Retail alimentaire: un secteur sous tension, des failles structurelles

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Revue de presseConcentration extrême, marges opaques, logistique coûteuse et commerce traditionnel fragilisé… Le secteur du retail alimentaire dans le Royaume, en pleines mutations, révèle de profondes failles structurelles. Pour l’expert Rachid Lasri, seule une réforme ambitieuse et structurée pourra rééquilibrer ce marché, dominé par quelques géants mais plombé par ses déséquilibres internes. Cet article est une revue de presse tirée de l’hebdomadaire Challenge.

Le 30/07/2025 à 18h33

Entre concentration extrême, opacité persistante et fragilité du commerce traditionnel, le secteur du retail alimentaire marocain traverse une phase charnière. C’est ce qu’a affirmé Rachid Lasri, expert en retail et fondateur de Sadura Retail, dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Challenge. Le marché est à un tournant qui exige des réformes structurelles.

Premier constat: la grande distribution marocaine reste dominée par une poignée d’acteurs majeurs (LabelVie, Marjane et BIM) qui captent à eux seuls près de 97% du chiffre d’affaires, selon le dernier rapport du Conseil de la Concurrence. «Cette concentration ne garantit pourtant pas la performance», a souligné Rachid Lasri. Selon lui, la multiplication des ouvertures de magasins ne s’accompagne pas toujours de gains de rentabilité, faute de stratégie claire d’optimisation.

Autre déséquilibre majeur, constate le magazine Challenge, le poids du hard discount. S’il représente plus de 75% des magasins, il ne génère que 16% du chiffre d’affaires du secteur. «On observe un décalage entre le développement de certains formats et la réalité du terrain», a noté Lasri, qui a aussi rappelé la “fracture”, “persistante” entre commerce moderne et commerce traditionnel. Ce dernier pèse encore entre 70% et 75% des ventes alimentaires, mais reste fragile et mal structuré. Sans soutien logistique ni cadre de modernisation, il a subi, de plein fouet, la pression des marges.

Autre point noir, l’opacité autour des marges. Dans les hypermarchés, elles peuvent atteindre 11,5%, contre 6,8% pour le hard discount, sans qu’aucun texte ne vienne encadrer ces pratiques. «L’absence de cadre sur les marges arrière crée une asymétrie de pouvoir entre fournisseurs et distributeurs et alimente des comportements anti-concurrentiels», a déploré Lasri.

Le foncier constitue un autre frein majeur, selon le magazine Challenge. Dans les grandes villes, le manque de terrains à des prix raisonnables bride l’expansion de formats de proximité pourtant mieux adaptés aux nouvelles habitudes urbaines. À cela, s’ajoute une logistique du dernier kilomètre encore coûteuse et morcelée. «Chaque enseigne gère son propre circuit, ce qui alourdit les coûts, génère des ruptures et augmente l’empreinte carbone», a alerté l’expert.

Sur le front du digital, le retard est criant. «La digitalisation reste élitiste et urbaine», a analysé Lasri. Les enseignes doivent désormais s’adapter à une demande plus flexible et plus transparente, tant sur les prix que sur la qualité perçue des produits.

Face à ces blocages, l’expert plaide pour un plan national du retail structuré autour de quatre leviers: un cadre réglementaire plus transparent sur les marges et les ententes, une politique foncière et logistique adaptée aux commerces de proximité, une intégration progressive du commerce traditionnel et une gouvernance partagée entre acteurs privés et pouvoirs publics.

«Le modèle hybride, combinant commerce de proximité et grande distribution, est la voie la plus viable pour répondre aux besoins du marché et rééquilibrer les marges», a conclu Rachid Lasri. Pour lui, le Royaume a, là, une occasion unique de définir un modèle retail fidèle à son image, à condition de se réformer en profondeur.

Par La Rédaction
Le 30/07/2025 à 18h33