Paiement électronique par carte: le Conseil de la concurrence sonne la fin du monopole du CMI

Un terminal de paiement électronique (TPE). LDProd

Le Conseil de la concurrence a révélé, ce vendredi 27 septembre, les engagements du CMI dans le cadre de la plainte de la société NAPS concernant l’existence d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des activités de paiement. La mise en œuvre de ces engagements aura pour effet direct le démantèlement du quasi-monopole que connait actuellement le marché de l’acquisition par carte dominé par le CMI, explique le Conseil qui va se pencher sur l’examen de ce dossier avant de prendre sa décision finale.

Le 27/09/2024 à 15h54

Le quasi-monopole que connait actuellement le marché de l’acquisition par carte, dominé par le Centre monétique interbancaire (CMI), qui s’accapare une part de marché de plus de 97%, devra être démantelé. C’est ce qui ressort des engagements du CMI et de ses neuf banques actionnaires transmis au Conseil de la concurrence qui les a révélés dans un communiqué publié ce vendredi 27 septembre 2024.

Cette proposition entre dans le cadre de l’instruction de la saisine adressée par la société NAPS SA, le 16 mai 2023 au Conseil de la concurrence, concernant l’existence d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par CMI, dans le secteur des activités de paiement par Terminal de paiement électronique (TPE) et de paiement en ligne via carte bancaire (PEL).

Ses engagements visent à répondre aux préoccupations de concurrence identifiées lors de l’instruction de l’affaire, et à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché du paiement électronique par carte (TPE et PEL).

Toutefois, explique le Conseil, le CMI continuera à opérer en tant que plateforme technique qui fournit ses services à tous les établissements de paiement (EDP) de la place dans des conditions tarifaires et non tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires. Il continuera également à assurer le service de paiement de factures via sa plateforme Fatourati.

«Ce démantèlement permettra d’animer la concurrence sur le marché à travers la reprise de l’activité acquisition par les banques via leurs établissements de paiement, ou toutes autres filières dédiées, ce qui démultipliera le nombre d’acteurs sur ce marché et créera un effet d’émulation au bénéfice de l’économie nationale et du bien-être des consommateurs», souligne-t-il.

Ces engagements du CMI sont de deux ordres: structurels et comportementaux. Les engagements structuraux sont au nombre de quatre. Le premier est de céder l’ensemble des contrats d’adhésion des commerçants aux systèmes cartes (affiliation au TPE et de PEL) au profit des établissements de paiement ou toute autre filiale des banques dédiée à l’acquisition relevant ou non de ces dernières. Le CMI s’engage aussi à céder les contrats liés à son activité passerelle de paiement en ligne (Gateway E-Commerce).

Le CMI sera transformé en plateforme technique de traitement

Le deuxième est d’anticiper activement et effectivement à la facilitation et la réalisation de cette cession au profit des nouveaux cessionnaires. Le troisième est de rendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir la viabilité économique, la valeur et la compétitivité de ses contrats pendant la période transitoire de 12 mois à compter de la date de la décision du Conseil rendant obligatoires les engagements.

Le quatrième engagement structurel du CMI est de s’interdire de démarcher tout nouveau client ou de conclure de nouveaux contrats d’adhésion aux systèmes cartes ou de contrat lié à son activité passerelle de paiement en ligne (Gateway E-Commerce) aux commerçants (B to C).

Cependant, et afin de s’adapter au contexte concurrentiel du marché, est-il noté, le CMI peut prendre toutes les dispositions nécessaires pour défendre, préserver et gérer les contrats commerçants conclus avant la date de cette décision du Conseil, et ce dans l’attente de les céder aux établissements de paiement des banques ou aux autres filiales dédiées à l’acquisition.

Le CMI, qui sera transformé en plateforme technique de traitement pour le compte de tous les établissements de paiement de la place, s’engage à garantir un accès à ses services dans des conditions tarifaires et non tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires.

Pour ce qui est des banques actionnaires du CMI, elles s’engagent à acquérir, au profit de leurs établissements de paiement ou toutes autres filiales dédiées l’ensemble des contrats commerçants qui concernent l’adhésion aux systèmes cartes (affiliation au TPE et de PEL), conclus à date de la décision qui sera prise par le Conseil.

Le CMI et les banques actionnaires de ce dernier s’engagent en outre, chacun en ce qui le concerne, à assurer les principes de permanence et de continuité de services d’acquisition sans rupture ni baisse, en capitalisant sur les acquis techniques et technologiques dans le domaine, notamment vis-à-vis des différents partenaires nationaux et internationaux dont les schèmes internationaux. Le schème, est-il expliqué, est un réseau de paiement par carte qui est brandé sous une marque (par exemple VISA et MASTERCARD) pour faciliter et sécuriser les transactions entre les porteurs de carte et les commerçants.

Un programme de conformité avec le droit de la concurrence

Concernant les engagements comportementaux non tarifaire, le CMI et ses banques actionnaires s’engagent à mettre en place un programme de conformité avec le droit de la concurrence et cesser immédiatement les pratiques objet des préoccupations de concurrence précitées.

En outre, les banques actionnaires du CMI s’engagent à veiller à ce que leurs établissements de paiement ou filiales dédiées soient juridiquement et économiquement indépendants, afin de leur permettre de jouir d’une autonomie fonctionnelle et comptable.

De même, elles s’engagent à ne pas commercialiser les offres d’affiliation au TPE ou de PEL de leurs établissements de paiement ou filiales dédiées à l’acquisition. Néanmoins, les banques peuvent procéder à la promotion de l’activité acquisition au niveau de leurs réseaux d’agences ou par tout autre moyen, sans préjudice du droit du client de la banque à contracter avec l’acquéreur de son choix.

S’agissant des engagements comportementaux tarifaires, les parties concernées s’engagent à ne pas appliquer une commission d’interchange, par opération d’un montant supérieur au plafond fixé par la décision règlementaire de Bank Al-Maghrib relative aux frais d’interchange monétique domestique. Le Conseil rappelle que l’interchange correspond à la partie de la commission d’acquisition reversée par l’acquéreur (celui qui contracte avec le commerçant) à la banque émettrice (celle qui a émis la carte au porteur) lors de chaque paiement par carte.

Cette révision de l’interchange, est-il précisé, va permettre aux acquéreurs d’opérer des baisses significatives dans les tarifications de leurs clients commerçants, ce qui favorisera le développement du paiement électronique par carte en réduisant le taux de la commission d’acquisition.

Le communiqué précise qu’une période transitoire et des délais sont prévus dans le cadre de la mise en œuvre progressive de ces engagements après décision du Conseil de la concurrence. Aussi et pour assurer le suivi de l’exécution de ces engagements, une entité de suivi sera créée entre le Conseil de la concurrence et la banque centrale.

Un délai de 30 jours pour recueillir les observations des parties

Par ailleurs, le CMI et les banques actionnaires de ce dernier se sont engagés à transmettre au Conseil de la concurrence à partir de la date de la décision du Conseil rendant obligatoire les engagements précités, et pour une durée de deux années, un état semestriel documenté détaillant l’exécution des différents engagements structurels et comportementaux souscrits.

Le Conseil de la concurrence a expliqué qu’il publie les engagements proposés par le CMI et ses banques actionnaires afin de recueillir les observations des parties, du Commissaire du gouvernement et le cas échéant, des tiers intéressés dans un délai de 30 jours à partir de la date de publication du présent communiqué, soit le 30 octobre 2024.

À l’issue de ce test de marché, et après examen des observations émises, le Conseil de la concurrence prendra sa décision finale en rendant les engagements précités obligatoires pour les parties, ce qui marquera la clôture de la procédure.

Par Lahcen Oudoud
Le 27/09/2024 à 15h54