Détérioration des immeubles anciens: un coût élevé et une responsabilité partagée

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Revue de presseKiosque360. La détérioration des immeubles anciens est un véritable casse-tête pour le secteur immobilier. Face aux loyers faibles, la responsabilité incombe aussi bien aux propriétaires qu’à l’Etat.

Le 08/11/2020 à 21h01

"Des façades délabrées, un entretien absent, des parties communes en décrépitude, des escaliers cassés, une peinture écaillée". C’est en ces termes que l’hebdomadaire La Vie Eco décrit la détérioration des anciens immeubles. Leur état déplorable mine, en effet, le paysage urbain mais aussi le patrimoine architectural du pays. La faute aux loyers ridiculement faibles (200 à 500 dirhams mensuels) et à l’absence de syndics. 

La détérioration des immeubles anciens est désormais un casse-tête pour le secteur immobilier, qui a enregistré pourtant plusieurs avancées, notamment sur les plans architectural, institutionnel, juridique ou encore opérationnel. Alors qu’elles sont à l’origine d’une hausse des prix à l’acquisition et à la location, ces avancées ne bénéficient pas pour autant aux immeubles anciens. 

La justice en faveur du locataire "Il est vrai que la loi actuelle n°67-12 régissant le locatif résidentiel et professionnel stipule une augmentation des loyers de 8% au bout de 3 ans. Mais, même en appliquant cette loi, la situation ne changerait pas. Le problème ne réside pas dans l’application mais dans la revalorisation de ces loyers bas", explique à La Vie Eco Douglas Benchetrit, architecte à Casablanca. 

Alors qu’elle donne aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire pour décider d'une augmentation allant jusqu’à 50% des loyers dont le montant ne dépasse pas 400 dirhams par mois, la loi penche "généralement du côté du locataire", relève pour sa part un avocat au barreau de Casablanca. "Quand une affaire de loyer est portée devant le tribunal pour une augmentation ou une revalorisation, le juge tranche très souvent en faveur du locataire", poursuit-il.

L’architecte casablancais Benchetrit déplore, quant à lui, l’état "qui laisse à désirer" de certains immeubles à Casablanca. "Un système électrique désuet, des câbles suspendus, des installations sanitaires d’une autre époque, et cela sans parler de l’état menaçant de la structure de certains immeubles", se désole-t-il. 

Rabat et Casablanca, même combat  A Rabat, la situation est tout à fait similaire, à en croire l’architecte et urbaniste Rachid Boufous. "Plusieurs sociétés de gestion locative disposent de dizaines d’immeubles mis en location, sans pour autant que l’entretien soit réellement pris en compte", relève-t-il. Une responsabilité qui incombe non pas aux locataires, mais aux propriétaires. Et de rappeler que "la loi sur la copropriété oblige les propriétaires à entretenir les parties indivises de l’immeuble". 

D’après le spécialiste, l’entretien de ces parties communes peut même entrer dans les prérogatives de la police urbaine. "Ses domaines d’intervention sont l’hygiène, la salubrité publique, la propreté, l’urbanisme, l’occupation du domaine public… Dans ce cas, l’Etat peut obliger directement les propriétaires à entretenir l’immeuble, notamment les façades", explique-t-il. 

Quid alors du rôle de l’Etat? Ses efforts sont, en effet, jugés insuffisants par les professionnels, comme le rapporte l’hebdomadaire. D’un côté, "la majorité des grands projets d’infrastructure du pays, notamment à Casablanca, ne sont d’aucune valeur ajoutée en terme de création de richesses", selon Taoufik Kamil, président de la FNPI. De l’autre côté, l’architecte Benchetrit soutient que "beaucoup d’argent a été investi dans l’urbanisme des anciens quartiers de Casablanca afin de revaloriser le centre-ville. Mais, sur le plan juridique, le bât blesse".

Par Khalil Rachdi
Le 08/11/2020 à 21h01