Pourquoi Bank Al-Maghrib a acheté pour la première fois des bons du Trésor sur le marché secondaire

Ecran présentant plusieurs tableaux de chiffres et des graphiques boursiers (photo d'illustration).

Ecran présentant plusieurs tableaux de chiffres et des graphiques boursiers (photo d'illustration). . DR

Bank Al-Maghrib (BAM) a procédé, le 9 janvier 2023, au rachat de 15 milliards de dirhams de bons du Trésor sur le marché secondaire, une première dans l’histoire de la banque centrale, qui cherche à réguler la liquidité de ce marché frappé par une hausse désordonnée des taux d’intérêt. Décryptage.

Le 13/01/2023 à 18h12

Dans l'histoire du marché monétaire marocain, la journée du lundi 9 janvier 2023 est à marquer d'une pierre blanche. Bank Al-Maghrib (BAM) a racheté 15 milliards de dirhams de bons du Trésor (BDT) sur le marché secondaire. La maturité moyenne de ces bons est de 6,5 mois, avec un taux de rendement moyen de 3,34%. Un deuxième appel d’offres d’achat de BDT est programmé le lundi 16 janvier 2023.

Cette intervention de BAM sur le marché secondaire, la première dans son histoire, avait déjà été évoquée par Abdellatif Jouahri lors du dernier Conseil de la banque en décembre dernier, dans un contexte de forte inflation et de hausse rapide des taux directeurs. «Si les besoins se font sentir au niveau du Trésor, nous irons sur le marché secondaire pour acheter des bons du Trésor et réguler la liquidité au niveau du marché des obligations de l’Etat», avait souligné le wali de BAM.

Contacté par Le360, Farid Mezouar, directeur de FL Markets et spécialiste du marché boursier, explique que l’achat de BDT par BAM sert surtout à injecter de la liquidité sur le marché secondaire qui souffre d’une forte hausse des taux, provoquant ainsi une baisse de la valeur des fonds déjà investis.

En effet, lorsque les taux d’intérêt montent sur le marché secondaire, de nouvelles obligations sont émises avec des coupons supérieurs aux anciennes. La valeur de ces dernières se met donc à baisser puisque les investisseurs les vendent pour acheter celles qui rapportent plus. Inversement, quand les taux d’intérêt baissent, le prix des obligations à taux fixe déjà en circulation monte.

Selon les analystes de CDG Capital, les taux retenus pour les BDT sur le marché secondaire ont augmenté en 2022 de 141 points pour le court terme (-1 an), de 113 points pour le moyen terme (2 à 5 ans) et de 70 points pour le long terme (au-delà de 5 ans).

Pour CDG Capital, la hausse des taux sur le marché secondaire a été «davantage provoquée par les anticipations des investisseurs que par l’importance du besoin du Trésor public». Ainsi, la banque d’affaires table sur une poursuite de la hausse des taux en 2023, malgré l’intervention de BAM, compte tenu du cadre macroéconomique et des perspectives des finances publiques.

CDG Capital note néanmoins que l'intervention de BAM devrait réduire la pression sur le Trésor public à travers le rachat des tombées dont le montant est prévu en hausse de 17 milliards de dirhams pour atteindre 78 milliards de dirhams en 2023.

«Une telle intervention était nécessaire pour freiner la hausse désordonnée des taux d’intérêt et éviter des spreads désordonnés entre les différentes maturités. Surtout que, parfois, le Trésor ne peut résister seul à la pression des investisseurs locaux en BDT», souligne Farid Mezouar.

Et d’ajouter: «Cette opération offre des liquidités aux investisseurs, ce qui permet d’atténuer la pression sur le Trésor lors des levées sur le marché primaire. Aussi, ces opérations, que nous pouvons qualifier d’assouplissement quantitatif (QE), donnent au marché un niveau indicatif sur les taux d’intérêt qui sont tolérés par BAM, évitant ainsi toute pression spéculative.»

Pour ce qui est du risque de cette intervention sur le marché secondaire, Mezouar explique que la menace serait de trop «arroser» le marché en liquidités, ce qui pourrait créer une bulle spéculative sur certains actifs. Il note néanmoins que le risque est très minime dans ce cas, puisque «les achats ne concernent que les bons du Trésor et non les obligations privées ou les autres catégories de titres». 

Par Safae Hadri
Le 13/01/2023 à 18h12