Signé en 2018, l’accord sur la ZLECAF est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce projet ambitieux vise à démanteler les barrières tarifaires entre les États membres tout en harmonisant des domaines stratégiques: la facilitation des échanges, le commerce des services, l’investissement, ainsi que le respect des normes sanitaires, la levée des obstacles techniques et la protection des droits de propriété intellectuelle.
Ce qui est en cause regarde de nombreux domaines: la fragmentation économique de l’Afrique, les lacunes du commerce intra-africain qui se situe autour de 16% seulement, le faible niveau d’industrialisation ou de production de valeur régionale, les lourdeurs des barrières non-tarifaires dans les services, la faiblesse des règles de promotion de l’investissement et de la concurrence, sans oublier le caractère inadéquat des institutions et des procédures de facilitation du commerce.
L’objectif global est de restructurer les modèles d’échanges extérieurs afin de favoriser une part accrue du commerce intra-africain. Si cette ambition représente une opportunité historique pour le continent, sa mise en œuvre demeure un défi de taille.
C’est sur ces bases que s’est tenue à Marrakech, les 11-12 décembre courant, la deuxième édition du Forum d’affaires de la ZLECAF sous le thème fédérateur «Ensemble pour une mise en œuvre efficiente de la ZLECAF» . La première édition avait eu lieu à Casablanca le 5 novembre 2024. La prochaine se tiendra à Fès en 2026. Ce rendez-vous dans la ville ocre avait été organisé par le secrétariat d’État au Commerce extérieur en partenariat avec le secrétariat de la ZLECAF, l’ASMEX, la CGEM et l’Association des régions du Maroc. Il faut y voir la traduction de la continuité des initiatives portées par le Royaume pour accélérer l’implémentation de cet accord continental.
L’engagement du Maroc est l’illustration d’un engagement en faveur de l’intégration africaine. C’est là une vision constante de SM le Roi depuis plus d’une décennie. Il y a une dizaine d’années, le Souverain présidait l’ouverture du Forum maroco-ivoirien du 24 février 2014. À cette occasion, il avait délivré un message fort autour du thème «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique», insistant sur la capacité du continent à prendre en main son propre destin.
Les thèmes principaux mis en relief à cet égard étaient nombreux: autonomie et potentiel, développement par les projets, solidarité et coopération, vision d’une Afrique prospère. Il avait été qualifié d’«historique» et de «pacte pour l’Afrique du 21ème siècle». Dans cette même ligne, il faut citer le discours Royal adressé au 4ème sommet UE-UA les 2 et 3 avril 2014 à Bruxelles. Une Afrique maîtresse de son destin, capable de transformer ses ressources sur place et de relier ses régions, de la Méditerranée à l’Atlantique, du Sahel aux façades maritimes.
Le Royaume s’affirme comme un acteur central et un partenaire stratégique dans le renforcement de la coopération multidimensionnelle africaine. Ce rôle s’appuie sur des choix structurants en matière de diplomatie économique, d’investissements, d’infrastructures et de mécanismes financiers, tous mis au service du développement du continent.
Parmi les projets structurants figure l’Initiative Atlantique lancée par SM le Roi en faveur des États africains atlantiques et des pays du Sahel. Le Maroc a ainsi ouvert ses ports et ses corridors logistiques à vingt-trois pays riverains. Une approche de l’Atlantique pragmatique, témoignant de la volonté du Royaume de faire de l’intégration régionale une réalité concrète, fondée sur la complémentarité et le partage des opportunités.
Il faut également mentionner le projet de gazoduc Nigéria Maroc, long de 6.000 kilomètres et traversant plus d’une dizaine pays d’Afrique de l’Ouest. Cette infrastructure dépasse la seule dimension énergétique. Elle est un socle stratégique pour une industrialisation partagée. Elle va en effet fournir une énergie fiable et compétitive à des secteurs clés (engrais, pétrochimie, matériaux de construction, agro-industrie). Autant de secteurs appelés à jouer un rôle central dans la création d’emplois et la montée en gamme des économies africaines. À travers ces projets, la ZLECAF est envisagée comme un catalyseur de développement industriel et non pas comme un simple accord commercial.
«La ZLECAF demeure un levier stratégique pour créer davantage de valeur ajoutée en Afrique, à condition d’impliquer pleinement les entreprises.»
Le Maroc mise et met également en exergue ses atouts financiers pour accompagner l’intégration africaine. Casablanca Finance City (CCFC) est devenue une plateforme régionale majeure. De même, il faut relever la présence des groupes bancaires marocains dans plus d’une vingtaine de pays africains. S’y ajoute l’adhésion de Bank Al Maghrib au système panafricain de paiements et de règlement. De telles avancées présentent de grands avantages: des projets pilotes de paiement en monnaies locales, la sécurisation du crédit export et des couvertures de risques pour les PME africaines, la fluidification des échanges et la réduction des coûts liés aux transactions transfrontalières.
Le port de Dakhla Atlantique a été conçu comme un futur hub logistique afro-atlantique. Cette infrastructure stratégique doit relier l’Europe, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, tout en consolidant les corridors atlantiques appelés à soutenir la ZLECAF. À terme, le port de Dakhla est appelé à jouer un rôle clé dans la réduction des coûts logistiques et dans l’intégration des chaînes de valeur régionales, en particulier pour les pays sahéliens enclavés. Il illustre la convergence entre l’Initiative Atlantique et les objectifs de la ZLECAF.
La voix du secteur privé a également été largement entendue. En raison du déficit d’infrastructures et du coût du transport, les services circulent plus facilement que les biens sur le continent. Des défis aussi liés à la pluralité des monnaies, aux contraintes financières et aux obstacles logistiques.
Pour le patronat marocain, la ZLECAF demeure un levier stratégique pour créer davantage de valeur ajoutée en Afrique, à condition d’impliquer pleinement les entreprises, en particulier les PME. Lors d’un panel ministériel de haut niveau, plusieurs ministres africains en charge du commerce ont affirmé que la ZLECAF représente la voie la plus sûre vers une Afrique souveraine et compétitive. Ils ont identifié des défis communs, allant du coût élevé du transport au manque d’infrastructures, en passant par les contraintes liées au financement et à la propriété intellectuelle. Ils ont plaidé pour le renforcement de la connectivité continentale, la réduction des tarifs douaniers et l’harmonisation des communautés économiques régionales. La mise en place de guichets uniques pour les investisseurs et les exportateurs, ainsi que la création de comités nationaux dédiés à la ZLECAF, figurent parmi les recommandations avancées pour améliorer la coordination et l’efficacité.
Les ministres ont également insisté sur l’implication indispensable du secteur privé africain. Selon eux, la réussite de la ZLECAF passe par une participation accrue des PME, appelées à devenir le moteur des échanges interafricains. Le développement de chaînes de valeur régionales est perçu comme un moyen concret de renforcer la compétitivité du continent et de réduire sa dépendance aux importations extra-africaines. Les échanges ont permis de faire le point sur les avancées réalisées dans plusieurs pays, tout en soulignant la nécessité d’adapter les cadres législatifs et de mettre en place des incitations fiscales attractives pour les investisseurs.
En marge du forum, Marrakech a également accueilli une réunion ministérielle africaine consacrée à la préparation de la 14ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prévue en mars 2026 à Yaoundé. Présidée par le Maroc et modérée par le Mozambique, cette réunion a rassemblé seize ministres et plus de trente délégations africaines. L’objectif était de consolider une position africaine commune sur les grands dossiers commerciaux multilatéraux, à partir du document de référence récemment publié par le Groupe africain à l’OMC. Les participants ont réaffirmé leur attachement à un système commercial multilatéral ouvert, juste, inclusif et fondé sur des règles.
Parmi les points clés évoqués figurent la préservation du traitement spécial et différencié pour les pays en développement et les pays les moins avancés, ainsi que la nécessité de dépasser les mesures commerciales restrictives et unilatérales. La réforme de l’OMC a également été abordée, avec un accent mis sur le développement, la transparence et le maintien d’un mécanisme efficace de règlement des différends.





