Le pitch: dans l’ancienne médina de Casablanca, Hassan et Issam, père et fils, vivent au jour le jour, en enchaînant les petits boulots. Un soir, ils acceptent un «travail» plus risqué que les autres, ils doivent kidnapper un homme. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévu, l’homme meurt accidentellement dans leur voiture. Débute alors une longue quête nocturne à travers Casablanca.
«L’idée du film m’est venue durant les castings et repérages de mon précédent court métrage “L’homme au chien”», explique pour Le360 Kamal Lazraq, qui travaille habituellement avec des acteurs non professionnels. Après avoir rencontré «des dizaines de personnes issues de plusieurs quartiers populaires de Casablanca qui me racontaient leur quotidien, deux d’entre eux, qui avaient l’âge d’être père et fils, m’avaient particulièrement marqué», poursuit-il.
Lire aussi : Cinéma: voici les 21 films en compétition au 76ème Festival de Cannes
Cette rencontre va être déterminante pour le réalisateur, à qui les deux hommes racontent comment, pour survivre, ils étaient parfois contraints d’accepter des petits boulots risqués, et comment cela pouvait les entraîner dans des engrenages incontrôlables. «Ils ne correspondaient pas aux rôles que je cherchais, mais le duo m’est resté dans l’esprit», se souvient Kamal Lazraq.
C’est donc en pensant à eux qu’il a écrit «Les Meutes», qui s’articule autour d’une question centrale: «comment un père et un fils, qui souhaitent juste gagner de quoi vivre dignement, peuvent tomber dans des situations qui les dépassent complètement», résume-t-il. Une fois l’écriture du film achevée, le réalisateur essaie de reprendre contact avec le père et le fils mais découvre que l’un est parti à l’étranger et que l’autre est en prison pour une longue période. Entretien.
Que raconte le film «Les Meutes»?
Le film a au départ une approche assez documentaire. Il est tourné avec des acteurs non professionnels, dans des décors naturels. On est plongé dans les milieux les plus populaires de Casablanca où règne la débrouille, l’informel et, parfois, la violence et l’illégalité. Une des sources d’inspiration du film est «Le voleur de bicyclette», de Vittorio Da Sica, où on suit, dans les banlieues pauvres de Rome, un père et un fils qui tentent de retrouver l’outil de travail du père.
Lire aussi : Maryam Touzani, membre du jury du Festival de Cannes: «Je suis très fière de représenter le Maroc»
Il y a constamment, d’une part, ce mélange entre la solidarité, l’humanité et l’entraide et, d’autre part, une forme de violence et de brutalité dictée par la survie. «Les Meutes», après ce point de départ documentaire, bascule, par contre, dans quelque chose de plus irréel. Je souhaitais que le film tende vers le conte, avec l’enchaînement des péripéties, l’irruption de personnages parfois burlesques et de situations absurdes.
Le film a été sélectionné dans la catégorie «Un certain regard» du Festival de Cannes. Quel effet vous a fait cette annonce?
C’est évidemment une fierté que le travail de toute l’équipe du film et des acteurs soit récompensé par une sélection au Festival de Cannes. Le film n’est pas classique dans sa fabrication, nous avons tourné de nuit pendant six semaines en devant constamment nous adapter aux nombreux imprévus rencontrés. La méthode de travail avec des acteurs non professionnels implique beaucoup d’adaptabilité et de souplesse. Le film a tellement changé en cours de route qu’à certains moments, on ne savait plus trop si l’on tenait le bon bout. Cette sélection est donc un soulagement et un bel encouragement pour la suite.
Quels ont été vos critères pour le casting de ces acteurs non professionnels?
Pour les deux acteurs principaux, Ayoub Elaid et Abdellatif Masstouri, c’était une première expérience devant la caméra. Ils se connaissaient déjà et se côtoyaient dans l’ancienne médina de Casablanca, où vit et travaille Abdellatif. C’est Ayoub qui m’a présenté Abdellatif, voyant que j’avais du mal à trouver l’acteur qui allait jouer le rôle du père. Il considérait Abdellatif comme son mentor et son conseiller et ils avaient déjà une forme de rapport père-fils. Cela a donc grandement facilité le travail de préparation.
Lire aussi : Cannes 2023: deux films marocains sélectionnés dans la section «Un certain regard»
Leur vie est assez proche de celle des personnages, je les ai naturellement encouragés à nourrir leurs rôles avec leur vécu et leur expérience. Sur le tournage, ils ont été impressionnants de professionnalisme même si c’était physiquement parfois difficile de tenir le rythme.
Quid de la production du film?
Le film est produit par Said Hamich. Nous nous sommes rencontrés durant nos études de cinéma. Il avait produit mon travail de fin d’études, «Drari», que nous avions tourné à Casablanca et qui avait été ensuite présenté au Festival de Cannes, où il a remporté le deuxième prix de la Cinéfondation. Nous avons ensuite poursuivi notre collaboration avec mon court métrage «L’homme au chien» et, désormais, ce premier long-métrage.
Des projets à venir?
Je viens de finir la post-production de «Les Meutes». Il est encore un peut tôt pour en parler mais j’ai plusieurs projets de longs métrages qui s’inscrivent dans la continuité de ce travail.