La mesure relative à l'abaissement des droits d'importation de l'aliment de poisson, introduite dans la loi de finances 2016 lors d'une discussion à la deuxième Chambre, pourrait être contreproductive. Cette baisse des droits d'importation à 2,5% contre 25% actuellement, porte sur un quota de 50.000 tonnes au cours des deux prochaines années.
Or, souligne L'Economiste dans son édition du 8 décembre, pour pouvoir en bénéficier et ainsi couper l'herbe sous le pied des spéculateurs, l'importateur devra obligatoirement être aquaculteur, l'objectif étant bien évidemment de favoriser l'investissement. Seulement, si la mesure passe, elle menacera directement la seule unité industrielle spécialisée dans la fabrication de l'aliment de poisson.
Par ailleurs, les quotas d'importation d'aliment de poisson, prévus par le projet de loi de finances 2016, dépassent de loin les besoins du pays. “En effet, la trentaine de fermes de pisciculture que compte actuellement le Maroc, dont 29 en eau douce et une seule en eau de mer, ne consomme que 1.250 tonnes d'aliments par an”, précise Othmane Mernissi, PDG d'Aliments & Protéines du Nord. Cette usine emploie une quarantaine de salariés pour un chiffre d'affaires annuel de 1,5 million de DH et produit, chaque année, 1.250 tonnes pour approvisionner les fermes de pisciculture alors qu'elle est dimensionnée pour 12.000 tonnes par an.
L'entité fait partie d'un groupe dédié à l'aquaculture et approvisionnant également les fermes de pisciculture en juvéniles. Le management craint les retombées de la réduction des droits d'importation et ne manque pas d'argument. Parmi ceux-ci, le risque qu'une application d'un droit de douane trop faible ouvre la porte à l'importation d'aliments de poisson fabriqués avec des intrants non contrôlés tels que la farine de porc, de sang, d'abats et d'os de bovins dont l'abattage n'est pas conforme au rituel musulman, surtout que le PLF ne prévoit aucun dispositif de contrôle.
Dans ce cas, pourquoi le gouvernement a-t-il baissé les droits de douane de l'aliment de poisson pour un quota qui dépasse de loin les besoins nationaux? Certes, l'aliment représente près de 60% des charges d'une ferme d'élevage de poisson, mais ce n'est pas le principal obstacle à l'investissement.