La généralisation des usages digitaux, l’extension des surfaces d’attaque et les impératifs de conformité redessinent les priorités des entreprises comme des administrations, confrontées à une montée en puissance constante des cyberagressions. Dans ce contexte, le rapport de Ken Research souligne l’ancrage géographique de cette croissance. Cependant, la concentration économique et technologique de Casablanca en fait le principal moteur de la demande en solutions de sécurité avancées. Rabat quant à elle, structure la demande publique, tandis que Tanger, dotée d’un pôle industriel en expansion, ajoute un troisième versant à une cartographie qui reflète les nouvelles vulnérabilités urbaines de l’économie marocaine.
L’enjeu public apparaît déterminant. Le rapport rappelle qu’en 2023, l’État a adopté une Stratégie nationale de cybersécurité, dotée de 100 millions de dollars et structurée autour d’une agence dédiée, du renforcement des capacités de surveillance et d’un soutien actif aux partenariats public-privé. Cette intervention publique s’est imposée face à une hausse des incidents: 1.300 cyberattaques recensées en un an selon les données reprises par Ken Research, soit une progression estimée à 30%.
Au cœur du marché, les services de Managed Detection and Response (MDR) et des Security Operations Centers (SOC) se détachent nettement. Le rapport détaille l’essor du MDR, devenu la composante dominante sous l’effet de la nécessité d’une surveillance continue et d’une capacité de réponse immédiate. De nombreuses entreprises, confrontées à un manque de compétences internes, externalisent ces fonctions stratégiques vers des prestataires spécialisés. Les services de SOC, la gestion des vulnérabilités et le threat intelligence complètent un écosystème de plus en plus sollicité dans un environnement de risque élargi.

La dimension sectorielle confirme ce mouvement. Le rapport indique que le secteur public demeure le premier utilisateur de solutions de cybersécurité, en raison de la sensibilité des données traitées et de la multiplication des attaques ciblées contre les administrations. Le secteur financier suit, fortement régulé et exposé à des risques sophistiqués, tandis que les télécommunications, la santé et l’industrie manufacturière intensifient à leur tour leurs investissements dans la prévention et la détection des intrusions.
Face à cette montée en puissance, la concurrence s’intensifie. Le rapport de Ken Research recense une présence soutenue d’acteurs internationaux tels qu’Orange CyberDefense, Atos, IBM Security, Cisco, Palo Alto Networks, Check Point, Fortinet, CrowdStrike ou Kaspersky. Leur apport en matière d’innovation, de formation et de diffusion des standards contribue à élever le niveau de maturité du marché marocain, tout en renforçant la dépendance technologique du pays.
Mais la trajectoire du secteur repose sur des fragilités que le rapport expose sans détour. Le déficit de compétences figure parmi les plus critiques: avec 6.000 experts certifiés pour un besoin estimé à 12.000, le Maroc doit composer avec une pénurie qui ralentit le déploiement des solutions avancées et accentue le recours à l’externalisation.
Dans ce contexte, la contrainte budgétaire s’ajoute à cette difficulté puisque la mise en place de dispositifs MDR et SOC implique des investissements initiaux allant de 250.000 à 1,2 million de dirhams, des montants dissuasifs pour de nombreuses PME.
La digitalisation constitue pourtant un moteur inéluctable. Le rapport de Ken Research rappelle que l’économie numérique pourrait représenter 120 MMDH de PIB, portée par le cloud, les services financiers numériques, l’industrie connectée et l’administration digitale. Cette expansion étend les zones de risque et accélère la demande pour des dispositifs sophistiqués capables de neutraliser des attaques de plus en plus automatisées et polymorphes.
En projetant les tendances futures, le rapport se montre prudent, mais optimiste. La montée des menaces devrait continuer d’alimenter la demande en solutions MDR et SOC, tandis que le cadre réglementaire, les efforts publics et l’évolution des normes pousseront les entreprises à renforcer leur sécurité. Les alliances technologiques, l’implantation accrue des acteurs internationaux et la montée en compétences locale définiront les contours d’un marché encore en construction, mais devenu indispensable à la stabilité du tissu économique marocain.
Le rapport «Marché de la cybersécurité au Maroc (MDR et SOC)» offre ainsi une lecture exhaustive d’un secteur en pleine recomposition, tiraillé entre une croissance rapide et des vulnérabilités structurelles. Il décrit un Maroc engagé dans une course contre la montre pour sécuriser l’extension de son économie numérique, face à des menaces dont l’ampleur et la sophistication imposent désormais une mobilisation continue des acteurs publics et privés.








