Dans un marché mondial des engrais soumis aux tensions géopolitiques et aux restrictions d’exportation, l’Inde se tourne vers le Maroc. New Delhi multiplie en effet les signaux en direction du Royaume pour sécuriser durablement ses approvisionnements en engrais, rapporte vendredi le quotidien indien The Economic Times, l’un des plus grands quotidiens économiques d’Asie et la principale référence en matière d’actualités financières en Inde. Selon le journal, qui cite des «sources proches du dossier», New Delhi cherche à consolider des flux stables d’engrais dans un contexte mondial marqué par la volatilité et par les restrictions imposées par certains exportateurs, notamment la Chine. Le Maroc, doté des plus vastes réserves de phosphates au monde, apparaît ainsi comme un partenaire «capable de répondre aux besoins indiens de manière fiable».
The Economic Times revient sur la visite récente d’une délégation du ministère indien des Affaires étrangères, conduite par la secrétaire (Sud) Neena Malhotra, venue à Rabat pour renforcer la coopération dans la chaîne d’approvisionnement en fertilisants. La délégation a rencontré le management d’OCP, présenté comme un «fournisseur de longue date de l’Inde en engrais et en phosphate». D’après le quotidien, «les deux parties ont discuté du renforcement des arrangements stratégiques d’approvisionnement à long terme, de projets conjoints dans la chaîne d’approvisionnement en engrais, de la coopération dans les domaines de l’agriculture, de la santé des sols et de la sécurité alimentaire», ajoutant que le management d’OCP «est prêt à intensifier ses approvisionnements vers l’Inde».
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Cette orientation n’est pas nouvelle mais elle prend désormais une dimension stratégique. OCP est en effet l’un des piliers de la sécurité fertilisante de l’Inde. Le groupe assure un cinquième des importations indiennes de roche phosphatée, un tiers de celles d’acide phosphorique, plus de 90% des volumes consommés dans le pays en DAP (Diammonium Phosphate, l’un des engrais phosphatés les plus utilisés au monde) et la totalité du TSP (Triple Super Phosphate, engrais phosphaté très concentré). En 2023, des accords ont été signés pour la fourniture de 1,5 million de tonnes de DAP et d’un million de tonnes de TSP, des volumes décisifs pour la politique agricole indienne et sa volonté d’éviter toute dépendance excessive à un fournisseur unique.
Le groupe marocain est, par ailleurs, solidement ancré en Inde à travers sa participation dans Paradeep Phosphates Ltd et via la coentreprise Indo Maroc Phosphore SA avec Chambal Fertilizers, un dispositif industriel qui contribue directement à sécuriser les matières premières essentielles à la production locale d’engrais.
Au-delà des fertilisants, la visite de Neena Malhotra s’est inscrite dans un agenda économique plus large. La responsable indienne a rencontré Omar Hejira, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, pour examiner les perspectives d’expansion du commerce bilatéral et les opportunités dans les secteurs des produits pharmaceutiques, de l’automobile, des services informatiques, du textile ou encore de l’agro-transformation.
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Elle s’est également entretenue avec la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali. Les discussions ont porté sur les énergies renouvelables, notamment dans le cadre de l’Alliance solaire internationale. Les deux parties ont reconnu la complémentarité de leurs stratégies énergétiques et ont convenu de renforcer la coopération dans les chaînes de valeur minières durables, l’intégration du secteur privé et le renforcement des capacités, y compris via le programme indien ITEC, soit Indian Technical and Economic Cooperation Programme, un programme phare de coopération internationale lancé par l’Inde en 1964 et qui vise à renforcer les capacités des pays partenaires.
Le quotidien indien rappelle enfin que «le Maroc s’impose comme un partenaire économique et commercial clé de l’Inde en Afrique du Nord », avec plus de 40 accords déjà en vigueur et une coopération croissante dans des domaines stratégiques, dont la défense. Il évoque à ce titre la visite cette semaine du contre-amiral Mohamed Tahin, inspecteur de la Marine Royale, en Inde, où il a rencontré le chef d’état-major de la défense, le général Anil Chauhan. Les échanges ont porté sur l’élargissement de la coopération industrielle, le renforcement du partage d’informations, la sécurité maritime ou encore la multiplication d’exercices conjoints.
Des discussions qui, selon le journal, traduisent la volonté des deux pays de bâtir un cadre durable et structurant, englobant à la fois la sécurité alimentaire et la sécurité stratégique, dessinant ainsi l’une des relations les plus dynamiques entre l’Asie du Sud et l’Afrique du Nord.








