Organisée sous le haut patronage du roi Mohammed VI par le Laboratoire d’études et de recherches sur l’interculturel (LERIC) et le Laboratoire d’études et de recherches en sciences économiques et de management (LERSEM) de l’Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida, cette manifestation scientifique, qui coïncide avec la célébration de la fête de la Marche verte, s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques du Royaume du Maroc de s’ouvrir sur son environnement régional et continental, de renforcer la coopération Sud-Sud et de servir de passerelle entre l’Europe et l’Afrique.
Pendant deux jours, cent participants issus de onze pays, dont l’Allemagne, le Burkina Faso, le Cameroun, les États-Unis, la France ou encore le Gabon, représentant 25 universités à travers le monde, participeront aux échanges qui se concentreront sur des thématiques telles que les sciences de l’éducation, les langues, les lettres et les arts, ainsi que l’économie, le management et l’entrepreneuriat.
Des objectifs ambitieux aux retombées multiples
Considérée par certains comme un continent victime d’un lourd passé colonial qui bride encore son élan et son développement, et par d’autres comme un territoire à fort potentiel économique et humain, l’Afrique se situe entre deux extrêmes selon une vision extérieure au continent oscillant entre optimisme et pessimisme.
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Mais en réalité, l’Afrique, multiple, complexe et pleine de contrastes, ne saurait être réduite à une seule vision, ni être contrainte de suivre un modèle occidental comme unique exemple. D’où la nécessité de privilégier les regards africains et d’aborder le continent avec une grille de lecture prenant en compte ses spécificités historiques, économiques, linguistiques, culturelles, sociales et démographiques. Il s’agit ainsi de repenser le développement de l’Afrique depuis l’Afrique, sans réduire les problématiques africaines à des questions de défis et d’opportunités. L’objectif est de les étudier pour elles-mêmes, en fonction des besoins des sociétés concernées et de la circulation et de l’appropriation des savoirs.
Les objectifs de cette rencontre sont donc multiples. Il s’agit de promouvoir la recherche scientifique africaine et sur l’Afrique, de développer la coopération Sud-Sud, en permettant aux chercheurs africains (et à ceux qui s’intéressent à l’Afrique) de se rencontrer et de débattre autour de thématiques communes, d’instaurer une collaboration pluridisciplinaire et intercontinentale, et de renforcer le rayonnement scientifique des deux laboratoires et de l’Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida.
Outre le décloisonnement des champs disciplinaires au sein de l’université, les retombées pour l’UCD, ainsi que pour la région et le pays, sont multiples. En effet, les échanges entre chercheurs sur des questions liées à l’Afrique permettront également une ouverture scientifique et culturelle sur le continent et un enrichissement des connaissances scientifiques des doctorants.
Entretien avec Abdelouahad Mabrour, directeur du Laboratoire d’études et de recherches sur l’interculturel de l’Université Chouaïb Doukkali et organisateur du colloque
Le360: parlez-nous de la genèse de ce projet…
Abdelouahad Mabrour: Au sein du Laboratoire d’études et de recherches sur l’interculturel à l’Université Chouaïb Doukkali, nous avons déjà initié plusieurs actions et coopérations, particulièrement avec l’Université de Dakar, et plus récemment avec le Centre national de la recherche scientifique du Burkina Faso. L’année dernière, nous avons produit un livre sur les contes du Maroc et du Burkina Faso en choisissant des thèmes communs aux deux pays, comme la figure de l’ogre et de l’ogresse. En décembre, nous avons présenté ce livre au Burkina Faso sous l’égide de notre ambassadeur, dans le cadre d’un débat. Cette idée a inspiré le colloque des 7 et 8 novembre. Nous avons également puisé dans les orientations générales de notre gouvernement, les actions de Sa Majesté et les directives de ses discours.
Bien que nous collaborions souvent avec l’Europe, nous avons décidé d’élargir cette réflexion à l’Afrique subsaharienne. Nous avons associé le Laboratoire d’études et de recherches en sciences économiques et de management (LERSEM) de l’ENCG et invité le Laboratoire langues, éducation, arts et communication (LEAC) du Burkina Faso, l’Institut international pour la Francophonie (2IF) de l’Université Jean Moulin Lyon 3 en France, et le Laboratoire de didactique des langues et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta DIOP, de Dakar. Dès juin 2023, nous avons élaboré un argumentaire commun et travaillé ensemble pendant plusieurs mois.
Depuis quelques années, de nombreux pays africains revendiquent la décolonisation de la pensée. Vous inscrivez-vous dans cette logique?
Oui, absolument, en commençant par prendre nos distances avec l’histoire coloniale qui présente l’Afrique comme un continent incapable de se développer ou de se gouverner. Ce colloque met en avant des Africains qui réussissent en dehors du cadre européen ou américain. Beaucoup d’intervenants viennent d’universités africaines et démontrent qu’ils sont au même niveau que les chercheurs reconnus internationalement. Nous voulons nous affirmer par nous-mêmes.
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L’Afrique qui nous intéresse est celle vue par les Africains et par les autres, avec des perspectives variées, mais visant toutes à présenter l’Afrique sous un angle nouveau et à mettre sur un pied d’égalité les chercheurs d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord.
En quoi le Maroc joue-t-il un rôle particulier dans ce processus?
Dans le cadre des orientations stratégiques du Royaume depuis l’avènement du Roi Mohammed VI, le Maroc joue un rôle d’acteur clé, dans une relation gagnant-gagnant. Sur le plan stratégique, nos partenariats africains sont établis dans une logique de complémentarité, sans hiérarchie.
Historiquement, culturellement, économiquement, géostratégiquement et spirituellement, le Maroc est idéalement placé pour jouer le rôle de passerelle entre l’Europe et l’Afrique.
Les thèmes traités lors des conférences et des ateliers seront-ils intégrés dans les cursus d’enseignement des universités partenaires ou serviront-ils de pistes de réflexion?
C’est notre souhait. Nous espérons inclure dans nos programmes ce qui touche à la littérature africaine et sensibiliser d’autres chercheurs, au Maroc et ailleurs, à la possibilité de coopérer avec le Sud sans se limiter à la coopération Sud-Nord.
Cette manifestation a-t-elle vocation à se répéter et à voyager à travers l’Afrique?
Oui, cette question a été discutée avec notre laboratoire et nos partenaires. Cette première édition se tient au Maroc, mais si les financements le permettent, nous aimerions organiser la prochaine au Sénégal, puis au Burkina Faso. Nous envisageons ce colloque comme une rencontre itinérante dans différents pays africains.
Le colloque donnera-t-il lieu à des publications?
Oui, après l’événement, les intervenants ont un mois pour soumettre leur texte définitif, qui sera évalué anonymement par un comité scientifique. Les articles retenus seront ensuite publiés.