Pour le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, il n’est pas question d’amender à nouveau l’article 9 du Projet de loi de finances (PLF 2020), car cela risque de dénaturer le corps du texte au point de dédire le ministre lui-même et ainsi détruire le consensus déjà obtenu auprès des membres de la Commission des Finances, qui relève de la première chambre du parlement.
L’argentier du royaume souhaite réitérer l’exploit déjà réalisé à la première chambre et dégager à nouveau un consensus autour de cet article très incriminé, cette fois-ci auprès des membres de la commission des Finances à la chambre des conseillers. Conformément au règlement intérieur de celle-ci, un groupe de travail issu de cette commission, a entre-temps été créé.
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A l’issue de plusieurs réunions, un consensus a pu se dégager en faveur d’une nouvelle formule, qui a le mérite de verrouiller le texte, en y injectant un peu plus de sûreté, nous confie un membre de ce groupe restreint.
Les conseillers qui y sont représentés, représentant toutes les composantes politiques de la deuxième chambre (y compris la CGEM) ont insisté pour que l’on rajoute dans l’article 9 la mention de l’obligation. Celle-ci garantit aux créanciers détenteurs de jugements définitifs en faveur d’une saisie des biens de l’Etat le droit de se faire payer dans un délai maximum de 4 ans.
Le représentant du groupe parlementaire de la CGEM a quant à lui plaidé pour un mécanisme de refinancement destiné aux entreprises adjudicatrices des marchés publics qui ont du mal à récupérer les sommes dues à l’Etat.
Celles-ci, selon cet article 9, même si elles gagnent leurs procès contre l’Etat, doivent attendre quatre ans avant de pouvoir exécuter les décisions de justice. Sur ce point précisément, le ministre des Finances a réagi positivement à cette requête. En effet, appuyé par le directeur du budget, Fouzi Lekjaa, l’argentier du royaume a suggéré de modifier le décret sur les marchés publics, de sorte à pouvoir nantir les jugements et arrêts définitifs en contrepartie de la garantie de l’Etat.
Autrement dit, les entreprises lésées auront désormais le droit de se financer auprès des banques en déposant les jugements définitifs des tribunaux. L’Etat s’engage, à son tour, à rembourser la banque dans un délai convenu d’avance. «Le principe d’amender le décret des marchés publics est acquis, indépendamment du sort de l’article 9. Le ministre des Finances s’est engagé à publier le décret avant la loi de finances 2020», poursuit cette source.
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Si cette solution a pu être trouvée pour les entreprises bénéficiaires de la commande publique, aucune solution de refinancement n’a été proposée pour les personnes physiques ou morales ayant entre les mains une décision de justice exécutoire condamnant l’Etat ou les collectivités territoriales, suite à une expropriation ou à une agression matérielle.
La solution suggérée par certains conseillers, consistant à opter pour une solution identique à celle déployée pour remédier au problème des arriérés de TVA du secteur public, à savoir l’affacturage, a été quant à elle écartée en l’absence de soubassement juridique. La seule modification qui sera apportée au texte sera celle introduisant l’obligation pour l’Etat de régler sa créance dans un délai de 4 ans.
Mais encore faut-il préciser que l’énoncé de «l’obligation» aura un caractère juste provisoire, le temps d’asseoir les bases nécessaires à l’amendement adopté par la première chambre. Ce dernier interdit désormais aux ordonnateurs d’engager toute dépense ou d’autoriser l’exécution de celle-ci, dans le cadre des crédits ouverts au titre du budget général de l’Etat, notamment pour la réalisation de projets d’investissements sur des terrains appartenant à autrui, à travers une agression matérielle, sauf après avoir accompli la procédure légale d’expropriation pour intérêt public.
Cette mesure va permettre d’éviter toute agression sur les biens immobiliers appartenant à autrui, en l’absence de recours aux procédures d’expropriation et également dans le cas où les crédits nécessaires ne sont pas encore mobilisés.
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Enfin, il convient de rappeler que quel que soit l'issue du vote des conseillers, la primauté reviendra à la chambre des représentants, à laquelle le texte constitutionnel a confié le droit de vote en première lecture, sauf en ce qui concerne les lois à caractère social, territorial ou spatial.
Toutefois, les conseillers, au même titres que les élus de la première chambre, se réservent le droit de saisir la Cour constitutionnelle en vue d’examiner la constitutionnalité de cet article 9 du PLF, et ce, de manière globale.
A titre de rappel, voici ce que stipule l'Article 23 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle: «La transmission des lois à la Cour constitutionnelle aux fins de se prononcer sur leur conformité à la Constitution conformément aux dispositions du troisième alinéa de son article 132, est effectuée par une lettre du Roi, du Chef du gouvernement, du président de la chambre des représentants, ou du président de la chambre des conseillers ou par une ou plusieurs lettre comportant, au total, les signatures d’au moins un cinquième du nombre des membres de la chambre des représentants ou quarante membres de la chambre des conseillers».