Sites, outils, objectifs.... Tout savoir sur les dernières recherches archéologiques menées à Casablanca

Le niveau L de la carrière Thomas I, un site daté d’un million 300.000 ans, témoin de la présence humaine la plus ancienne au Maroc.

Archéologues, paléontologistes, géologues et étudiants se sont retrouvés sur le terrain du 20 octobre au 2 novembre 2025. Cette mission, inscrite dans le cadre du programme maroco-français «Préhistoire de Casablanca», a permis de poursuivre les recherches sur les premiers peuplements humains du littoral atlantique marocain, dont certaines traces remontent à plus d’un million d’années. Les détails.

Le 11/11/2025 à 14h30

C’est une mission archéologique de grande importance qui a eu lieu du 20 octobre au 2 novembre 2025 à Casablanca. Plusieurs sites ont été au centre des fouilles, notamment la carrière Thomas I, la grotte des Rhinocéros, la grotte à Hominidés, ainsi que les gisements de Sidi Abderrahmane et d’Ahl al Oughlam.

«Chaque année, deux missions de terrain sont programmées. La première se déroule au printemps, entre avril et mai, et la seconde à l’automne, entre octobre et novembre», nous apprend Abderrahim Mohib, chercheur en préhistoire associé à l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) et conservateur principal des monuments et sites.

Cette dernière mission, organisée à l’automne, s’inscrit dans la continuité du programme de recherche «Préhistoire de Casablanca», initié en 1978, qui demeure aujourd’hui l’un des plus importants projets archéologiques menés au Maroc.

Co-dirigé par Abderrahim Mohib, au nom de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine, et par Camille Daujeard et Rosalia Gallotti pour la partie française, ce programme est mené sous la tutelle de l’INSAP, relevant du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, département de la Culture. Il bénéficie également du partenariat du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères et du Labex Archimède de l’Université Paul Valéry Montpellier 3, détaille le chercheur en préhistoire.

Concrètement, «il s’agit de recherches archéologiques sur le territoire de Casablanca focalisées sur les premiers peuplements sur le littoral atlantique marocain», explique Abderrahim Mohib.

Ce qui a été réalisé

Casablanca occupe une place majeure dans la recherche préhistorique. Depuis près d’un demi-siècle, les fouilles menées dans le cadre de ce programme ont permis d’identifier plusieurs sites de référence retraçant les étapes les plus anciennes de l’évolution humaine. Parmi eux, le niveau L de la carrière Thomas I, daté d’un million trois cent mille ans, représente la plus ancienne trace d’occupation humaine connue au Maroc. La grotte à Hominidés, datée de 780.000 ans, et la grotte des Rhinocéros, datée de plus de 700.000 ans, offrent une documentation inédite sur les modes de vie de nos ancêtres.

Le gisement de Sidi Abderrahmane Cunette, daté entre 500.000 et 300.000 ans, accueille aujourd’hui le premier parc de préhistoire du pays. Quant au site d’Ahl al Oughlam, daté de 2,5 millions d’années, il constitue l’un des ensembles paléontologiques les plus riches d’Afrique, bien qu’aucune activité humaine n’y ait encore été identifiée.

C’est ainsi que la mission d’automne 2025 a été consacrée à la poursuite des recherches engagées lors des campagnes précédentes et à la consolidation des connaissances acquises. Les chercheurs ont procédé à la remise en état des surfaces archéologiques sur la carrière Thomas I et la grotte des Rhinocéros, dans la carrière Oulad Hamida 1.

Ils ont également réalisé un sondage stratigraphique et archéologique dans le niveau inférieur de cette grotte, qui a une fois encore révélé la richesse exceptionnelle du site. Ces fouilles permettent de mieux comprendre la subsistance de nos ancêtres il y a au moins 700.000 ans, à travers les outils, les restes fauniques et les traces d’activités humaines.

L’équipe a aussi poursuivi l’étude des bovidés découverts dans la grotte des Rhinocéros, afin de mieux connaître les espèces animales contemporaines des premiers habitants de la région. Parallèlement, des prélèvements géologiques ont été effectués sur d’autres sites, notamment dans la grotte des Ours et à Cap Chatelier, à Sidi Abderrahmane, en vue de datations par la méthode ESR sur quartz. Les estimations antérieures situent ces sites entre 450.000 et 370.000 ans.

Un volet important de la mission a concerné la finalisation de l’étude du matériel de percussion du niveau L5 et le début de celle du niveau L1 de la carrière Thomas I. Ces travaux, explique Abderrahim Mohib, visent à approfondir l’analyse des techniques de fabrication d’outils utilisées par les premiers hommes installés sur le littoral marocain. Le site de Thomas I, daté d’un million trois cent mille ans, demeure une référence majeure pour la compréhension des origines humaines au Maroc.

La mission a également intégré une dimension pédagogique. Du 20 au 31 octobre, les chercheurs ont participé à l’École de recherche résidentielle organisée à l’INSAP, un espace de formation et de transmission destiné aux étudiants marocains et étrangers. «Les membres de ce programme de recherche ont participé à cette école pour orienter les thématiques et les formations dédiées aux étudiants et aux chercheurs inscrits», relève Abderrahim Mohib.

Plusieurs cours et ateliers y ont été proposés, parmi lesquels un atelier de taille de la pierre animé par le chercheur lui-même. «J’ai encadré un atelier consacré à la taille de la pierre afin de mieux comprendre la manière dont nos ancêtres façonnaient leurs outils», raconte-t-il. Ces sessions de taille expérimentale permettent de reproduire les gestes des premiers hommes et de comprendre comment ils concevaient et utilisaient leurs outils en pierre.

Cette mission de deux semaines a mobilisé une équipe pluridisciplinaire composée de chercheurs marocains et étrangers. Archéologues, paléontologistes, archéozoologues, géologues et géophysiciens ont déployé leurs compétences pour explorer les différentes facettes de ces sites uniques.

«L’objectif principal est de poursuivre l’ensemble des axes engagés lors des missions précédentes, tout en achevant les études du matériel archéologique et paléontologique mis au jour, ainsi que la reconstitution du cadre chronologique des premières occupations humaines», précise Abderrahim Mohib.

Le chercheur souligne l’importance scientifique de ces sites, notamment celui de la carrière Thomas I, qui conserve la plus ancienne trace d’occupation humaine connue au Maroc. «Quand on dit première occupation humaine, on parle d’une présence humaine datée d’un million trois cent mille ans», rappelle-t-il. D’autres sites, comme la grotte à Hominidés, témoignent d’une présence aux environs de 800.000 ans. Ces découvertes permettent de mieux situer les premières étapes de la préhistoire marocaine dans le cadre plus large de l’évolution humaine africaine.

L’un des objectifs majeurs de la mission est également de finaliser les études préparatoires aux futures publications scientifiques. «Un autre axe essentiel concerne la finalisation des études en vue de la préparation de publications scientifiques, destinées à présenter ces données et à souligner l’importance des sites de Casablanca dans la compréhension de notre histoire», indique Abderrahim Mohib.

Ces publications contribueront à la diffusion internationale des résultats obtenus et à la valorisation du patrimoine préhistorique du Maroc, conclut le chercheur.

Par Hajar Kharroubi
Le 11/11/2025 à 14h30