«Le coiffeur aux mains rouges» de Kebir Mustapha Ammi remporte le prix Moussa Konaté à Limoges

L'écrivain Kebir Mustapha Ammi.

Le dernier roman de Kebir Mustapha Ammi, «Le coiffeur aux mains rouges», a reçu une belle consécration en remportant le prix Moussa Konaté au festival Vins Noirs à Limoges. Il s’impose comme le 7ème lauréat de ce prix.

Le 06/10/2025 à 10h25

Le 4 octobre, Le Coiffeur aux mains rouges, paru aux éditions Elyzad en janvier 2025, a décroché à l’unanimité le prix Moussa Konate du polar francophone, décerné par un jury exclusivement féminin. Ce prix littéraire perpétue la mémoire de l’écrivain malien Moussa Konaté, également connu comme le fondateur des éditions du Figuier au Mali en 1997 et des éditions d’Hivernage à Limoges en 2006.

Dans Le Coiffeur aux Mains rouges, dont la trame se déploie entre la France et l’Algérie, deux meurtres sauvages ont lieu, chacun dans l’un des deux pays. Le cœur du récit réside dans l’affrontement et la quête de pardon entre le descendant d’un colonisateur et celui d’une victime de la Guerre d’Algérie. L’auteur y place l’espoir profond d’une réconciliation entre ces deux mémoires opposées. «Il ne suffit pas d’être un homme pour avancer, il faut être tous les hommes», résume ainsi l’auteur de ce roman.

Pour Kebir Mustapha Ammi, ce prix revêt une importance particulière, comme il le confie à Le360. En effet, alors que la réflexion de l’écrivain né à Taza tend à s’ancrer de plus en plus dans le continent africain, auquel il consacre d’ailleurs un long poème, Chant pour l’Afrique et les continents qui n’ont pas peur (à paraître aux Editions Du Seuil en février 2026), ce prix profondément africain tombe à point nommé et prolonge la réflexion de l’écrivain.

«Ce prix résonne comme des retrouvailles avec une part de moi-même qui était enfouie et qui commençait à voir la lumière. Quand j’ai écrit ces textes, que ce soit «À la recherche de Glitter Faraday» (paru en 2023 aux Editions Project’îles), ou le poème «Chant pour l’Afrique et les continents qui n’ont pas peur», je me suis rendu compte que depuis que je suis jeune, j’ai sillonné l’Afrique. Il n’y a que trois ou quatre pays africains que je n’ai pas encore visités», explique Kebir Mustapha Ammi.

«Je suis donc très heureux que les membres du jury de ce prix aient vu cette part africaine qui n’était pas encore complètement exprimée mais que j’avais commencé à travailler depuis quelques livres», confie-t-il. D’autant que son éditrice n’avait pas candidaté et a été contactée directement par les organisateurs du prix.

L’auteur, qui s’emploie à poser les jalons d’une histoire commune franco-algérienne apaisée et à tourner la page de la guerre d’Algérie, insiste sur le fait que ce roman est français. «Je ne peux pas parler au nom des Algériens car je n’ai jamais vécu en Algérie. La seule chose qui me relie à l’Algérie, c’est mon père, qui est mort le jour de l’indépendance à Taza. J’avais 9 ans, j’étais près de lui. J’ai allumé la radio pour qu’il écoute les informations. Il a entendu la nouvelle puis s’est éteint. Cette date est restée gravée dans ma tête», confie-t-il.

Toutefois, alors qu’il pensait que cette guerre s’était terminée en 1962, Kebir Mustapha Ammi n’a cessé d’y être confronté: d’abord personnellement, dans la cour de son collège puis de son lycée, et aujourd’hui, par le biais des récits de ses petits-enfants qui, à leur tour, y sont confrontés dans leur propre établissement.

Ce que Kebir Mustapha Ammi entend dénoncer, c’est «l’instrumentalisation malsaine d’un côté comme de l’autre» de cette guerre. Raison pour laquelle il était important de situer cette histoire en France, d’opter pour un narrateur français qui se retrouve face au descendant d’une victime. Et maintenant que fait-on? Telle est la question cruciale qui habite ce roman. «Combien de temps va-t-on continuer ainsi à être les otages de mémoires, celle d’un colon et d’un colonisé?», questionne Kebir Mustapha Ammi. Car à ses yeux, «arrive un moment où il faut essayer de se mettre autour d’une table pour avancer. On ne peut pas continuer à s’inscrire dans la violence et la haine».

La remise de ce prix a donc une saveur particulière pour le romancier. Elle prouve que les membres du jury ont été sensibles à la part d’humanisme et de bienveillance que revêt ce roman, qui sonne comme un appel à avancer, à s’inscrire dans un destin commun apaisé.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 06/10/2025 à 10h25