La Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) amorce un virage stratégique majeur vers les provinces du Sud marocain, en particulier Laâyoune et Dakhla, marquant ainsi un nouveau chapitre de son rôle historique de locomotive des investissements au niveau national. Relativement absente de cette région, la CDG renforce désormais sa présence, avec un plan d’intervention ambitieux visant à structurer le développement économique, urbain et technologique du Sahara marocain.
«Nous sommes encore peu implantés dans les provinces du Sud, mais Laâyoune, Dakhla et l’ensemble de la région font désormais partie de nos priorités stratégiques», a expliqué Khalid Safir, directeur général de la Caisse lors d’une récente rencontre avec les représentants des médias nationaux. Cette déclaration traduit un changement d’échelle dans la vision du groupe, avec un accent sur la création d’un environnement propice à l’investissement privé et au développement intégré.
Un axe central de cette stratégie repose sur la participation active de la CDG dans les grands projets d’infrastructures, notamment la voie express Tiznit–Laâyoune–Dakhla. Ce projet, d’une importance capitale pour la région, constitue un levier de transformation économique et sociale. «Cette route est en train de redessiner les échanges entre le nord et le sud du pays. C’est l’une des infrastructures les plus structurantes de la région», a indiqué Safir.
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La CDG, ayant contribué au financement de ce projet, joue ainsi un rôle décisif dans la modernisation des axes routiers, contribuant à faciliter la mobilité, à améliorer les échanges commerciaux et à stimuler l’activité économique locale dans une région où la modernisation des accès routiers change complètement la dynamique locale et ouvre la voie à un essor économique rapide.
À ce grand projet d’infrastructure s’ajoute un autre, soit le développement d’un pôle industriel et logistique intégré dans les provinces du Sud, précisément à Phosboucraa, dans la région de Laâyoune. En novembre dernier, la CDG a apporté quelque 2 milliards de dirhams à ce vaste programme d’investissement, d’un montant global de 23 milliards de dirhams et comprenant notamment l’extension des capacités de production de la mine de Phosboucraa, la construction d’un nouveau port phosphatier destiné à faciliter les exportations, ainsi que le développement d’une unité de production d’engrais à forte valeur ajoutée, le Triple Super Phosphate (TSP).
La nouveauté dans le domaine technologique et industriel est que la CDG s’apprête à développer deux projets de grande envergure, notamment deux tech valleys à Laâyoune et Dakhla. Ces initiatives visent à créer des pôles d’activités à forte valeur ajoutée, combinant innovation, services et industries stratégiques, tout en stimulant l’emploi local et en attirant des investissements internationaux. Ces projets incarnent une stratégie ciblée d’industrialisation et de modernisation technologique, renforçant le positionnement de la région sur l’échiquier national et international.
Un centre-ville et pôle urbain pour Dakhla
Sur le plan urbain, la CDG projette également un nouveau pôle urbain à Dakhla. L’objectif est de créer un cadre de vie moderne et attractif pour les habitants, les visiteurs et les investisseurs. Comme le précise Safir, le nouveau pôle urbain de Dakhla sera étalé sur une trentaine d’hectares. Le but est de créer un centre-ville avec une place centrale, mais aussi une zone commerciale, une zone de bureaux et un hôtel à la hauteur des ambitions de la ville. Cette initiative s’inscrit dans une démarche de développement équilibré, alliant urbanisation, tourisme et dynamisation économique. En cela, la CDG part de ses succès passés et présents en matière d’aménagement de territoires. Si Hay Riad à Rabat n’est plus à présenter, Casa Anfa émerge déjà en tant que principale place d’affaires du Royaume, entre autres. S’y ajoute l’éco-cité Zenata dans la région de Mohammedia et qui ne manquera pas de faire parler d’elle dans les quelques années à venir.
La CDG s’engage également dans le développement touristique des provinces du Sud en contribuant à l’amélioration de l’offre existante. C’est le cas notamment à travers la reprise et le développement d’un établissement hôtelier de la ville de Dakhla. Le Directeur général souligne que «le tourisme est très développé ailleurs au Maroc, mais les provinces du Sud restent encore en attente d’une véritable impulsion. Nous avons la volonté d’y contribuer».

Ces initiatives combinent urbanisation, technopoles, infrastructures routières et tourisme, afin de créer un cercle vertueux de développement économique et social. Dans cette stratégie globale, la CDG se positionne comme un acteur public catalyseur, suivant une logique éprouvée ailleurs au Maroc: amorcer le développement, structurer le territoire et ensuite permettre au secteur privé de se déployer. «Le secteur privé ne s’engage que lorsque les premières infrastructures sont là. À nous d’ouvrir la voie», expliquait Khalid Safir. Cette approche assure un effet multiplicateur des investissements publics et favorise l’attractivité de la région pour les investisseurs nationaux et internationaux.
Plus qu’une philosophie, c’est un modus operandi de la Caisse. Depuis plus de six décennies, la CDG joue un rôle résolument précurseur dans l’émergence de nouveaux secteurs économiques et la création d’industries structurantes au Maroc, en intervenant systématiquement comme investisseur patient et catalyseur là où le marché privé n’était pas encore prêt.
Grâce à sa capacité unique de massification des ressources, à son horizon d’investissement de très long terme et à son expertise d’ingénierie territoriale, elle a été à l’origine d’écosystèmes industriels majeurs: zones aéronautiques et automobiles de rang mondial (Midparc, Atlantic Free Zone), plateformes d’offshoring et de services numériques (Casa Nearshore, Technopolis, Fès Shore), grands aménagements urbains comme Hay Riad, et infrastructures logistiques et territoriales qui ont repositionné le Maroc dans les chaînes de valeur globales.
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Cette dynamique pionnière ne s’est pas limitée aux secteurs productifs: dans la sphère financière et bancaire, la CDG a été l’un des principaux architectes de la modernisation du système national. Elle a contribué à la réforme et à la structuration des marchés financiers, soutenu la transformation du CIH Bank en acteur digital de premier plan, développé CDG Capital comme plateforme d’ingénierie financière et de financement complexe, dynamisé le capital-investissement à travers des fonds spécialisés, renforcé les capacités de la réassurance africaine et professionnalisé la gestion d’actifs avant de se retirer progressivement une fois le marché arrivé à maturité. Par sa logique d’amorce, de dérisquage et de transmission au secteur privé, la CDG a ainsi accompagné l’émergence de filières entières tout en consolidant les bases d’un écosystème financier robuste, diversifié et souverain.
La stratégie de la CDG dans les provinces du Sud marocain s’inscrit dans ce continuum et se distingue par sa vision intégrée et ambitieuse de modernisation des infrastructures, création de tech valleys et parcs d’offshoring, développement urbain à Dakhla, transition énergétique, stimulation du tourisme et d’investissements privés. La finalité: transformer le Sahara marocain en un véritable terrain stratégique pour l’avenir économique du pays.











