Le Comité de veille économique (CVE) a voulu instaurer un environnement de confiance dans le déroulement de l’opération d’indemnisation des salariés en arrêt de travail à cause du Covid-19. Aucun document n’a d'ailleurs été exigé aux entreprises en difficulté qui souhaitaient inscrire leurs employés sur le portail dédié à l’indemnité Covid-19, si ce n’est une simple déclaration sur l’honneur «électronique» pour attester la véracité des données saisies.
Les résultats définitifs communiqués par le ministre de l’Emploi, Mohamed Amekraz, mercredi au Parlement, dépassent toutes les attentes. En effet, sur un total de 216.000 entreprises adhérentes à la CNSS, 131.955 se disent durement touchées par la pandémie, au point de déclarer 808.199 employés en arrêt de travail (sur un total de 2,6 millions de salariés déclarés).
Comme dans toute opération mobilisant une aide financière de l’Etat, les fraudeurs ne prennent pas de pause. Le ministre Amekraz n’a pu cacher son étonnement face au nombre d’écoles privées qui ont inscrit leur personnel sur le portail Covid de la CNSS, plus de 48.000, dont la plupart avaient déjà encaissé les frais de scolarité début mars.
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La CNSS qui chapeaute la logistique de l'octroi de l'aide n’y peut rien. La Convention encadrant l'opération d’indemnisation ne l’a pas mandaté à faire un quelconque contrôle a priori. En revanche, c’est l’Inspection générale des finances (IGF) qui a été chargée de mener un audit approfondi, mais ce sera a posteriori, juste après la finalisation de l’opération qui va durer, au moins, jusqu’à fin juin.
Cela dit, à partir du mois d’avril, Le360 apprend que la CNSS sera amenée à opérer certaines vérifications d’usage, notamment en confrontant les déclarations des salaires à celles des salariés en arrêt de travail. La règle veut que seuls les employés en arrêt de travail puissent avoir accès à l’indemnité Covid-19. D’où l’appel lancé récemment par la CNSS, appelant les entreprises à déclarer leurs salariés en arrêt de travail un peu plus tôt que prévu, avant le 3 mai (au lieu du 10), le temps d’opérer les vérifications nécessaires et éviter tout retard dans le versement des indemnités.
Pour l’heure, les inscriptions sur le portail de la CNSS ont été suspendues, en attendant la sortie du décret fixant les nouveaux critères conditionnant l’octroi des indemnités. Ce décret vient en application du projet de loi 25.20 édictant des mesures exceptionnelles en faveur des employeurs affiliés à la CNSS, lequel a été validé lors de la dernière réunion du Conseil du gouvernement. Il vient d'être approuvé en séance plénière à la chambre des conseillers, ce jeudi 16 avril.
En vertu de ce projet de décret, seules les entreprises justifiant d'une baisse de leur chiffre d’affaires d’au moins 50% (en glissement annuel) peuvent inscrire leurs salariés parmi les candidats à l’indemnité Covid-19 (les dossiers de celles déclarant en arrêt de travail plus de la moitié de leurs effectifs seront traités au cas par cas).
Le texte ajoute un palier supplémentaire, réservé aux entreprises dont la baisse du chiffre d’affaires varie entre 30 et 50%. Là encore, l’octroi de l’indemnité sera traité au cas par cas, auprès d'un comité interministériel, composé de représentants du ministère des Finances, de ceux de l’Emploi, ainsi que le département sous la tutelle duquel l'activité de l'entreprise en difficultés est placé.
En plus du chiffre d’affaires et du nombre de salariés, un troisième critère d’éligibilité sera retenu, à savoir le secteur d’activité. Les entreprises évoluant dans certaines branches d’activités lourdement affectées par la crise du Covid-19 auront droit à l’indemnité du Fonds spécial de façon systématique. La liste des secteurs concernés par cette mesure sera fixée dans le décret, actuellement en cours de finalisation. Le portail de la CNSS devrait à son tour s’adapter à ces nouveaux critères en introduisant les ajustements nécessaires.
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Par ailleurs, lors de sa dernière réunion, le CVE a décidé d’exonérer de l’Impôt sur le revenu (IR), tout complément d’indemnité versé au profit des salariés affiliés à la CNSS par leurs employeurs, dans la limite de 50% du salaire mensuel net moyen. Cette mesure vise à préserver un certain niveau de pouvoir d’achat chez les employés en arrêt de travail, dont le salaire dépasse le montant fixé pour l’indemnité Covid-19, soit 2.000 dirhams. Seulement voilà, cette mesure présente des risques de fraudes élevés du fait qu’elle pourrait inciter les employeurs à arranger des deals avec leurs salariés, même s’ils ne sont pas en arrêt de travail, rien que pour profiter de l’exonération fiscale (IR), des cotisations sociales, etc.
De même, la question de l’imposition du complément d’indemnité reste posée. Sera-t-il soumis à la cotisation CNSS. «A priori non. Ce complément ne sera pas considéré comme une rémunération. Il sera assimilé à une prime», nous confie une source proche du dossier. Mais tout cela doit être formalisé pour donner plus de visibilité aux différents acteurs impliqués.
Enfin, Il convient de noter qu’un autre organe de contrôle sera désormais associé dans le déploiement du dispositif d’octroi des aides financières, à savoir la Direction générale des impôts, comme cela a pu être acté lors de la dernière réunion du Comité de veille économique.