L’artiste marocain Hassan Darsi lauréat du prix Prince Claus Impact

crédit photo : Mehdi Mariouch

Tous les deux ans, les Impact Awards, organisés par la fondation hollandaise Prince Claus pour la Culture et le Développement, récompensent six personnes pionnières qui engagent leurs propres communautés avec des œuvres créatives pertinentes, urgentes et inspirantes. Cette année, Hassan Darsi, artiste marocain, fait partie des lauréats.

Le 06/09/2022 à 12h17

Représentant une variété de domaines, tels que l'architecture, la poésie, la philosophie, les arts visuels ou encore la performance, les lauréats du prix Prince Claus Impact consacrent leur travail à résoudre les problèmes politiques et environnementaux, la nature de l'identité et des droits de l'homme sous des formes qui engagent et responsabilisent leurs propres communautés.

C’est à ce titre que, parmi ces praticiens culturels qui illustrent le pouvoir transformateur de l’art, a été sélectionné Hassan Darsi, aux côtés d'Ailton Krenak (Brésil), María Medrano (Argentine), Luis Manuel Otero Alcántara (Cuba), May al-Ibrashy (Egypte) et Alain Gomis (Sénégal). 

Une nomination découverte récemment par Hassan Darsi, comme il l'explique à Le360: «Cela fait deux ans qu’ils enquêtent en toute confidentialité sur les artistes à travers un réseau international constitué d’experts de la culture qui fait des propositions à l’échelle mondiale. Pour ma part, j’ai appris la nouvelle il y a un mois et demi, et beaucoup de gens que je connais, qui ont été questionnés à mon insu dans le cadre de cette enquête, n’ont appris la nouvelle de ma nomination qu’hier.»

Ces six lauréats ont été sélectionnés sur un total de 94 nominations, reçues et soigneusement étudiées par un jury indépendant composé de cinq professionnels de la culture avant d’aboutir à cette sélection finale.

Hassan Darsi, l’art en actionPrésenté par la fondation Prince Claus comme «un artiste visuel dont le travail promeut une réflexion critique sur les espaces publics et la citoyenneté», Hassan Darsi s’impose dans ce classement pour avoir «redéfini l’art dans le contexte marocain en engageant le grand public marocain à travers ses expositions».C’est en 1995 que Hassan Darsi co-fonde la Source du Lion, un laboratoire culturel qui réunit penseurs, artistes, journalistes, étudiants et grand public pour discuter du rôle de l'art dans la société. 

L'un des plus remarquables de ses projets artistiques, significatif à plus d’un titre dans l’histoire de l’art contemporain au Maroc, est le projet du parc L'Hermitage (2002-2008), vestige abandonné de l'époque coloniale à Casablanca, menacé de destruction au profit de la construction d’immeubles. En collaboration avec la communauté qui vit aux abords du parc, l’artiste a élaboré un plan pour créer des espaces communautaires propices à la narration, l'art et le repos. Dans une série d'interventions d'artistes - appelées Passerelles artistiques - différentes parties du parc se sont ainsi transformées en véritables espaces d'émerveillement. 

Un autre projet de taille, révélateur de l’engagement de l’artiste salué par ce prix, est Karyati Hayati (Mon village, ma vie), qui a pris forme dans le village de Beni Aïssi, où vit l’artiste, au cœur de la forêt de Benslimane, poumon vert du Maroc. Niché dans cette forêt, le village jouit d’un cadre environnemental rare et précieux entre petites exploitations agricoles, collines, cours d’eau et forêt, tout du moins jusqu’à il y a quelques années, lorsque l’exploitation de carrières est venue bouleverser la qualité de vie des habitants et fragiliser la symbiose entre l’homme et la nature. Face à la menace représentée par un nouveau projet de carrière et la mise en danger des terres agricoles avoisinantes, Hassan Darsi, témoin de ce drame, a proposé aux habitants de s’unir autour d’un projet: la création d’un village agro-écologique qui les fédère autour d’un véritable projet de vie.

Une aventure documentée par l’artiste, qui participe ainsi via des projets artistiques, culturels et écologiques à une construction sociale.

«Ces projets participatifs réalisés dans l’espace public, que ce soit à Beni Aïssi ou au parc de l’Hermitage à Casablanca, ont abouti à des changements bénéfiques pour des milliers de gens, notamment d’un point de vue économique», explique l’artiste à Le360. Dans ces projets salués par le prix Prince Claus Impact, Hassan Darsi aime à voir la transformation des œuvres en «un manifeste mais aussi en un champ d’échange, de concertation, de dialogue, de poésie et non en un champ de combat», poursuit-il.

Ce prix, remis sur la base d'un processus de sélection équilibré et approfondi tenant compte des antécédents, de la géographie, du sexe, de la discipline et des problèmes sociopolitiques abordés dans le cadre du travail du candidat, récompense aussi «l’esthétisme, les formes créées et la manière dont ses formes marquent l’histoire de l’art dans notre pays, au-delà de l’engagement», rappelle Hassan Darsi, qui se verra remettre un prix lors d’une cérémonie organisée au palais royal d’Amsterdam en décembre 2022.

A propos du Prince Claus FundCréée le 6 septembre 1996 en hommage au dévouement de SAR le Prince Claus à la culture et à sa conviction en son rôle dans le développement de toutes les sociétés, cette fondation hollandaise a pour mission de soutenir, d'honorer et de connecter les artistes et les praticiens culturels en Afrique, en Asie, en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Europe de l’Est.

Depuis sa création, la fondation a créé des opportunités de connexion et d'échange, stimulé l'expression culturelle et préservé le patrimoine culturel de diverses manières. Les artistes et les praticiens culturels sont soutenus à travers une séquence de trois prix différents conçus pour répondre aux besoins spécifiques à une étape cruciale d'une carrière créative.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 06/09/2022 à 12h17