Jeudi 11 juin dernier, les présidents des Centres régionaux du tourisme (CRT) se sont réunis en visioconférence avec pour ordre du jour l’examen des budgets alloués par l’Office national marocain du tourisme (ONMT) et de l’Appel à manifestation d’intérêts (AMI) relatif à une campagne de communication digitale destinée à la relance post-Covid-19 du tourisme national.
Comme rapporté dans un précédent article, les présidents des CRT n’ont pas mâché leurs mots en mettant à nu les dysfonctionnements de l’ONMT: lourdeur administrative, non-respect des engagements, etc.
Le lendemain de cette réunion, le DG de l’ONMT a tenu une visioconférence avec les présidents des CRT, sanctionnée par un communiqué louant «le travail de qualité» et «la communication positive, concertée et pertinente» qui marquent la relation entre les professionnels et l’office public. Certains médias proches de l’ONMT se sont précipités de démentir le constat d’un «mouvement général» fustigeant les irrégularités marquant la gestion des budgets de l’ONMT. Le360 reproduit ici un extrait du procès-verbal de la réunion du 11 juin, dans lequel il est mentionné que tous les présidents des CRT présents étaient unanimes à relever les manquements entachant la gestion de l’ONMT. D’un point de vue budgétaire, ces irrégularités relèveraient du périmètre de contrôle de la Cour des comptes.
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Si l’ONMT a réussi à apaiser la colère des présidents des CRT, en leur confiant la totalité des budgets destinés à la promotion du tourisme domestique post-Covid-19 (1,5 à 2 millions de dirhams pour chaque CRT), il n’a probablement pas mesuré la déception ressentie par les Centres provinciaux du tourisme (CPT) qui, historiquement, ont su développer une autonomie de gestion à l’échelle territoriale.
Ainsi, forcé à passer par le CRT de Fès, le CPT de Meknès a sorti un communiqué dans lequel il annonce sa décision de «mener sa propre campagne de promotion, et ce, sans passer ni par l’ONMT ni par le CRT de Fès qui ne dispose d’aucune légitimité représentative à l’échelon régional».
Contacté par Le360, Adil Terrab, président du CPT de Meknès, soulève un sérieux problème de gouvernance à l’échelle régionale. En effet, le nouveau découpage administratif régional n’a pas été suivi par le ministère du Tourisme qui dispose toujours de deux délégations séparées à Fès et à Meknès. «Le cadre institutionnel du CRT de Fès-Meknès n’existe pas. Ce n’est pas à nous de résoudre ce problème», explique le président du CPT, soulignant au passage l’absence d’une instance d’arbitrage et de régulation pouvant encadrer la campagne de communication financée par l’ONMT.
Si le CPT de Meknès est en mesure de déployer ses propres ressources pour financer sa propre campagne, d’autres CPT comptent toujours sur l’appui de l’Etat, appelant l’ONMT à revoir sa copie. «Etant dans une région où il n’existe pas de CRT légalement constitué, conformément aux termes de votre appel à manifestation d’intérêt, le CPT Ifrane vous demande instamment de prendre en charge cette campagne en notre nom pour faire la promotion de notre province et éviter ainsi qu’elle soit oubliée dans cette campagne», peut-on lire dans une lettre du président du CPT de Ifrane, adressée au directeur de l’ONMT, datée du 15 juin 2020.
Idem à Ouarzazate, les hôteliers se sentent lâchés par l’ONMT qui, contre toute attente, a décidé de confier au CRT de Draâ Taflalet (dont le siège se trouve à Errachidia) la mission de chapeauter la promotion de la ville. «Le CPT de Ouarzazate existe depuis 2004. Durant plusieurs années, il était le seul à promouvoir toute la région du Sud. Nous avons toujours entrepris en toute indépendance notre plan d’action que nous veillons à respecter à 100%», souligne Rahou Belghazi, président du CPT de Ouarzazate.
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Jusqu’à une date récente, la ville de Ouarzazate était annexée au CRT de Agadir Souss Massa. Ce dernier avait toujours accordé au CPT de Ouarzazate l’autonomie de promouvoir la destination, au vu de son caractère spécifique (tourisme culturel, oasis, kasbah, etc.), contrairement à celui associé à Agadir (tourisme balnéaire), poursuit Belghazi.
Autre argument avancé par les professionnels de Ouarzazate: l’étendue de leur capacité d’accueil (6.000 lits), soit le double de celle disponible à Errachidia (3.000 lits), outre la différence en termes de produits et de clientèle entre les deux destinations. «En excluant le CPT de cette campagne de communication, la destination de Ouarzazate va malheureusement disparaître du circuit commercial», prévient Belghazi.