Il y a d’abord le nom, très américain, du personnage principal du roman qui retient l’attention. Ensuite, l’histoire palpitante de ce personnage se lit avec une carte précise des États Unis en main. À la manière d’un thriller, l’épilogue de la narration est pour le moins inattendu.
C’est la première fois que Kebir Mustapha Ammi traverse l’Atlantique pour nous raconter, dans un style épuré et limpide, l’épopée d’un manuscrit dont les traces étaient perdues depuis quatre décennies à Alger, à l’époque où le mouvement noir américain des Black Panthères avait trouvé refuge en Algérie, au milieu d’un contexte bouillonnant fait d’intrigues, de fabulations, de coups bas et de manigances.
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Pour un lecteur habitué de l’univers romanesque «kebir-ammien», suinte ici une quête identitaire ardente, personnifiée par un narrateur qui a entrepris un périple à rebondissements à la recherche d’un manuscrit qu’on croyait perdu à jamais. On le comprend bien, le manuscrit avait une valeur existentielle. Ses personnages, tantôt américains, tantôt maghrébins, deviennent vite très attachants.
L’équipée du narrateur le conduit à travers la vaste géographie américaine -d’où le besoin d’avoir une carte des États-Unis- pour retrouver Glitter Faraday, un vétéran devenu SDF qui détiendrait la clé du manuscrit.
Dans ce périple, l’auteur dévoile successivement des personnages nourris par la réalité historique des États-Unis de la fin des années 60, début des années 70, lorsque le combat pour les libertés civiques était à son apogée. Là encore, l’instantané en noir et blanc que nous livre le roman montre que, sur ce chapitre, les réalités sociales de cette Amérique profonde n’ont pas bougé d’un iota. Sauf peut-être que l’instantané de la deuxième décade du XXIème siècle est en couleur. Un comble. Le melting-pot plusieurs fois centenaire n’a pas eu raison de cette réalité glauque. Le combat contre le racisme est quasi identique, les précarités de la communauté noire américaine semblent être inaltérables et l’élite de ce pays continue de regarder ailleurs. Le célèbre épisode Rosa Parks (un personnage bien réel du roman) semble avoir été vain.
Un diagnostic juste et dépouillé de l’Algérie
À l’autre-bout de l’Atlantique, Kebir Mustapha Ammi ne fait pas dans la dentelle non plus. Il pose les bonnes questions pour faire le diagnostic juste et dépouillé de ce que vit actuellement l’Algérie, le pays de son père.
Le narrateur, qui pourrait être un algérien lambda ayant une haute conscience des réalités de son pays avec une profondeur historique évidente, se rappelle avec amertume que ses aïeuls avaient «pris les armes, pour que l’Algérie soit autre chose que la chasse jalousement gardée de certains, réservée pour eux et leur marmaille, comme si le reste de la population n’était que de la valetaille née pour les servir».
Dans une tirade ultime avant de rendre l’âme sous la charge traîtresse de tueurs professionnels, Sellam, un personnage haut en couleur qui ressemblerait bien à un Glitter Faraday algérien, fier et sûr de lui, avait osé dire que les nouveaux maîtres du pays étaient aussi méprisables que les anciens (les colons français) et réclame que la vraie révolution devra être un jour de se débarrasser de cette clique militaro-civile qui a confisqué les idéaux de tout un peuple! Ce vœu ressemble à une feuille de route pour une Algérie devenue exsangue sous l’emprise de prédateurs qui l’avaient rendue méconnaissable.
«La révolution a été un vrai gâchis»
En narrateur fin et subtil, Kebir Mustapha Ammi se garde bien pour que le roman ne devienne pas pamphlet. Mais il ne se prive pas de faire dire à son personnage qu’il faudra bien un jour dénoncer ce «régime militaire forcené et brutal, qui n’avait rien à envier à celui qui avait prévalu pendant plus de cent ans». Puis le verdict tomba comme un couperet : «La révolution a été un vrai gâchis : elle a été détournée de ses fins. L’Algérie méritait mieux qu’une bande de trouffions, ivres de leur force, des soudards galonnés, qui avaient confisqué le pouvoir et qui ne reculaient devant rien pour préserver leur prébende».
Une fois la parenthèse algérienne fermée, le récit se poursuit de plus belle.
Comme une ombre fuyante, le fameux manuscrit passa de main en main et l’acharnement du narrateur ne faiblit pas. Il mène le lecteur de surprise en surprise, sans jamais laisser entrevoir le début du commencement du dénouement.
Le lecteur, armé de patience et d’une bonne dose de persévérance, sera tenu en haleine jusqu’aux dernières pages du roman pour espérer découvrir, dans une cascade de révélations, le destin fabuleux du manuscrit. La lecture ne sera pas vaine. Promis !