Plus de 18.000 salariés, 38 milliards de dirhams de chiffre d’affaires et 12,7 milliards de dirhams de valeur ajoutée, l’Office national de l'électricité et de l'eau potable peut paraître comme un mastodonte parmi les établissements publics. Il est même présenté dans le projet de loi de Finances 2021 comme étant l'un des porte-drapeaux de l’effort d’investissement étatique, en prévoyant un budget de 13,4 milliards de dirhams, soit 16% de l’enveloppe d’investissement de l'ensemble du portefeuille public. Pourtant, à examiner de plus près les comptes financiers, la situation de l’ONEE paraît alarmante, surtout que ses performances sont loin d’être exemplaires.
La masse salariale de l’Office augmente chaque année de quelque 100 millions de dirhams, pour culminer à fin 2019 à près de 4 milliards de dirhams. Les charges d’exploitation ont, de leur côté, enregistré un bond de 2,4 milliards de dirhams, d’une année à l’autre, soit deux fois moins que la croissance du chiffre d’affaires. Quant au résultat net, il fond comme neige au soleil: il a été quasiment divisé par trois pour passer en dessous de la barre des 600 millions de dirhams. Parallèlement, l’endettement de l’Office reste à un niveau assez élevé: il pèse pour près de la moitié dans le total bilan, et représente 2,5 fois les fonds propres.
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Cette fébrilité financière devrait servir d’électrochoc aux pouvoirs publics pour anticiper, une nouvelle fois, des difficultés plus graves pour l’ONEE. Surtout que les indicateurs d’exploitation semblent peu rassurants. Pour ne prendre que la branche Electricité, la capacité installée connaît une stagnation et pis encore, une sous-exploitation. Avec le déclassement de la centrale à charbon de Jerada, et des turbines à gaz, la capacité installée par l’Office national de l'électricité a connu une baisse, en 2019, de l’ordre de 2,4%. L’apport des deux petites centrales mises en service durant cette période a été marginale: 24,4 MW. Et encore, sur cette capacité installée de 10.799 MW, à fin décembre 2019, l’Office n’a pu produire que 9137 MW, soit un taux d’utilisation de la capacité de 85%. Pourtant les 1600 MW que l’ONE a laissés en délestage auraient fait du bien à la balance des paiements du Royaume, sachant qu’il a fallu importer 526 MW d’électricité.
La production de l’ONE couvre à peine 22,4% de la demande d’énergie nationale. Celle-ci a été assurée, en 2019, à hauteur de 30.954 MW, par des parcs privés, dont la production a connu une hausse de l'ordre de 32%. Le rôle de l’Office public a donc tendance à se réduire à un simple transporteur ou distributeur (dans certaines communes) de l’énergie produite par le secteur privé. Peut-être devrait-il alors se concentrer sur ce métier.
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Plus de la moitié de l’électricité appelée provient de Safi Energy Company (SAFIEC) et de Jorf Lasfar Energy Company (JLEC). Pour cette dernière, le contrat a été prolongé pour ses centrales 1 à 4, ce qui s’est traduit par une rallonge versée par l’ONEE d’un milliard de dirhams. Un montant qui a été pris en charge par le ministère des Finances, dans le cadre des charges communes. En plus de cette enveloppe, l’Etat a continué, jusqu’en 2019, à prendre en charge l’apurement des arriérés de la TVA de cet Office. Près de 400 millions de dirhams ont été décaissés dans ce sens. D’importantes rallonges budgétaires, qui sont venues s’ajouter aux 2 milliards de dirhams transférés par l’Etat, entre 2019 et 2020. Colossal!