«Plus de 40% des richesses naturelles mondiales, 5% de profit»: le paradoxe africain débattu aux MEDays

Elisabeth Moreno, ancienne ministre française et présidente du Conseil d'administration du Fonds d’investissement Ring Capital aux côtés d'intervenants aux MEDays à Tanger. (A.Et-Tahiry/Le360).

Le 28/11/2025 à 16h40

VidéoRiche en minerais stratégiques indispensables à la transition énergétique mondiale, le sous-sol africain continue pourtant de générer une valeur largement captée hors du continent, au détriment des populations locales. Aux 17èmes MEDays de Tanger, experts et décideurs ont débattu des leviers à activer pour reprendre la main sur la chaîne de valeur, renforcer la souveraineté économique et transformer cette rente minérale en progrès concret.

Comment garantir que les populations africaines bénéficient, de façon plus équitable, des ressources naturelles dont le continent est abondamment doté? La question a structuré les échanges de la table ronde intitulée «Préserver la souveraineté de l’Afrique sur ses ressources naturelles dans le monde», animée par David J. Francis, ancien ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone, Andreas Kraemer, expert en investissement, et Elisabeth Moreno, ancienne ministre française chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et présidente du Conseil d’administration du fonds d’investissement Ring Capital Afrique.

Au cœur du débat, Elisabeth Moreno a mis en exergue un paradoxe persistant: «Comment est-il possible que nous ayons 40% des richesses naturelles dont le monde a besoin, notamment pour sa transition énergétique et numérique, et que nous ne profitions que de 5% de ce que ces produits créent en termes de valeur?». Une asymétrie, selon elle, d’autant plus préoccupante que l’Afrique dispose «de la jeunesse la plus dynamique» et s’apprête à devenir le continent regroupant «la population la plus active et la plus importante au monde». Un potentiel démographique que, regrette-t-elle, l’Afrique peine encore à convertir en création de valeur, en emplois qualifiés et en capacités industrielles.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) chiffre, pour sa part, la part du continent dans plusieurs minerais stratégiques indispensables à la transition énergétique mondiale: «55% du cobalt, 47,65% du manganèse, 21,6% du graphite naturel, 6% du cuivre, 5,6% du nickel, 1% du lithium et 0,6% du minerai de fer au niveau mondial». Un poids considérable, mais qui ne se traduit pas, souligne l’agence, par une captation suffisante des opportunités économiques offertes par ces ressources.

C’est précisément pour contribuer à infléchir cette trajectoire que le fonds Ring Capital Afrique, doté de 50 millions d’euros, a été retenu par le Fonds Mohammed VI, a expliqué Elisabeth Moreno. L’objectif affiché: orienter des financements vers des projets à fort impact, en ciblant notamment les jeunes, les femmes et les populations vulnérables. «Nous allons travailler avec les jeunes, les femmes et les populations vulnérables. Nous mobilisons des fonds au profit du continent africain», a-t-elle indiqué.

Lancé avec l’appui de partenaires, Ring Capital Afrique entend investir dans des startups innovantes, porteuses de solutions à fort potentiel de transformation, tout en intégrant des critères d’impact social et environnemental, notamment en Afrique de l’Ouest. Une approche qui, dans l’esprit des intervenants, répond à un double impératif: renforcer la souveraineté économique du continent sur ses ressources et remonter la chaîne de valeur, au-delà de l’exportation de matières premières.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Abderrahim Et-Tahiry
Le 28/11/2025 à 16h40