Le Maroc signe un début d’année 2025 particulièrement dynamique sur le front des Investissements directs étrangers (IDE), c’est-à-dire les capitaux injectés par des entreprises ou fonds étrangers pour créer, développer ou racheter des activités sur le sol national. Selon les dernières données officielles, les flux entrants ont bondi de 63% au premier trimestre, après plusieurs trimestres de ralentissement liés au contexte mondial. Une reprise que les analystes expliquent par un effet de rattrapage, mais aussi par la montée en puissance de projets industriels et énergétiques structurants.
«Cette progression s’explique essentiellement par une combinaison d’opérations greenfield (création de nouvelles entreprises, NDLR) et d’extensions industrielles, notamment dans l’automobile et les équipements, mais aussi par de grands contrats portuaires et logistiques», explique Mohammed Jadri, économiste marocain. À cela s’ajoute, poursuit-il, «un afflux de capitaux pour des projets d’énergies renouvelables et d’infrastructures, qui ont concentré une partie des flux comptabilisés sur le trimestre».
Derrière ces bons chiffres se cache une amélioration progressive du climat des affaires au Maroc. Mohammed Jadri évoque plusieurs leviers: «la digitalisation des procédures, la mise en place du guichet unique pour simplifier les démarches, les incitations sectorielles ciblées, la modernisation des infrastructures logistiques et portuaires, ainsi qu’une politique active de nearshoring vers l’Europe».
Le nearshoring consiste pour les entreprises européennes à rapprocher leurs sites de production de leurs marchés principaux afin de réduire les coûts et les délais. Le Maroc tire ici parti de sa proximité géographique avec l’Union européenne, tout en offrant des coûts de production compétitifs.
Des secteurs porteurs
Les grands chantiers d’infrastructures jouent également un rôle central. «Ils réduisent les coûts logistiques, augmentent la fiabilité des chaînes d’approvisionnement et donnent un signal de crédibilité aux investisseurs», souligne l’expert. Des projets comme le port Tanger Med, la nouvelle plateforme Nador West Med ou encore l’extension des lignes ferroviaires et autoroutières renforcent la position du Maroc comme hub industriel et logistique régional.
Parmi les secteurs les plus attractifs figurent «l’automobile et ses équipementiers, la logistique et les ports, les énergies renouvelables (et leurs dérivés comme l’hydrogène ou les batteries, NDLR), mais aussi l’industrie exportatrice modernisée comme le textile, l’agro-industrie, l’électronique et, dans une moindre mesure, l’immobilier commercial et certains services financiers», précise l’économiste.
Ce virage illustre une transformation progressive du tissu productif marocain vers des activités à plus forte valeur ajoutée. «On observe un recentrage vers l’industrie manufacturière à plus forte valeur. Toutefois, la transition n’est pas totale: une part significative des flux demeure liée à la logistique et à l’immobilier, et la montée en valeur ajoutée exigera davantage d’intégration locale et de recherche et développement (R&D)», nuance-t-il.
Un impact réel mais inégal sur l’emploi
Sur le terrain, la question cruciale reste celle des retombées sur l’emploi local. Les projets industriels et logistiques «créent des emplois directs dans les usines et plateformes, mais aussi des emplois indirects chez les fournisseurs et prestataires de services», explique l’économiste.
Toutefois, l’ampleur de cet impact dépend du taux de contenu local, c’est-à-dire de la part des biens et services produits au Maroc dans la chaîne de valeur. «Plus le sourcing local augmente, plus l’impact sur l’emploi est durable», affirme-t-il.
Des régions comme Tanger et Kénitra, qui abritent des clusters industriels complets dans l’automobile, bénéficient déjà de cette dynamique grâce à la présence d’usines d’assemblage (Renault, Stellantis) et de centres de formation technique. En revanche, d’autres zones du pays restent moins concernées. «L’impact demeure inégal, faute de stratégies actives de formation, d’accompagnement des PME locales et de diffusion technologique», estime Jadri.
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Si le Maroc conserve aujourd’hui des atouts majeurs (proximité avec l’Union européenne, hubs portuaires performants, masse critique industrielle, stabilité politique), la concurrence sur le continent africain s’intensifie. «Plusieurs pays africains améliorent leurs incitations et infrastructures. Le Maroc devra accélérer ses réformes pour rester en tête», avertit l’économiste.
Des pays comme l’Égypte, le Kenya ou le Sénégal multiplient en effet les zones franches et les politiques fiscales avantageuses pour séduire les investisseurs. Dans ce contexte, la différenciation du Maroc par la qualité de ses chaînes logistiques, son cadre réglementaire et ses accords de libre-échange sera décisive.
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Pour attirer davantage d’IDE «productifs», c’est-à-dire générateurs de richesse durable et d’emplois qualifiés, l’économiste souligne plusieurs leviers encore sous-exploités. Il plaide d’abord pour un renforcement du contenu local, en incitant les entreprises étrangères à s’approvisionner auprès de fournisseurs marocains, afin de mieux ancrer les chaînes de valeur dans l’économie nationale.
Il insiste également sur la nécessité de développer la formation technique et la requalification professionnelle, afin d’adapter les compétences locales aux besoins de l’industrie moderne. L’expert recommande par ailleurs de soutenir la R&D à travers des incitations fiscales et la mise en place de centres d’essais technologiques, tout en simplifiant les procédures administratives grâce à une digitalisation accrue.
Enfin, il préconise la construction d’offres sectorielles intégrées, combinant infrastructures, formation et avantages fiscaux, pour attirer des projets dits anchor capables de structurer durablement des écosystèmes industriels complets.








