Le Maroc avance à grands pas sur la voie du dessalement, devenu un pilier central de sa stratégie hydrique. Face à une sécheresse structurelle et à une disponibilité en eau tombée à moins de 600 m³ par habitant, contre 2.500 m³ dans les années 1960, le Royaume a choisi d’investir massivement dans cette filière à fort potentiel technologique et énergétique.
Reprises par le quotidien Les Inspirations Eco, les estimations du cabinet Renub Research avancent une valeur du marché marocain du dessalement qui atteindra 850 millions de dollars en 2033, soit une croissance annuelle moyenne de 8,7%. Cette trajectoire s’inscrit dans la Stratégie nationale de l’eau 2050, qui vise à sécuriser durablement les ressources du pays et à diversifier ses sources d’approvisionnement, lit-on.
Aujourd’hui, le Maroc dispose de 17 usines de dessalement en activité, auxquelles s’ajoutent 4 chantiers en cours et 9 projets planifiés. Leur capacité cumulée atteindra 1,7 milliard de mètres cubes par an à l’horizon 2033, couvrant à la fois les besoins urbains et agricoles. Des stations emblématiques (Agadir, Laâyoune, Boujdour) fonctionnent déjà, tandis que Casablanca s’apprête à accueillir la plus grande installation de dessalement d’Afrique, capable de produire 300 millions de m³ par an, écrit Les Inspirations Eco. À Dakhla, une usine intégralement alimentée par énergie éolienne incarne le virage vert du secteur.
Dessaler l’eau de mer requiert entre 4 et 6 kWh d’électricité par mètre cube, un coût énergétique considérable, explique le quotidien. Pour y répondre, le Maroc intègre de plus en plus le solaire et l’éolien dans ses usines de dessalement, réduisant ainsi les coûts d’exploitation et les émissions de carbone. D’après une étude conjointe de la RES4Africa Foundation et du groupe AFRY, cette synergie eau-énergie pourrait représenter à terme 5% du mix vert national.
Les appels d’offres récents imposent désormais une alimentation propre, attirant des consortiums internationaux de premier plan tels qu’ENGIE, Abengoa, Acwa Power ou Suez, en partenariat avec l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Mais la rentabilité reste un défi. Le coût du mètre cube d’eau dessalée oscille entre 7 et 10 dirhams, contre 3 à 4 dirhams pour l’eau issue des barrages, lit-on encore. Sans mécanismes de compensation, cette différence pourrait peser sur les collectivités locales et les filières agricoles, notamment dans les régions du Souss et du Sud.
Le dessalement n’est pas sans effets secondaires. Le rejet de saumures, des résidus hautement salins, soulève des enjeux environnementaux complexes. Des chercheurs marocains travaillent à des procédés de valorisation minérale, visant l’extraction de sels et de métaux à haute valeur ajoutée, mais les applications industrielles demeurent limitées.
Sur le plan institutionnel, la multiplicité des intervenants (ministères, agences de bassin, collectivités) ralentit la coordination. L’idée de créer une autorité nationale de régulation du secteur de l’eau fait ainsi son chemin, afin d’assurer une gouvernance plus cohérente et une planification à long terme, relève Les Inspirations Eco.
La progression du marché marocain du dessalement repose sur cinq piliers structurants, identifiés par Renub Research. Le premier est la pression hydrique chronique: la raréfaction des ressources impose une réponse structurelle, et le dessalement s’impose comme solution de long terme. Le deuxième levier est la planification publique volontariste, notamment à travers le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, doté de 115 milliards de dirhams, qui positionne le dessalement comme maillon clé dans les zones côtières d’Agadir, Dakhla et Casablanca. Troisièmement, la synergie énergétique joue un rôle décisif. L’intégration du solaire et de l’éolien dans les stations permet une réduction des coûts de 15 à 25%, tout en contribuant à l’objectif national d’un mix 52% renouvelable d’ici 2030.
Le quatrième levier tient au financement international. Les institutions multilatérales — Banque mondiale, Banque européenne d’investissement (BEI), Banque africaine de développement (BAD) ou Fonds vert pour le climat — appuient le Maroc en tant que modèle africain d’ingénierie hydrique durable. Enfin, le cinquième pilier réside dans la mobilisation du secteur privé, via des partenariats public-privé (PPP) à long terme. Des groupes comme Acwa Power, ENGIE, Suez, Abengoa ou Taqa Morocco participent à la conception, à la construction et à la gestion des stations sur des périodes contractuelles pouvant aller jusqu’à 25 ans.
Cette combinaison de leviers économiques, technologiques et institutionnels fait du Maroc un laboratoire continental du dessalement durable. En couplant l’eau et l’énergie propre, le Royaume bâtit un modèle intégré où chaque dirham investi génère un effet multiplicateur sur la croissance, l’emploi et la sécurité alimentaire. Une trajectoire ascendante qui place le pays à l’avant-garde de la gestion hydrique du XXIème siècle.








