Le nouveau statut de Bank Al-Maghrib (BAM) vient d’être validé par la Chambre des représentants, un an après son adoption en Conseil de gouvernement. Le projet de loi y afférent a recueilli l’approbation de 136 voix, 1 voix contre et 18 abstentions. Le processus d’adoption du texte va se poursuivre les jours à venir, cette fois-ci chez les conseillers de la deuxième chambre.
D’abord, pourquoi un nouveau statut est venu remplacer celui de 2006? Le changement de statut, souligne le ministère des Finances qui a rédigé la nouvelle version en concertation avec BAM, est motivé par les mutations ayant caractérisé l’environnement juridique et économique national et international: l’adoption de la constitution en 2011; la réforme des établissements de crédit de 2015; l’évolution profonde des missions des banques centrales après la crise de 2008, etc.
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Un mandat de six ans, renouvelable
Finie l’ère des mandats longs à durée indéterminée. Le nouveau texte a le mérite de fixer une limite de six ans, pour chaque mandat, quoique renouvelable. La nomination du wali relève des prérogatives du roi, conformément à l’article 49 de la Constitution. Le directeur général de Bank Al-Maghrib est quant à lui nommé par dahir sur proposition du wali.
Nommé à la tête de BAM depuis 2003, Abdellatif Jouahri fait régulièrement l’objet de rumeurs spéculant sur son départ de ce poste hautement stratégique. «Durant ma carrière professionnelle de 55 ans, je n'ai jamais pensé un seul instant à la question de mon départ. C'est une chose qui ne dépend pas de moi. La nomination et le départ sont du ressort de Sa Majesté le roi», avait-il répondu à un journaliste qui l'interrogeait à ce sujet lors d’une précédente conférence de presse. Il avait aussi reconnu avoir «atteint un âge où -il- doit se reposer». Natif de Fès, Jouahri fêtera ses 80 ans l’année prochaine.
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Un wali de plus en plus présent au Parlement
Le nouveau statut autorise les deux commissions des finances au Parlement à auditionner, à leur initiative, le wali de BAM. Ce dernier sera dorénavant appelé à présenter devant les élus le rapport annuel (après sa présentation devant le roi) et, de manière générale, à s’expliquer sur les missions de la Banque centrale.
Durant ses 15 ans passés à la tête de BAM, Abdellatif Jouahri s’est déplacé au Parlement à deux reprises. La première, en octobre 2015, le jour où il s’est présenté devant les membres de la commission des Finances à la Chambre des représentants. Au cours de cette rencontre, le wali s’était défendu contre les rumeurs l’accusant d’avoir fait pression pour retarder l’arrivée des banques participatives au Maroc.
Sa deuxième apparition au Parlement a eu lieu en janvier 2018, en compagnie cette fois-ci du ministre des Finances, Mohamed Boussaid. Lors de cette réunion intervenue quelques jours après le démarrage de la flexibilité du dirham, les deux responsables ont passé en revue les tenants et aboutissants de la réforme du régime de change. «J’applique ce que disent les textes. Si le nouveau statut m’oblige d’aller devant les commissions du Parlement, j’y vais. Si la loi m’autorise à soumettre des rapports au Parlement, je le ferai», a affirmé Jouahri lors de son dernier point de presse trimestriel, mardi 19 juin.
Politique de change: chacun son périmètre d’intervention
L’un des reproches adressés au wali Abdellatif Jouahri suite au report spectaculaire, fin juin 2017, du démarrage de la flexibilité du dirham, est d’avoir empiété sur les prérogatives du gouvernement en révélant la date de migration vers le nouveau régime à deux mois du jour J, provoquant au passage une gigantesque vague spéculative. En juin 2017, Jouahri avait publiquement accusé les banques d’avoir servi à leurs clients une somme conséquente de devises (près de 45 milliards de dirhams) en l’espace d’un mois, sous forme d’opérations de couverture à terme contre le risque de change, pour la plupart injustifiées, car non adossées à des transactions réelles.
Le nouveau texte de loi a le mérite de clarifier les missions de la Banque centrale en matière de politique de change et de gestion des réserves de change, conformément, dit-on, aux normes internationales. La politique de change relève désormais des prérogatives du gouvernement, après avis de la Banque centrale. Le nouveau statut précise que BAM doit «mettre en œuvre la politique du taux de change dans le cadre du régime de change et des orientations fixées par le gouvernement après avis de la Banque centrale». Dans ce cadre, BAM a également été autorisée à utiliser les réserves de change dans un objectif de défense ou de préservation de la valeur du dirham, un instrument dont l’utilité sera de plus en plus confirmée au fur et à mesure que s’élargira la bande de fluctuation du dirham avec le régime flexible introduit depuis le 15 janvier dernier.
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BAM en mode stabilisateur
Le nouveau texte consacre le rôle de BAM pour garantir une stabilité financière. Cette mesure est venue rappeler l’implication de BAM dans le Comité de coordination et de contrôle des risques systémiques, installé par la réforme des établissements de crédit en 2015. Dans ce cadre, BAM est invité à proposer au gouvernement des mesures favorables à la stabilité financière. Ce nouveau rôle de stabilisateur financier justifie également cette autre mesure autorisant BAM à fournir en cas d’urgence des liquidités aux établissements de crédit ayant des difficultés financières momentanées.
Vers une autonomie contrôlée
Le nouveau statut consacre une fois pour toutes l’autonomie et l’indépendance de la Banque centrale du gouvernement et des politiques de manière générale (ce qui veut dire plus exactement indépendance de la politique monétaire -qui relève de BAM- de la politique budgétaire arrêtée par le gouvernement).
Il sera désormais formellement interdit à la Banque centrale de solliciter ou d’accepter toute instruction émanant du gouvernement ou de toute autre personne.
Cela dit, le texte introduit le principe de «concertation régulière entre le ministre des Finances et le wali de Bank Al-Maghrib» en vue d’assurer la cohérence de la politique macro-prudentielle.
Cette question d’indépendance a d’ailleurs suscité un vif débat au Parlement au point de diviser à un moment donné les partis de la majorité. Pour le ministre des Finances, l’objectif derrière cette autonomie consiste à préserver l’institution des conflits d’intérêts. Il ne s’agit donc pas d’une indépendance totale, preuve en est cette nouvelle mesure soumettant la distribution des bénéfices de BAM à l’accord du ministre des Finances. Mieux encore, et c’est une première, la Banque centrale sera désormais placée sous le contrôle des magistrats de la Cour des comptes.