C’est un secret de polichinelle. L’Afrique, qui ne représente que 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est le continent le plus affecté par les changements climatiques, très loin de la Chine (30,9%), des États-Unis (13,5%) ou encore de l’Union européenne (7,5%), les plus gros pollueurs de la planète.
Le continent aura besoin d’une enveloppe financière assez conséquente pour faire face aux effets néfastes de ces dégâts environnementaux. «Nous avons fait un rapport qui demande 240 milliards de dollars par an, d’ici 2030, pour répondre aux défis des changements climatiques en Afrique», déclare Vera Songwe, dans un entretien avec Le360, en marge du «Emerging Markets Forum» organisé par le Policy Center for the New South (PCNS) à Marrakech.
Faible contribution des institutions financières
Sauf que les principaux bailleurs internationaux traînent toujours les pieds. Les pays africains ne reçoivent que 3% du financement mondial dans la lutte contre le changement climatique, dont 14% proviennent du secteur privé. «Les institutions financières internationales qui doivent donner 240 milliards de dollars, ne contribuent actuellement qu’à hauteur de 130 milliards», révèle cette spécialiste mondiale de la finance verte qui préside, depuis fin septembre 2022, le conseil d’administration de la Facilité de liquidité et de durabilité (LFS).
Cet organisme, créé en 2021 par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) lors de la Cop 26, ambitionne de soutenir des emprunts souverains africains sur les marchés obligataires et d’encourager les investissements dans les obligations vertes.
Le rapport, auquel fait référence cette ancienne secrétaire exécutive de la CEA, a été publié en novembre 2022, lors de la Cop 27 en Egypte. Un document qu’elle avait rédigé avec les économistes Nicholas Stern et Amar Bhattacharya.
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D’après les trois auteurs, les investissements internationaux serviront à «réduire les émissions, renforcer la résilience, faire face aux pertes et dommages causés par le changement climatique et restaurer les terres et la nature». Selon Nicolas Stern, «les pays riches devraient reconnaitre que c’est dans leur propre intérêt vital, ainsi qu’une question de justice compte-tenu des graves effets causés par leurs émissions élevées hier et aujourd’hui, d’investir dans l’action climatique».
Ils suggèrent notamment la refonte du mode de fonctionnement des banques multilatérales de développement et une augmentation des prêts à taux faible ou nul des pays développés.
Des opportunités d’investissements de 1.000 milliards de dollars en Afrique
Pour Vera Songwe, les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI constituent une belle occasion pour remettre au-devant de la scène internationale cette problématique majeure. Des réunions qui devraient déboucher sur des conclusions positives en termes de financement vert.
«Nous espérons que, durant ces assemblées annuelles, les pays du G7 et du G20 accepteront de refinancer ces institutions financières pour qu’elles puissent apporter le soutien nécessaire, surtout dans les pays en voie de développement qui ont besoin de 1.000 milliards de dollars par an, principalement en provenance du secteur privé» lance-t-elle. Avant de rajouter: «seul le soutien des institutions financières pourrait encourager le secteur privé à apporter ses financements».
D’après un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), publié lors des Assemblées annuelles de l’institution financière en mai dernier à Sharm El-Sheikh en Egypte, les opportunités d’investissement climatique sur le continent sont estimées à environ 1.000 milliards de dollars d’ici 2030, particulièrement dans les énergies renouvelables, les bâtiments à haute rendement énergétique, et les transports à faible émission de carbone.
Des niches porteuses, notamment pour les constructeurs automobiles, grâce aux immenses matériaux tels que le lithium, le cobalt, le manganèse, le graphite, le fer ou encore le phosphate, des minéraux essentiels dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.