Ce qu’il faut savoir sur Spicomellus afer, le plus ancien dinosaure ankylosaure du monde identifié à Boulemane

La reconstitution de Spicomellus afer. (Crédit: Matthew Dempsey)

EntretienIdentifié auparavant à partir d’une côte fossilisée à Boulemane, Spicomellus afer refait l’actualité scientifique grâce à de nouveaux restes étudiés et publiés ce mercredi dans la revue Nature. Cet Ankylosaure cuirassé vieux de 165 millions d’années découvert dans le Moyen Atlas présente une anatomie inédite. Les détails avec Driss Ouarhache, professeur-chercheur à l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et co-auteur de l’étude.

Le 27/08/2025 à 17h48

Il y a environ 165 millions d’années, au Jurassique moyen, un dinosaure massif, quadrupède et doté d’une armure impressionnante vivait dans le Moyen Atlas marocain, près de Boulemane. Il portait des pointes soudées directement à ses côtes, une particularité jamais observée auparavant chez aucun autre vertébré, qu’il soit éteint ou vivant. À cette défense spectaculaire s’ajoutait une queue armée, ce qui en faisait l’un des herbivores les plus redoutables de son époque.

Spicomellus afer est aujourd’hui reconnu comme le plus ancien ankylosaure au monde et le premier découvert en Afrique. Les recherches menées par une équipe marocaine et britannique, coordonnées par la professeure Susannah Maidment du Natural History Museum de Londres et le professeur Driss Ouarhache à la Faculté des Sciences Dhar El Mahraz de Fès, ont permis de décrire pour la première fois une armure aussi élaborée chez un ankylosaure primitif.

Le360: Qu’est-ce qui distingue les ankylosaures des autres groupes de dinosaures herbivores?

Driss Ouarhache: Ankylosauria (Ankylosauriens) est un clade de dinosaures herbivores quadrupèdes, à membres courts et puissants supportant un corps massif et aplati, doté d’une armure de plaques, d’épines et d’autres ostéodermes, qui s’étendent sur le crâne et le dos.

Quelles sont les principales caractéristiques anatomiques qui définissent les ankylosaures?

Spicomellus afer est le plus vieil ankylosaure au monde, ayant vécu au Jurassique moyen (il y a plus de 165 millions d’années), au cœur du Moyen Atlas plissé, près de la ville de Boulemane. Il fut le premier ankylosaure découvert sur le continent africain.

Quelle est l’importance scientifique de découvrir un ankylosaure aussi ancien en Afrique?

De nouveaux restes de Spicomellus, découverts par notre équipe (formée par des chercheurs marocains et britanniques), ont permis d’approfondir la description originale de cet animal inhabituel. La description initiale de l’espèce, publiée en 2021, reposait sur une seule côte. L’équipe sait désormais que l’animal possédait des pointes osseuses soudées sur ses côtes, une caractéristique inédite chez les autres espèces de vertébrés, vivantes ou éteintes.

En quoi la découverte de ces nouvelles pièces fossiles enrichit-elle la description initiale de l’espèce?

L’étude publiée aujourd’hui dans la revue scientifique Nature, révèle que Spicomellus afer avait de longues pointes, mesurant 1 mètre de long, qui sortaient d’un collier osseux entourant son cou, son dos était couvert de petites pointes attachées à ses côtes, il possédait également une énorme paire de pointes au niveau des hanches, et il semble avoir eu une sorte d’arme caudale – peut-être une série de pointes à l’extrémité de la queue. Nous n’avions jamais rien observé de tel chez un animal auparavant.

Que révèlent ces structures osseuses sur les capacités défensives de Spicomellus?

La présence de vertèbres «poignées» dans la queue de Spicomellus indique qu’il possédait une arme caudale, ce qui remet en cause les connaissances actuelles sur l’évolution de la massue caudale chez les ankylosaures, car on pensait auparavant que ces structures n’avaient évolué qu’au Crétacé.

Comment cette découverte modifie-t-elle notre compréhension de l’évolution de l’arme caudale chez les ankylosaures?

La découverte d’une armure aussi élaborée chez un ankylosaure primitif modifie notre compréhension de l’évolution phyllogénétique de ces dinosaures et de leur répartition géographique. En effet, les restes fossiles des ankylosaures du Jurassique moyen sont encore rares et donc peu connus, et l’Afrique est probablement le continent le moins exploré en matière de fossiles de dinosaures.

Quelles implications cette découverte a-t-elle sur la répartition géographique et l’évolution précoce des ankylosaures?

La région de Boulemane a encore beaucoup de secrets à révéler. Nous pensons qu’il reste encore d’autres dinosaures fascinants et étonnants à découvrir.

Nos travaux de recherche, ayant débuté en 2018, s’inscrivent dans le cadre d’une convention de coopération entre l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et le Musée d’Histoire Naturelle de Londres, se sont montrées jusqu’à présent très fructueuses, et nous les poursuivons dans l’espoir de dévoiler le secret des dinosaures au Maroc, et d’œuvrer pour la valorisation et la préservation de ce géopatrimoine qui est irremplaçable.

Comment ces fossiles sont-ils conservés et étudiés aujourd’hui à la Faculté des Sciences de Fès?

Les restes de Spicomellus afer, décrits dans cette étude, ont été nettoyés et préparés pour leur étude au sein du Département de Géologie de la Faculté des Sciences Dhar El Mahraz (FSDM) de Fès, grâce à un équipement scientifique offert par «the University of Birmingham’s Research England International Strategy and Partnership Fund».

Ces fossiles sont désormais catalogués et conservés dans les locaux de la Faculté (FSDM).

Par Hajar Kharroubi
Le 27/08/2025 à 17h48