C’est un euphémisme de soutenir que la rencontre organisée par la Fondation Attijariwafa bank, dans le cadre de son cycle de conférence «Echanger pour mieux comprendre», avec pour thème: «Conjoncture économique 2016: quelles opportunités à saisir et obstacles à lever pour le Maroc?» est d’une actualité brulante. Elle est intervenue 24 heures après l’annonce par le Haut commissariat au plan (HCP) de la révision de moitié de sa prévision du taux de croissance 2016, ne tablant plus que sur un taux de croissance de 1,3%.
Revenant sur cette projection, Jean Pierre Chauffour, Economiste principal, Banque mondiale, a indiqué aussi que l’institution de Bretton Woods va réviser à la baisse sa prévision de croissance à moins de 2%, contre 2,7% en septembre dernier.
Croissance trop «capitalivore»
Au delà de la faiblesse de la croissance du PIB, c’est le modèle économique poursuivi par le Maroc depuis 2000 qui est de plus en plus remis en question. En effet, si le Maroc est parvenu à assurer un taux de croissance de l’ordre de 4,7% en moyenne annuelle depuis 2001, c’est surtout grâce à deux variables : les dépenses publiques liées aux investissements dans les infrastructures et la consommation des ménages soutenue par les améliorations des revenus des salariés (hausse des salaires, aménagement de la grille de l’IR, etc.) dans un contexte de liquidité bancaire favorisant l’octroi des crédits.
«Il s’agit d’une croissance très capitalivore, avec des investissements pesant autour de 30% du PIB», a fait remarquer l’expert de la Banque mondiale. Pour des taux d’investissement similaire, d’autres pays réalisent des taux de croissance de 7% et plus.
Du coup, «le moment est venu d’évaluer la soutenabilité de ce modèle» a expliqué Chauffour, en appelant à la mise en place d’un nouveau modèle à même de «faire passer l’économie marocaine à un nouveau palier qui est créateur de valeur et d’emplois».
Et le maillon manquant du modèle marocain est celui de «gain de productivité». En clair, selon l’Economiste principal de l’institution de Bretton Woods, «le rattrapage économique ne sera effectif qu’en réalisant des gains de productivité».
Faible intégration à l’économie mondiale
Allant dans le même sens, Larbi Jaïdi, Economiste, professeur-chercheur, à l' Université Mohammed V, relève une certaine contradiction du modèle économique en vigueur. Alors que «le modèle suivi est drivé par la demande intérieure, le Maroc est depuis quelques années orienté vers l’ouverture extérieure en multipliant les accords de libre-échange».
Du coup, malgré un taux d’investissement élevé, parmi les plus levés au monde, le Maroc affiche globalement des taux de croissance globalement moyen, faiblement créatrice d’emploi et qui n’est pas inclusive. Et même au niveau de l’intégration à l’économie mondiale, «la part du commerce international du Maroc n’a pas évolué et s’établit autour de 0,12% et ce malgré les multiples accords de libre-échange qui le lie avec de nombreux pays», poursuit le professeur.
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Le fond du problème est celui de la compétitivité. Or, pour y arriver, il faut une transformation structurelle. «Malheureusement, la transformation structurelle est très lente du fait qu’on craint le changement au Maroc», a expliqué Jaïdi. Partant,
L’entreprise et la problématique de sa compétitivité doivent être au cœur du nouveau modèle de développement.
Seulement, si jusqu’à présent la compétitivité des entreprises marocaines a été vue presque uniquement sous l’angle de réduction des coûts au détriment de l’amélioration de la productivité, il souligne que «tous les pays ayant réussi leur rattrapage économique, ont axé leurs forts sur les gains de productivité».
En clair, pour les intervenants, «il faut agir sur la gouvernance domestique afin de réaliser des performances économiques».
Et pour cela, l’Etat doit accélérer les réformes structurelles touchant l’éducation et la formation du capital humain, lutter efficacement contre la corruption, mettre un terme aux arriérés de paiement, aller vers un régime de flexibilité du taux de change, mettre un terme aux situations de rente, etc.