«La prolongation de cette mesure est importante parce qu’autrement le marché national serait inondé de produits turcs subventionnés qui bénéficient de toute les pratiques de concurrences déloyales au détriment des produits locaux», indique, interrogée par Le360, la directrice générale de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH). Selon Fatima-Zohra Alaoui, depuis l’entrée en vigueur de la mesure de sauvegarde en 2018, le marché local a enregistré une forte baisse des importations directes turques.
Arrivée à échéance le 3 décembre 2021, la mesure de sauvegarde préférentielle définitive sur les importations de produits d'habillement et de textile originaires de Turquie a en effet été prolongée d’une année supplémentaire, jusqu'au 31 décembre 2022. Le but? Protéger les producteurs nationaux face à la menace turque qui plane sur cette industrie depuis des années déjà.
Ainsi, les importations de ces produits continuront à être soumises à un droit additionnel ad valorem, équivalent à 90% du droit d'importation applicable dans le cadre du droit commun. Une mesure que les professionnels du secteur ont accueillie avec beaucoup de soulagement.
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«Les volumes importés ont été freinés par la hausse des droits de douanes, ce qui a permis à nos industriels de concurrencer ces produits à armes égales et donc de regagner des parts sur le marché local», précise-t-elle.
Si la mesure de sauvegarde a été prolongée d’une année seulement, les nouvelles dispositions prévues dans le cadre de l'amendement de l’accord de libre-échange devraient protéger le secteur encore plus longtemps.
La loi amendant l’accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et la Turquie est en effet entrée en vigueur. Le Dahir royal la promulguant a été publié au Bulletin officiel, le 13 mai 2021. L’une de ses principales nouveautés est l’adoption d’une liste négative de produits, sur lesquels les droits de douanes seront rétablis à hauteur de 90% du droit commun.
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Cette liste concerne plus de 1.200 produits, correspondant à 630 positions tarifaires, liées aux secteurs du textile-habillement, du cuir, de la métallurgie, de l’électricité, du bois et de l’automobile. Ces nouveaux droits de douane resteront valables pour une période de 5 ans, renouvelable une seule fois pour la même période.
Vigilance malgré toutMalgré les efforts déployés par le ministère de l'Industrie pour protéger le secteur, la directrice de l’AMITH appelle à faire preuve de davantage de vigilance. «Il y a toujours une menace avec les produits turcs, il faut rester très vigilant parce qu'il y a un risque de détournement d’origine», souligne Fatima-Zohra Alaoui.
En effet, les producteurs turcs tentent parfois d'utiliser des pays européens qui bénéficient d'un accord de libre-échange avantageux avec le Maroc comme plateforme d'exportation, pour ne pas avoir à payer des droits de douanes élevés et ainsi accéder au marché marocain.
«Les services des douanes retrouvent des fois des produits européens, sous label européen, mais qui ont été fabriqués en Turquie. Si ces produits échappent au contrôle des autorités, ils concurrencent fortement notre production locale», explique-t-elle.
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Or, si le marché local marocain est entièrement accessible aux Turcs, le marché turc demeure infranchissable pour les exportateurs marocains. «Aujourd’hui les Turcs veulent exporter à tout prix, ils vont tout faire pour accompagner leurs exportateurs, notamment à travers les subventions, mais dans l’autre sens, ils vont tout faire pour protéger leur marché et empêcher l’accès à nos produits».
En quête de réciprocitéDevant cette situation, Fatima-Zohra Alaoui insiste sur le besoin de veiller à instaurer un principe de réciprocité pour garantir une concurrence saine sur le marché.
«Nos exportations vers la Turquie font face à toutes sortes de barrières tarifaires pour empêcher la concurrence. Nos produits restent bloqués sur la base de normes et de tests qui prennent des mois. Ces pratiques dissuadent la plupart de nos exportateurs d’envisager le marché turc», regrette Fatima-Zohra Alaoui, qui explique que les barrières non-tarifaires sont de fait interdites dans le cadre des accords de libre-échange.
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«Normalement, dans le cadre d’un ALE, on ne peut pas mettre en place des barrières supplémentaires qui empêcheraient un produit de rentrer sur votre marché simplement parce qu’il concurrence l’un de vos produits, sauf que les Turcs sont des champions du monde des barrières non-tarifaires et cela dure depuis des années déjà», indique-t-elle.
Qu'en est-il de l’impact de l’effondrement de la livre turque? Pour ce qui est de l’impact de l'effondrement de la livre turque et la crainte de la perte de compétitivité du secteur textile marocain face à une éventuelle baisse des prix des produits turcs, la directrice de l'AMITH se veut très rassurante.
Elle explique ainsi que la dépréciation de la monnaie nationale turque a été absorbée par la hausse des prix des matières premières importées sur le marché international. «Il n'y a pas eu réellement d’impact sur le marché local. Les producteurs turcs importent beaucoup d'intrants sur le marché international qu’ils paient en devise. A cause de la dévaluation de la monnaie turque, la matière première a coûté plus cher cette année. La hausse des coûts de production s’est donc automatiquement répercutée sur le prix final des produits à l'export».
En ce qui concerne la performance du secteur en 2021, Fatima-Zohra Alaoui indique que le secteur a retrouvé son niveau d’activité de 2019, absorbant ainsi les effets de la crise sanitaire après une année 2020, marquée par une baisse d’activité de l’ordre de 20%.
Aussi, et devant ces statistiques encourageantes, la directrice générale de l'AMITH tient à terminer cet entretien sur une note positive: «les perspectives pour 2022 sont bonnes, les carnets de commande reviennent, et la volonté des donneurs d’ordre de rapatrier une partie de la production asiatique vert le bassin méditerranéen pour un sourcing de proximité est confirmée».