Marrakech s’apprête à accueillir cinéastes, acteurs et passionnés du monde entier pour la 22ème édition de son Festival international du film. L’événement propose un programme ambitieux et diversifié, où se côtoient 82 films issus de 31 pays, dont de nombreuses premières mondiales, ainsi que des œuvres candidates aux Oscars.
La Compétition internationale met en avant les jeunes auteurs, tandis que les sections Gala, Horizons et 11ème Continent offrent un panorama des créations les plus marquantes du cinéma contemporain. Le Panorama du cinéma marocain témoigne de la vitalité de la production nationale, et la section Jeune Public et Famille invite les spectateurs de demain à découvrir des œuvres qui leur sont dédiées.
Parallèlement aux projections, le Festival propose des Conversations avec des figures majeures du cinéma comme Bong Joon Ho, Jodie Foster, Guillermo del Toro ou Jafar Panahi, et des rencontres croisées explorant le métier de comédien ou la création documentaire marocaine. Les initiatives professionnelles, regroupées sous Atlas Programs, soutiennent la circulation des films et accompagnent les jeunes professionnels marocains.
Cette édition, dense et ouverte, confirme la place de Marrakech comme rendez-vous incontournable pour les cinéphiles et les professionnels, offrant un véritable espace de rencontre et de dialogue entre générations, cultures et imaginaires. Ali Hajji, Coordinateur Général et membre du comité de sélection en parle dans cette interview.
Le360: Dans quelques jours, la ville de Marrakech s’apprête à accueillir l’édition 2025 du Festival international du film de Marrakech. Dans quel esprit s’inscrit cette 22ème édition?
Ali Hajji: Cette 22ème édition s’impose comme un territoire où les lignes du cinéma mondial se croisent et se réinventent: des œuvres venues des quatre coins du globe, l’audace de jeunes voix révélées par une Compétition entièrement tournée vers la découverte et prolongée par l’élan d’Atlas Programs, et la présence de grands noms du cinéma — parmi lesquels plusieurs seront mis à l’honneur — qui trouvent à Marrakech un lieu naturel d’échange.
Qu’il s’agisse des Conversations où des figures majeures dévoilent la manière dont elles façonnent leurs œuvres, ou des débats qui accompagnent la plupart des films et permettent à des cinéastes venus du monde entier de dialoguer avec le public, cette circulation des générations, des formes et des imaginaires confère au Festival une vitalité singulière, amplifiée par son accès gratuit et ouvert à tous, où le cinéma populaire trouve sa place, où la création marocaine rayonne, et où Marrakech continue d’être un rendez-vous essentiel pour les publics comme pour les professionnels du monde entier.
Cette dynamique se reflète aussi dans la diversité des sections qui structurent le programme. La Compétition réunit quatorze premiers et deuxièmes films présentés en premières mondiales ou régionales, révélant de nouvelles voix du cinéma mondial. Les séances de Gala accueillent quelques-uns des films les plus attendus de l’année en présence de leurs équipes. Horizons propose un panorama des œuvres marquantes du moment, issues des grands festivals internationaux. Le 11ème Continent ouvre un espace d’exploration consacré aux formes les plus audacieuses du cinéma contemporain et aux chefs-d’œuvre restaurés du patrimoine arabe et africain. Le Panorama du cinéma marocain témoigne, quant à lui, de l’extraordinaire vitalité de la production nationale. Enfin, la section Jeune Public et Famille invite les spectateurs de demain à découvrir des œuvres qui leur sont dédiées ou qui réunissent plusieurs générations autour d’une même émotion.
Concrètement, quels seront les temps forts du programme 2025 ?
Le programme 2025 offrira au public l’occasion de découvrir l’ampleur et la diversité des cinématographies contemporaines. Pendant 9 jours, Marrakech accueillera 82 films issus de 31 pays, dont 9 premières mondiales et internationales, 9 films soutenus par les Ateliers de l’Atlas, le programme industrie du Festival, ainsi que 14 titres qui figurent parmi les candidats de leur pays aux Oscars.
Le Festival s’ouvrira avec Dead Man’s Wire, qui signe le retour très réussi de Gus Van Sant (Will Hunting, Elephant – Palme d’or 2003), et se refermera avec Palestine 36 d’Annemarie Jacir, un récit ample et sensible porté notamment par Hiam Abbass et Jeremy Irons. Entre ces deux dates, quatre hommages mettront en lumière des personnalités qui ont su lier exigence artistique et immense popularité: Jodie Foster, Guillermo del Toro, Raouya et Hussein Fahmi.
La Compétition internationale réunira quatorze films présentés par de nouveaux auteurs du monde entier et confiés au regard d’un jury prestigieux, présidé par le cinéaste sud-coréen multi-oscarisé Bong Joon Ho. Dans la section Gala, qui réunit quelques-uns des films les plus attendus de l’année, l’Égypte sera au centre de l’attention avec la première mondiale du long-métrage El Sett, biopic consacré à Oum Kalthoum — sans doute la figure la plus emblématique de la musique arabe au 20ème siècle — incarnée à l’écran par Mona Zaki. Les festivaliers pourront également découvrir Calle Málaga de Maryam Touzani, Prix du public à la Mostra de Venise, ainsi que Frankenstein de Guillermo del Toro, présenté dans le cadre de l’hommage qui lui sera consacré — une projection d’autant plus précieuse que le film, destiné à Netflix, sera rarement montré sur grand écran. La section Horizons proposera les nouvelles œuvres de grands cinéastes comme Park Chan-wook, Jim Jarmusch, Claire Denis, Jafar Panahi, Kaouther Ben Hania et Kelly Reichardt. Le 11ème Continent poursuivra son exploration des formes les plus libres avec notamment les nouveaux films de Lucrecia Martel et Oliver Laxe, ainsi que Mirage d’Ahmed Bouanani, qui sera montré dans une version restaurée, tout juste achevée par la Cinémathèque Marocaine. Le Panorama du cinéma marocain présentera 7 films qui témoignent du dynamisme de la création locale, dont le nouveau long métrage attendu de Noureddine Lakhmari, Mira, et le très touchant Porte Bagage de Abdelkarim El Fassi, nouvelle voix de la diaspora. La section Jeune Public et Famille permettra également aux spectateurs de découvrir des films comme Arco, conçu pour les plus jeunes, ou Les Baronnes, pensé pour réunir plusieurs générations autour d’une même histoire.
Enfin, le programme des Conversations permettra au public de rencontrer plusieurs personnalités majeures du cinéma d’aujourd’hui. Bong Joon Ho, Jodie Foster, Guillermo del Toro, Jafar Panahi, Tahar Rahim, Yousra et Kleber Mendonça Filho, entre autres, partageront leur expérience et leur regard sur leur métier. Des rencontres croisées réuniront également Virginie Efira et Chiara Mastroianni pour un dialogue autour du métier de comédienne ainsi que les réalisatrices Asmae El Moudir et Karima Saidi, qui échangeront autour de la façon dont le documentaire marocain explore la mémoire, l’exil et les transformations sociales à partir de récits personnels.
Parallèlement aux projections des films et aux rencontres, les actions professionnelles du Festival, désormais regroupées sous la bannière Atlas Programs, se déploieront tout au long de la semaine. La 8ème édition des Ateliers de l’Atlas présentera 28 projets venus d’horizons très divers, sous le parrainage du réalisateur roumain Cristian Mungiu (Palme d’or 2007). Parmi les initiatives marquantes de cette édition figure le nouveau rendez-vous Atlas Distribution Meetings, consacré à la circulation des films entre l’Afrique, le monde arabe et l’Europe, et qui réunira distributeurs, programmateurs et exploitants. Le Festival poursuivra également son engagement auprès de la jeunesse avec Atlas Station, programme destiné aux jeunes professionnels marocains, et Atlas Press, atelier d’initiation à la critique de cinéma conçu pour des étudiants qui vivront la manifestation au plus près de ses films et de ses invités.
«Cette année, plusieurs facteurs expliquent l’augmentation: nous rendons quatre hommages, contre trois l’an dernier; le panorama du cinéma marocain s’enrichit, car davantage de films répondaient aux critères de cette section – tout comme la section Horizons, qui accueille elle aussi plus de titres cette année; et nous présentons un film de clôture, alors qu’en 2024 nous avions projeté le film lauréat de l’Étoile d’or.»
— Ali Hajji, Coordinateur Général et membre du comité de sélection
L’ensemble compose une édition dense, ouverte, attentive aux nouvelles écritures comme aux grands cinéastes, et qui offre au public une véritable immersion dans la création cinématographique d’aujourd’hui.
La sélection officielle passe de 71 à 82 films cette année, soit une augmentation notable du nombre d’œuvres, mais avec un pays en moins: 31 au lieu de 32 représentés. Qu’est-ce qui explique ce changement?
Il n’existe pas de quota fixe, ni pour le nombre de films ni pour celui des pays représentés. La sélection évolue chaque année en fonction de ce que la production offre: si une année voit émerger davantage de films de qualité qui correspondent aux critères d’une section, nous avons la liberté d’en augmenter le nombre. Nous savons généralement que nous nous situons entre 70 et 80 œuvres, mais ce volume peut varier selon les sections. Cette année, plusieurs facteurs expliquent l’augmentation: nous rendons quatre hommages, contre trois l’an dernier; le panorama du cinéma marocain s’enrichit, car davantage de films répondaient aux critères de cette section – tout comme la section Horizons, qui accueille elle aussi plus de titres cette année; et nous présentons un film de clôture, alors qu’en 2024 nous avions projeté le film lauréat de l’Étoile d’or. Ces ajustements internes font naturellement évoluer le nombre total de films ainsi que celui des pays représentés.
Un seul film, «Derrière les palmiers» de Meryem Benm’Barek, représente le Maroc en compétition officielle cette année. Le festival en est à sa 24ème édition, et pourtant, les films marocains restent rares en lice pour l’Étoile d’or. Pourquoi?
La compétition internationale est spécifiquement dédiée à l’émergence de nouveaux auteurs, c’est-à-dire des réalisateurs signant un premier ou un deuxième long métrage. Ce parti pris, qui structure cette section depuis vingt ans, limite automatiquement le nombre de films marocains éligibles chaque année. Dans ce cadre, Derrière les palmiers de Meryem Benm’Barek s’est imposé naturellement: c’est un film ambitieux, maîtrisé et porté par une véritable singularité de regard. Il est déjà arrivé que le Maroc soit représenté par plusieurs films dans la compétition. Ce fut notamment le cas en 2023, une édition historique où La Mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir a remporté l’Étoile d’or — une première pour un film marocain — tandis que Les Meutes de Kamal Lazraq recevait le Prix du jury.
Le programme d’accompagnement «Les Ateliers de l’Atlas» introduit cette année les Atlas Distribution Meetings. En quoi consiste concrètement ce nouveau dispositif ?
Les Atlas Distribution Meetings s’inscrivent en réalité dans un ensemble plus large, Atlas Distribution, qui constitue l’un des volets d’Atlas Programs — dont les Ateliers de l’Atlas sont le cœur historique. Lancé en 2023, Atlas Distribution comprenait jusqu’ici les Atlas Distribution Awards, pensés pour encourager la circulation des films entre l’Afrique et le monde arabe. Cette dynamique franchit un nouveau cap en 2025 avec la création des Atlas Distribution Meetings. Ce rendez-vous réunira à Marrakech environ 60 professionnels de la distribution venus d’Afrique, du monde arabe et d’Europe. Pendant quatre jours, ils découvriront les films internationaux programmés au Festival ainsi que les projets arabes et africains en postproduction sélectionnés aux Ateliers de l’Atlas. L’objectif est clair: faciliter les échanges professionnels, renforcer les coopérations régionales et accroître la visibilité des cinématographies du Sud.
Cela fait trois ans que les projections sur la place Jamaâ El Fna ont été retirées de la programmation. Quelles sont les véritables raisons derrière cette décision ?
Le Festival reste profondément attaché à la place Jamaâ El Fna, lieu emblématique de Marrakech. Toutefois, il a été décidé cette année encore de surseoir à ce volet. La place fait actuellement l’objet de travaux de réaménagement d’envergure visant à lui redonner tout son éclat. Parallèlement, une réflexion est engagée sur la manière de repenser ce dispositif. Cette réflexion se poursuit afin d’envisager, le moment venu, la meilleure façon de renouer avec cet espace ou d’en imaginer de nouveaux usages en phase avec l’esprit du Festival et l’évolution de la ville.
«Cette année, plusieurs personnalités majeures nous ont quittés, chacune laissant une empreinte profonde dans le paysage cinématographique marocain. Lors de la soirée hommage dédiée à Raouya, une séquence spéciale In Memoriam viendra également saluer leur mémoire.»
— Ali Hajji, Coordinateur Général et membre du comité de sélection
Chaque année, le Festival s’interroge sur l’évolution de ses programmes et sur la meilleure manière de faire vivre le cinéma dans la ville. L’an dernier, cette démarche s’est traduite par une ouverture accrue au public, avec la création du nouveau site du Meydene à M Avenue, qui a accueilli avec un grand succès le programme des Conversations.
Aucun hommage posthume n’est prévu cette année, contrairement à l’édition précédente. Qu’est-ce qui justifie ce choix?
L’année dernière, la disparition soudaine de Naïma Elmcherqui, survenue quelques semaines avant l’ouverture du Festival, avait profondément ému le pays. Figure majeure du cinéma, de la télévision et du théâtre marocains, elle faisait partie de ces artistes dont la présence dépasse l’écran et marque durablement plusieurs générations. Lui rendre un hommage posthume relevait alors de l’évidence: c’était une manière de partager une émotion collective et de saluer une trajectoire qui a accompagné, nourri et éclairé l’histoire du Festival, puisqu’elle avait longtemps siégé au conseil d’administration de sa Fondation.
Cette année, plusieurs personnalités majeures nous ont quittés, chacune laissant une empreinte profonde dans le paysage cinématographique marocain. Lors de la soirée hommage dédiée à Raouya, une séquence spéciale In Memoriam viendra également saluer leur mémoire.
«Le Festival aspire à demeurer un espace d’excellence, de transmission et d’ouverture, où les plus grands noms du cinéma mondial, les cinéastes confirmés, les jeunes talents, les étudiants et les acteurs de l’industrie se rencontrent et dialoguent»
— Ali Hajji, Coordinateur Général et membre du comité de sélection
À travers leurs œuvres, leurs parcours et l’héritage qu’ils ont transmis, cette séquence rappellera ce que leur présence a apporté au cinéma national. Elle offrira un moment de recueillement et d’émotion partagée, à la mesure de la place qu’ils occupent — et continueront d’occuper — dans le cœur des Marocains.
Le FIFM célèbre sa 22ème édition cette année. Quelles sont les ambitions affichées pour les prochaines éditions?
Les ambitions du Festival pour les prochaines éditions restent constantes et clairement affirmées. Il s’agit d’abord de poursuivre ce qui fait l’ADN de la manifestation: mettre en lumière de nouveaux auteurs et accompagner l’élan de leurs premières œuvres, en leur offrant un espace privilégié de visibilité, d’échanges et de rencontres avec les professionnels et le public. Cette volonté s’inscrit pleinement dans la dynamique d’Atlas Programs, qui réunit l’ensemble des initiatives professionnelles du Festival et constitue aujourd’hui un pilier essentiel de son identité. Au cœur de ce dispositif, les Ateliers de l’Atlas continueront de soutenir les projets du monde arabe et du continent africain à des étapes clés de leur développement ou de leur postproduction. Parallèlement, Atlas Distribution poursuivra son travail d’accompagnement de la circulation des films, à travers les Atlas Distribution Awards et le nouveau temps fort que représentent les Atlas Distribution Meetings. Le Festival aura également à cœur de renforcer Atlas Station, destiné aux jeunes professionnels marocains, ainsi que Atlas Press, qui initie des journalistes et des étudiants à la critique. Ces ambitions s’accompagnent d’une volonté continue de défendre des œuvres ambitieuses et singulières, de célébrer la diversité des écritures et de maintenir un haut niveau d’exigence artistique. Le Festival aspire à demeurer un espace d’excellence, de transmission et d’ouverture, où les plus grands noms du cinéma mondial, les cinéastes confirmés, les jeunes talents, les étudiants et les acteurs de l’industrie se rencontrent et dialoguent. Au fil de ses prochaines éditions, le Festival continuera naturellement d’évoluer, tout en restant fidèle à cette ligne directrice: accompagner les voix émergentes, encourager la circulation des œuvres et contribuer au rayonnement du cinéma marocain et régional sur la scène internationale.







