Le Maroc continue de faire figure d’exception régionale. Le Risk Review d’octobre 2025, publié par Coface, maintient la note du Royaume à «B», soit un risque qualifié d’intermédiaire.
Intitulée «Le calme pendant la tempête», cette publication trimestrielle dresse la nouvelle carte mondiale des risques de crédit, couvrant pas moins de 160 pays. Elle repose sur une analyse approfondie d’indicateurs économiques, financiers et politiques, visant à mesurer le niveau de risque d’impayés auxquels les entreprises peuvent être confrontées dans leurs échanges à l’international.
Pour rendre ces informations lisibles et immédiatement exploitables, Coface utilise un système de notation allant de A à E. Chaque lettre reflète le degré de sécurité des transactions: A désigne un risque faible, B un risque modéré, C un risque élevé, D un risque très élevé et E un risque extrême.
Le Maroc, oasis de stabilité en Afrique du Nord
Avec sa note «B», le Royaume se situe dans la catégorie des risques modérés, offrant ainsi un environnement relativement sécurisé pour les entreprises qui souhaitent investir ou commercer à l’international. Cette évaluation place le pays au même niveau que des économies comme l’Italie, l’Inde ou le Sénégal, tout en le positionnant au-dessus de ses voisins nord-africains. L’Algérie, la Tunisie, l’Égypte et la Mauritanie sont notées «C», et la Libye «E», correspondant à un risque extrême. Le Royaume est ainsi, l’un des marchés africains les plus robustes face aux aléas économiques.
En surface, le Royaume montre de belles performances, un tourisme en plein essor, des industries à forte valeur ajoutée comme l’automobile, l’aéronautique et le phosphate, ainsi que des investissements ambitieux dans les infrastructures et les énergies renouvelables. Ce qui pénalise le Maroc, d’après Coface, c’est sa fragilité structurelle. Environ 90% des entreprises sont de très petite taille (TPE) et beaucoup évoluent dans l’informel, sans protection juridique solide ni accès facile au financement. Cette configuration rend l’économie particulièrement vulnérable aux chocs: une sécheresse prolongée, des fluctuations des prix internationaux ou des tensions sociales peuvent produire des effets rapides et profonds sur l’emploi comme sur la consommation.
Une économie mondiale sous calme trompeur
Malgré la montée des droits de douane américains, le monde semble tenir le cap. Selon Coface, les entreprises ont su anticiper les mutations, réorienter leurs stratégies et absorber les chocs, portées par une vague soutenue d’investissements dans l’intelligence artificielle.
Coface prévoit une croissance mondiale de +2,6% en 2025, légèrement supérieure aux attentes, suivie de +2,4% en 2026. Les États-Unis tiennent mieux que prévu grâce à la consommation interne, tandis que la Chine continue de ralentir et que la zone euro reste faible, avec seulement un petit rebond attendu en Allemagne. L’inflation globale reste modérée, mais l’incertitude plane, surtout aux États-Unis, où elle pourrait atteindre 4% fin 2025.
Calme trompeur selon Coface, l’économie mondiale semble tenir le cap, mais la réalité est plus fragile qu’elle n’y paraît. Les défaillances d’entreprises progressent dans les économies avancées de 4 % par rapport à 2024, avec des hausses marquées en Europe (+11%) et en Asie-Pacifique (+12%), tandis que l’Amérique du Nord reste plus stable. Les secteurs de l’hôtellerie et de la construction figurent parmi les plus durement affectés, révélant les fragilités structurelles de deux piliers essentiels de l’économie. Si l’assouplissement attendu des taux d’intérêt et l’amélioration de l’accès au crédit en 2026 pourraient apporter un souffle de répit, les entreprises demeurent sous tension, confrontées à la persistance des coûts élevés et à une demande encore hésitante.
Risque politique et perspectives régionales
Sur le plan politique et social, Coface alerte sur un record historique du risque social et politique, avec un indice de 41,1%. Les conflits et tensions domestiques perdurent, en Afrique (Burkina Faso, Niger…), au Pakistan et au Liban. Les États-Unis voient leur risque progresser rapidement à cause de la fragilité institutionnelle et de la montée du populisme, tandis que la France traverse une crise politique inédite. Les entreprises doivent adapter leurs stratégies dans un contexte d’instabilité généralisée.
Dans le Golfe, la situation est plus stable, selon Coface, la croissance devrait atteindre 3,8% en 2025 et 4% en 2026, soutenue par la demande intérieure et des projets ambitieux comme la Vision 2030 en Arabie Saoudite. Le secteur non pétrolier contribue désormais à hauteur de 70% du PIB, confirmant la diversification progressive des économies du Golfe. Les investissements étrangers atteignent des niveaux historiques, avec 46 milliards de dirhams pour les Émirats arabes unis et 32 milliards pour l’Arabie saoudite en 2024. Malgré cette transformation, la dépendance aux hydrocarbures reste un point sensible, susceptible de retarder certains grands projets en cas de chute prolongée des prix du pétrole.
Pour l’Afrique, Coface anticipe une croissance de 4,1% en 2025 et 4,2% en 2026. Ce rebond est favorisé par la baisse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que par un dollar plus faible, ce qui soutient la consommation. Cependant, certains pays restent vulnérables, notamment ceux dépendants du pétrole, du diamant ou des financements extérieurs.
Face à ces incertitudes, Coface a procédé à 5 ajustements dans les évaluations pays et à 16 modifications sectorielles. La République tchèque passe de A4 à A3, l’Arabie Saoudite de A4 à A3, les Émirats arabes unis de A3 à A2, le Vietnam de B à A4, et le Canada de A3 à A4. Le Maroc, quant à lui, conserve sa note «B», confirmant sa position de stabilité relative en Afrique du Nord. Cette réévaluation rappelle que la vigilance et l’anticipation demeurent indispensables pour suivre les fluctuations et ajustements permanents de l’économie mondiale, et ainsi naviguer avec discernement dans une conjoncture toujours incertaine.







