étaient justifiées. «Cela renvoie aussi l’idée que le Maroc est un Etat de droit, et que les choses sont faites dans les régles de l’art», commente cette même source, qui tient à louer le travail réalisé dans ce cadre par l’Agence judiciaire du Royaume (AJR).

Cette Agence, relevant du ministère de l’Economie et des finances, et qui regroupe une équipe de juristes de haut niveau, a développé une expérience couvrant tous les domaines du contentieux de l'Etat (civil, administratif, pénal, commercial, etc.), devenant un réel pole d’expertise en matière juridique et judiciaire. Cette agence centralise tous les requêtes déposées au CIRDI et coordonne tous les dossiers entre les différentes administrations concernées. «Cette agence fait un travail formidable, et il faut le dire», insiste-t-on.

Par Amine El Kadiri
Le 02/08/2022 à 12h18