Les crédits à l’équipement connaissent une nette montée en puissance. Ils ont, en effet, terminé 2024 sur une hausse de près de 18% avec un encours de 242,6 milliards de dirhams (MMDH) et s’accélèrent cette année affichant une croissance de près de 23% au cours des sept premiers mois de 2025 avec un encours de plus de 262 MMDH, selon les données de Bank Al-Maghrib (BAM).
Sur une période plus longue, ces crédits destinés aux différentes branches d’activités économiques ont connu une forte expansion entre décembre 2015 et décembre 2024, passant de 141,5 MMDH à 242,6 MMDH, soit une hausse de 71,5%. Cette dynamique a été tirée par le secteur tertiaire, tandis que certaines branches industrielles ont enregistré des évolutions contrastées.
Les services, grands bénéficiaires avec une envolée de +139,7%
Le secteur tertiaire a plus que doublé ses crédits, passant de 61,8 à 148,1 MMDH, soit une croissance de près de 140%. Cette performance s’explique principalement par la finance, qui affiche une progression spectaculaire de +374,1%, atteignant 37,4 MMDH contre seulement 7,9 MMDH en 2015, les autres services (diverses activités non spécifiées par BAM) qui bondissent de +328,3%, ainsi que les administrations locales, dont l’encours s’est accru de 88% à 26,6 MMDH.
Avec des hausses respectives de 28,6% et 18,6%, les secteurs des transports et communications ainsi que de l’hôtellerie-restauration enregistrent des progressions plus mesurées. Ils n’en demeurent pas moins des indicateurs clés de l’accompagnement du développement des infrastructures et de la consolidation de la dynamique touristique, moteurs de croissance à moyen terme.
Industrie: une croissance contrastée selon les branches
Le secteur secondaire progresse de 18,9%, atteignant 80,2 MMDH. Mais derrière ce chiffre global, les évolutions sont très contrastées. Les industries chimiques et para-chimiques (+128%) et le BTP (+128,4%) affichent une croissance spectaculaire, témoignant du rôle stratégique de ces branches et les industries extractives progressent fortement de +66,1%, profitant de l’essor du secteur minier.
En revanche, le secteur de l’électricité, du gaz et de l’eau accuse un repli de 11,8%, passant de 33,5 à 29,6 milliards de dirhams. Les industries métallurgiques, mécaniques et électriques reculent également de 10,8%, tandis que les autres industries manufacturières enregistrent une baisse plus contenue de 0,5%.
L’agriculture et la pêche en progression modeste
L’agriculture et la pêche, regroupées dans le secteur primaire, ont bénéficié d’une hausse limitée à +16,9% entre 2015 et 2024, passant de 12,2 à 14,3 MMDH. Cette évolution, bien qu’en terrain positif, demeure inférieure à la moyenne de la croissance des crédits à l’équipement et souligne la nécessité de renforcer les financements destinés à la modernisation de ce secteur vital.
Un signal de confiance et de renforcement du potentiel productif
Globalement, la progression des crédits à l’équipement illustre la volonté des entreprises et des investisseurs de lancer de nouveaux projets — qu’il s’agisse d’usines, d’infrastructures ou de modernisation des équipements. Elle constitue un signal de confiance dans la conjoncture actuelle et dans les perspectives de croissance à moyen terme.
Ventilation des crédits à l’équipement en milliards de dirhams en décembre 2015 et décembre 2024 (Source: Bank Al-Maghrib).
| Branche d’activité | Déc.-15 | Déc.-24 | Évolution (%) |
|---|---|---|---|
| Secteur primaire | 12.220 | 14.288 | +16,9% |
| Agriculture et pêche | 12.220 | 14.288 | +16,9% |
| Secteur secondaire | 67.487 | 80.243 | +18,9% |
| Industries extractives | 7.711 | 12.805 | +66,1% |
| Industries | 19.208 | 21.770 | +13,3% |
| Industries alimentaires et tabac | 7.885 | 8.376 | +6,2% |
| Industries textiles, habillement, cuir | 935 | 1.160 | +24,1% |
| Industries chimiques et parachimiques | 1.840 | 4.195 | +128,0% |
| Industries métallurgiques, mécaniques, électriques | 4.534 | 4.043 | -10,8% |
| Industries manufacturières diverses | 4.014 | 3.995 | -0,5% |
| Électricité, gaz et eau | 33.515 | 29.563 | -11,8% |
| Bâtiment et travaux publics | 7.053 | 16.106 | +128,4% |
| Secteur tertiaire | 61.807 | 148.133 | +139,7% |
| Commerce, réparations automobiles et d’articles domestiques | 7.313 | 12.403 | +69,6% |
| Hôtels et restaurants | 9.122 | 10.821 | +18,6% |
| Transports et communications | 13.040 | 16.768 | +28,6% |
| Activités financières | 7.896 | 37.436 | +374,1% |
| Administrations locales | 14.135 | 26.576 | +88,0% |
| Autres sections | 10.302 | 44.128 | +328,3% |
| Total | 141.515 | 242.664 | +71,5% |
Généralement destinés au financement d’actifs durables (machines, bâtiments, technologies), ces crédits en hausse traduisent un effort d’investissement renforcé, de nature à stimuler la capacité de production et à améliorer la compétitivité à moyen et long terme.
Cet investissement en équipements crée aussi de la demande pour divers secteurs (BTP, industrie mécanique, transport, services financiers…), générant de l’emploi et des revenus.
Un effort d’investissement sélectif
L’analyse des chiffres révèle que les acteurs économiques, en particulier les banques et les entreprises, ont choisi d’orienter les efforts d’investissement vers des secteurs jugés plus porteurs ou offrant de meilleures perspectives de rentabilité. La finance, les services divers et les administrations locales concentrent ainsi l’essentiel de la dynamique, traduisant une confiance accrue dans l’économie des services et dans le secteur public.
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À l’inverse, certaines branches industrielles, notamment l’énergie, la métallurgie ou les industries manufacturières diverses, voient leurs crédits stagner, voire reculer. Ce désintérêt relatif peut s’expliquer par une rentabilité jugée faible, des mutations technologiques coûteuses ou encore la transition vers des modèles énergétiques moins dépendants des financements bancaires classiques.
En somme, le paysage du financement de l’investissement au Maroc s’est profondément transformé en l’espace d’une décennie: l’économie du savoir, des services et de la finance s’impose désormais comme moteur principal, tandis que les secteurs traditionnels peinent à capter de nouveaux capitaux.








