Carburants: le Conseil de la concurrence alerte sur la hausse du prix du gazole et l’érosion des recettes fiscales

Un pompiste remplissant le réservoir d'une voiture dans une station-service. (Photo d'illustration)

Le marché des carburants reste dominé par le gazole, qui représente 87% du volume total des importations et 86% de leur valeur, selon le nouveau reporting du Conseil de la concurrence. Malgré ce poids écrasant, les recettes fiscales sur les carburants reculent légèrement au deuxième trimestre 2025, dans un contexte de baisse des prix internationaux.

Le 17/11/2025 à 14h30

Le Conseil de la concurrence publie un tableau contrasté du marché marocain des carburants pour le deuxième trimestre 2025. Le gazole confirme sa place centrale dans l’approvisionnement énergétique du pays, mais l’évolution conjointe des importations, des prix et des recettes fiscales met au jour une dynamique moins favorable qu’il n’y paraît.

Le rapport souligne en particulier une progression des volumes importés, accompagnée d’un recul marqué des valeurs en dirhams, reflet de la baisse des cotations internationales. Cette tendance pèse directement sur la fiscalité pétrolière, dont les recettes totales se contractent légèrement malgré un marché toujours largement dominé par le gazole, note le Conseil.

Selon le rapport du Conseil de la concurrence, les importations globales de gasoil et d’essence atteignent 1,72 million de tonnes au deuxième trimestre 2025, en hausse de 4,2% par rapport à la même période en 2024. Mais la valeur totale des importations chute de près de 22%, passant de 14,03 MMDH à 10,93 MMDH.

Le gazole conserve sa position ultramajoritaire sur le marché: 87% du volume importé et 86% de la valeur totale. Le rapport indique que les importations de gasoil atteignent 1,50 million de tonnes, contre 1,47 million de tonnes un an plus tôt, soit une progression de 2,4%. En revanche, la valeur du gazole importé recule sensiblement, de 12,24 MMDH à 9,41 MMDH, soit une baisse de 23,1%.

Cette décorrélation entre volumes croissants et valeurs décroissantes résulte d’un mouvement baissier des cotations CIF du gazole raffiné sur les marchés internationaux. Le Conseil de la concurrence observe une évolution nette: la cotation moyenne recule de 0,73 DH/L sur l’ensemble du trimestre. Elle passe de 5,61 DH/L en début avril à un point bas de 4,87 DH/L fin mai, avant une légère remontée à 5,05 DH/L en juin.

Impact fiscal en baisse malgré un marché très dynamique

Toutefois, le rapport fait mention d’un phénomène central: la fiscalité pétrolière subit l’effet mécanique de la baisse des prix internationaux. Les recettes tirées de la TIC et de la TVA sur le gazole et l’essence s’établissent à 7,17 MMDH au deuxième trimestre 2025, très légèrement en retrait par rapport aux 7,19 MMDH enregistrés un an plus tôt.

Ce recul, bien que limité (–0,3%), s’explique presque entièrement par la contraction de la valeur des importations. Le Conseil de la concurrence précise que la TVA sur importation diminue de 14,8%, passant de 1,96 MMDH à 1,67 MMDH, tandis que la TIC progresse légèrement, de 5,23 MMDH à 5,49 MMDH.

La structure fiscale révèle à nouveau la prépondérance du gazole: 81% de l’ensemble des recettes fiscales tirées des carburants proviennent de ce produit, selon les chiffres publiés. Le gazole génère 5,80 MMDH de recettes fiscales contre 1,37 MMDH pour l’essence.

Cette dépendance accentuée au gazole rend la fiscalité sensible aux variations des prix internationaux, rappelle le Conseil qui ajoute que les volumes importés progressent mais l’assiette taxable – fondée sur la valeur – se contracte.

Le rapport analyse également la transmission des fluctuations internationales vers le marché intérieur. Les coûts d’achat hors taxes des distributeurs diminuent de manière plus marquée que les prix de cession, selon les données du Conseil.

Pour le gazole, il estime que la cotation CIF touche le 0,73 DH/L, à côté du coût d’achat moyen HT estimé à 0,98 DH/L. De son côté, le prix de cession HT est, quant à lui, arrivé à 0,47 DH/L. Pour le Conseil, ce différentiel montre que la baisse des coûts internationaux et des coûts d’achat n’est répercutée qu’en partie sur le prix appliqué aux stations-service en gérance libre. Ainsi, il résume l’écart que constitue 0,51 DH/L n’est pas transmis.

Selon le rapport, la même dynamique s’observe sur l’essence avec une cotation CIF estimé à –0,03 DH/L, alors que le coût d’achat a baissé de–0,61 DH/L. Quant au prix de la cession, il a atteint 0,32 DH/L. Dans sa conclusion sur ce point, il note que aussi que la baisse des coûts d’achat dépasse celle des prix de cession, avec un différentiel de 0,29 DH/L.

L’institution rappelle que ces évolutions doivent être replacées dans la logique des ajustements entre périodes de hausse et de baisse, déjà documentée dans les reportings antérieurs. La structure du marché, marquée par l’importance des stocks et par le recours à des contrats d’approvisionnement différenciés, crée des délais dans la transmission des variations internationales.

Un marché intérieur toujours sous domination du gazole

Le rapport détaille également la dynamique commerciale des distributeurs. Les neuf sociétés couvertes par le reporting réalisent 1,88 milliard de litres de ventes durant le trimestre, soit une progression de 3,8%. Ainsi, le gazole représente 85% du volume vendu contre 82% de la valeur générée.

En valeur, les ventes totales diminuent toutefois de 12,8%, passant de 19,81 MMDH à 17,27 MMDH. Cette contraction reflète, là encore, un effet prix, en ligne avec la baisse des cotations internationales.

Le réseau de stations-service continue de s’étendre, atteignant 3.617 stations à fin juin 2025, dont 2.562 opérées par les neuf sociétés analysées. Le Conseil relève une progression nette de 44 stations sur le trimestre.

Pour le deuxième trimestre 2025, les neuf sociétés dégagent une marge brute moyenne de 1,17 DH/L pour le gazole, contre 1,83 DH/L pour l’essence. Toutefois, ces niveaux demeurent très proches de ceux observés au deuxième trimestre 2024, comme le souligne explicitement le Conseil. Les marges du gazole évoluent dans une tendance légèrement haussière au fil du trimestre, oscillant entre 0,94 DH/L et 1,46 DH/L. Celles de l’essence, plus élevées, varient entre 1,73 DH/L et 1,95 DH/L.

Cette stabilité des marges contraste avec la volatilité des cotations internationales. Le rapport rappelle que la structuration des coûts - incluant charges logistiques, gestion de stocks et fluctuations de change - explique en partie cette rigidité relative des marges commerciales.

L’ensemble du rapport confirme que le marché marocain des carburants reste fortement dépendant des mouvements internationaux du raffinage. Pour le gazole, les variations rapides des cotations CIF ont guidé l’essentiel des évolutions observées: hausse des volumes, baisse des valeurs importées, recul partiel des recettes fiscales et pression sur les prix de cession.

Le Conseil de la concurrence insiste sur un point déterminant: le gazole demeure le pilier du marché, tant en amont (importations) qu’en aval (ventes), ce qui confère aux fluctuations de ce produit un impact macroéconomique disproportionné. La baisse des recettes fiscales en dépit d’un marché actif illustre cette vulnérabilité.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 17/11/2025 à 14h30