Crédits à l'économie: une panne faute de demandes!

DR

Les crédits à l’économie stagnent malgré la baisse des taux débiteurs. Une situation qui contribue fortement à la morosité économique. Les explications de cette situation données par les acteurs économiques sur la question divergent énormément.

Le 23/11/2015 à 13h30

Pourquoi les crédits ne redécollent pas? Cette question mérite d’être posée au moment où tous les clignotants ou presque militent pour une reprise du crédit à l’économie pour doper la croissance économique.

La situation de tension de liquidités qui justifiait en partie certains problèmes de financement et qui contribuait au renchérissement du coût de crédit semble être derrière nous. Pour preuve, le montant des besoins de liquidités des banques ne cesse de s’étioler passant des pics de plus de 70 milliards de dirhams durant les fortes périodes de tensions de liquidités des années 2012-2013 à moins de 30 milliards de dirhams actuellement. A fin octobre, les besoins de liquidités du marché ressortaient à 27,3 milliards de dirhams. C’est dire que les banques ont plus de marge pour prêter sans être trop dépendantes des injections de Bank Al-Maghrib. Par ailleurs, les risques d’impayés se sont atténués grâce à l’amélioration de la conjoncture économique aussi bien au niveau national qu’à l’international.

En outre, grâce aux initiatives de Bank Al-Maghrib (baisse à deux reprises du taux directeur), les taux débiteurs ont reculé et cette détente des taux se poursuit. Rien que pour le troisième trimestre 2015, comparé au trimestre précédent, les taux débiteurs ont reculé en moyenne de 26 points de base (pbs). Cette baisse est le fait des taux des facilités de trésorerie (-30 pbs), des crédits immobiliers (-24 pbs), des crédits à la consommation (-10 pbs), etc. Seuls les taux appliqués aux crédits d’équipements ont augmenté très sensiblement de 31 pbs.

0,1% de croissance

En gros, cette détente des taux dans une conjoncture globalement plus favorable devrait logiquement favoriser une reprise des crédits à l’économie. Il n’en est rien. Pour preuve, au terme des 9 premiers mois de l’année en cours, les crédits accordés par le secteur bancaire à l’économie nationale ont stagné. Ceux-ci n’ont évolué que de +1,1 milliard de dirhams (soit 0,1%), contre +10,2 milliards à fin septembre 2013 et 6,6 milliards à la même période de l’année précédente.

Bref, si les conditions d’une reprise des crédits sont globalement réunies, la machine demeure encore grippée quelque part. Pour les banques, il n’est point besoin de parler de frilosité de leur part. «Notre métier étant d’accorder des crédits, notre problème aujourd’hui est celui de la demande de crédits émanant de la clientèle», soutenait un dirigeant d’une grande banque de la place. Une justification soutenue par le Wali de Bank Al-Maghrib qui expliquait lui aussi, lors des dernières rencontres avec la presse, qu’après recoupement des informations par son institution, le problème est aujourd’hui surtout celui de la demande de crédits émanant aussi bien des entreprises que des particuliers.

Conditions de crédits

Si cette explication est en partie valable, elle demeure insuffisante. Certes, le manque de visibilité pousse opérateurs et même certains particuliers à reporter leurs projets d’investissement à plus tard. Toutefois, pour la clientèle, cette situation est aggravée par le durcissement des conditions de crédits de la part des banquiers et la mise à l’écart de certains opérateurs économiques. Ainsi, pour les petits promoteurs immobiliers, obtenir un crédit immobilier devient un véritable parcours de combattant.

La conjoncture sectorielle morose et les impayés du secteur ne sont pas certes à leur faveur. D’ailleurs, même les gros promoteurs ont du mal à s’en sortir suite aux déconvenues rencontrées par certains d’entre eux. A cela s’ajoute aussi le durcissement de certaines conditions de crédits. Au niveau des crédits immobiliers, rares sont les banques qui acceptent aujourd’hui de financer un bien immobilier à 100%. Or, avec une propension à épargner des ménages de plus en plus faible, beaucoup de particuliers ont du mal à s’acquitter du montant de l’avance exigée par leur banquier. Quant aux PME, les problèmes de garanties exigées par les banquiers ont toujours tendance à freiner leurs ambitions de développement surtout quand la transparence n’est pas au niveau souhaité par le secteur bancaire.

Bref, la stagnation de l’encours des crédits émane certes de la demande, du fait du manque de visibilité, mais pas seulement…

Par Moussa Diop
Le 23/11/2015 à 13h30