Ces goulots d’étranglement qui entravent la croissance du secteur privé au Maroc, selon la Banque mondiale

Le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, lors de son premier discours officiel devant la communauté internationale, vendredi 13 octobre 2023, à Marrakech.

Pratiques anticoncurrentielles, poids de l’informel, faible accès aux financements... Autant de goulots d’étranglement qui entravent la croissance du secteur privé au Maroc, selon le dernier rapport de suivi de la situation économique du Royaume que vient de publier la Banque mondiale. Les détails.

Le 19/07/2024 à 08h53

«Libérer le potentiel du secteur privé au Maroc pour stimuler la croissance et la création d’emplois»: c’est l’intitulé de la dernière édition du rapport de suivi de la situation économique au Maroc de la Banque mondiale, publié ce jeudi 18 juillet. Ce document consacre un chapitre spécial au secteur privé marocain, qui s’appuie sur les résultats d’une analyse menée par l’institution financière internationale avec l’Observatoire marocain de la Très petite, petite et moyenne entreprise (OMTPME).

D’après la Banque mondiale, les Petites et moyennes entreprises (PME) marocaines peinent à se développer et la densité des entreprises à forte croissance reste très faible. «Il s’agit là d’un aspect problématique du secteur privé, car dans d’autres contextes, il a été démontré que ces entreprises contribuent de manière disproportionnée à la création d’emplois. Lever les contraintes auxquelles est confronté le secteur privé permettrait de surmonter la faible capacité de création d’emplois dont l’économie marocaine a fait preuve ces dernières années», indique-t-elle.

Pratiques anticoncurrentielles et poids de l’informel

Le rapport évoque aussi les goulots d’étranglement qui entravent la croissance du secteur privé et la création d’emplois. Parmi eux, les lacunes de l’environnement concurrentiel. Les auteurs, qui apprécient les initiatives déployées par le Conseil de la concurrence pour lutter contre ce gap, notamment l’accord de transaction de 1,84 milliard de dirhams que l’institution a signé avec neuf entreprises opérant dans le secteur des hydrocarbures, soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles, estiment que le gouvernement doit accentuer les efforts dans ce domaine.

«La réforme des entreprises publiques en cours de mise en œuvre avec la création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État devrait renforcer la neutralité concurrentielle des entreprises publiques commerciales sur les marchés où elles opèrent», souligne le document.

En outre, l’institution financière estime qu’une revue approfondie de la réglementation du marché des produits et des programmes gouvernementaux existants pour le soutien aux PME permettrait d’identifier et de corriger les contraintes et les facteurs dissuasifs spécifiques auxquels ces entreprises sont confrontées tout au long de leur cycle de vie.

Autre obstacle, l’informel qui emploie près de 77% de la population active et qui serait à l’origine de près d’un tiers du PIB au Maroc. «Selon l’enquête auprès des entreprises, 47% des entreprises marocaines sont confrontées à une concurrence informelle, et plus de 40% ont le sentiment que ce type de concurrence affecte leurs activités», révèle la Banque mondiale.

L’accès aux financements, un casse-tête pour les PME

L’accès aux financements demeure également un casse-tête pour les entreprises privées au Maroc, selon l’institution de Bretton Woods. «Bien que le Maroc dispose d’un système financier relativement développé, l’accès au crédit est asymétrique, avec plus de contraintes pour les petites et les jeunes entreprises», souligne-t-elle, suggérant une évaluation et éventuellement un ajustement des différents programmes déployés par les autorités marocaines pour soutenir les PME, qui ont mis un accent particulier sur l’accès aux sources extérieures de financement à travers les garanties de crédit et les prêts directs.

«L’accélération de l’opérationnalisation des réformes récentes telles que le déploiement d’un registre national des garanties mobilières ou l’extension des données utilisées par les bureaux de crédit peut également être nécessaire pour résoudre les problèmes d’asymétrie de l’information qui sont susceptibles d’expliquer la réticence des banques à prêter aux petites et jeunes entreprises, résolvant ainsi le problème d’allocation inefficiente des crédits», recommande la Banque mondiale.

Elle indique en outre que la réforme fiscale en cours corrige certes certaines distorsions qui ont pu décourager la croissance des entreprises, notamment les PME, mais qu’ «une analyse plus approfondie serait nécessaire pour évaluer l’impact des incitations fiscales existantes et futures».

Ralentissement de la croissance à 2,9% en 2024

Dans son rapport, la Banque mondiale souligne aussi la résilience de l’économie marocaine, malgré divers obstacles tels que le ralentissement de l’économie mondiale, un choc inflationniste et le tremblement de terre d’Al Haouz. «Les principaux moteurs de cette accélération ont été la reprise du secteur touristique, les niches manufacturières orientées vers l’exportation, notamment dans les secteurs automobile et aéronautique, ainsi que le redémarrage de la consommation privée», explique-t-elle.

Des politiques macroéconomiques favorables, telles que des stratégies d’expansion du secteur public et de consolidation budgétaire, ont également contribué à cette croissance économique. «De plus, le Maroc a enregistré une augmentation substantielle des investissements directs étrangers, offrant d’importantes opportunités de développement, et une baisse du déficit du compte courant à son niveau le plus bas depuis 2007», souligne la même source.

La Banque mondiale indique que la croissance économique du Maroc devrait ralentir à 2,9% cette année, en raison d’une mauvaise campagne agricole, mais le PIB non agricole devrait rester stable. Selon elle, le pays reste confronté à plusieurs défis, notamment la création d’emplois et la hausse de la productivité du secteur privé pour améliorer sa croissance économique et le niveau de vie des populations.

Par Elimane Sembène
Le 19/07/2024 à 08h53