Le Maroc, carrefour de civilisations depuis des millénaires, a été au cœur de plusieurs campagnes archéologiques majeures en 2025. Entre fouilles terrestres et explorations de l’histoire médiévale comme préhistorique, des chercheurs marocains et internationaux ont mis au jour des données et des vestiges qui enrichissent la compréhension du passé nord-africain.
Kach Kouch, le premier village préhistorique du Maghreb
Dans la province de Tétouan, une découverte archéologique majeure a mis au jour, sur le site de Kach Kouch, le premier village protohistorique connu du Maghreb. Cette trouvaille exceptionnelle, réalisée par une équipe d’archéologues dirigée par le professeur Youssef Bokbot de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) et dont les résultats ont été publiés en février 2025 dans la revue scientifique Antiquity, remet en question les idées reçues sur le développement des sociétés nord-africaines avant l’arrivée des Phéniciens.
Il s’agit en effet d’un village structuré et organisé dès l’âge du Bronze, avec des traces d’occupation humaine s’étendant sur trois grandes périodes distinctes: une première phase datée entre 2200 et 2000 av. J.-C., une seconde comprise entre 1300 et 900 av. J.-C., et une troisième allant du VIIIe au VIIe siècle av. J.-C.
Les vestiges de ces différentes époques ont révélé des infrastructures élaborées: habitations circulaires en torchis, bâtiments rectangulaires dotés de soubassements en pierre, dont l’architecture témoigne d’une organisation sociale avancée et d’un mode de vie sédentaire fondé sur l’agriculture et l’élevage. Les analyses archéobotaniques ont mis en évidence la culture de céréales comme l’orge et le blé, de légumineuses telles que les fèves et les pois, puis, lors de la troisième phase, l’introduction de nouvelles plantes, notamment la vigne et l’olivier. Du côté de la faune, les restes animaux indiquent une économie centrée sur l’élevage de moutons, de chèvres et de bovins, assortie d’une exploitation plus limitée du porc.
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Par ailleurs, la présence de silos creusés dans le sol atteste du stockage de denrées alimentaires, signe d’une gestion planifiée des ressources dans le temps. La découverte d’outils en pierre, de poteries façonnées à la main et de fragments métalliques révèle, elle, la maîtrise d’un savoir-faire technique déjà abouti.
Enfin, plusieurs éléments mis au jour à Kach Kouch indiquent l’existence de contacts entre différentes communautés, du bassin méditerranéen jusqu’au Sahara. Un fragment de bronze étamé, daté entre 1110 et 920 av. J.-C., constitue ainsi la plus ancienne preuve de l’usage de cet alliage en Afrique du Nord, à l’ouest de l’Égypte, et démontre l’existence d’échanges de biens et de techniques.
Cette découverte archéologique apporte un éclairage nouveau sur l’histoire des sociétés pré-phéniciennes du Maghreb, qui disposaient déjà de structures socio-économiques avancées dans cette zone du nord du Maroc, alors véritable carrefour culturel et économique, en interaction étroite avec l’Europe et le Proche-Orient.
À Sijilmassa, le Maroc médiéval mis au jour
À Sijilmassa, cité légendaire du Maroc médiéval, des fouilles archéologiques ont mis au jour des découvertes majeures qui permettent de réécrire l’histoire religieuse, urbaine et économique du Maghreb. Les archéologues ont ainsi découvert les fondations d’un complexe religieux, comprenant la plus ancienne mosquée médiévale connue à ce jour au Maroc, fondée sous le règne d’Abû al-Montasir al-Yasa’ (fin du 8ème – début du 9ème siècle), avec plusieurs niveaux de constructions dans le temps, sous les Almoravides et les Almohades (11ème et 13ème siècles) et enfin les Alaouites.
D’une surface de 2.620 m², l’édifice pouvait accueillir près de 2.600 fidèles et était paré d’ornements artisanaux. Ainsi, des fragments de plâtre sculpté, ornés de motifs géométriques, végétaux et épigraphiques ont été datés de l’époque midraride, entre le 8ème et 10ème siècles et constituent ainsi les plus anciens témoins de l’art islamique au Maroc. Datés du 18ème siècle, des centaines de fragments de bois peint, en cèdre polychrome, portant des traces de dorure à la feuille d’or (tadhhīb) ont été retrouvés dans les ruines de la médersa alaouite, et constituent la première preuve matérielle d’un décor architectural alaouite à Sijilmassa.
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Autre découverte majeure — unique au Maroc et la deuxième du genre en Afrique après celle de Tadmekka au Mali — la mise au jour d’un atelier monétaire a confirmé l’existence d’une activité de frappe à Sijilmassa. Il s’agit d’un moule en céramique en forme de «nid d’abeille», destiné à la fabrication de flans monétaires en or et encore imprégné de résidus aurifères. Cette trouvaille atteste que Sijilmassa était l’un des principaux centres de production des célèbres dinars sijilmassiens, qui jouèrent un rôle déterminant dans les échanges transsahariens.
Enfin, la découverte d’un quartier résidentiel alaouite complet, datant des 17ème et 18ème siècles, a permis de mettre au jour douze maisons organisées autour de patios — témoignant d’un urbanisme structuré — avec des pièces d’habitation, des espaces de stockage, de la vaisselle ainsi que des restes de dattes. Il s’agit de la première preuve matérielle attestant la présence ancienne des Chorfa alaouites à Sijilmassa.
La péninsule de Tanger et la vie rituelle au Néolithique
Les rites préhistoriques se dévoilent cette fois dans la péninsule de Tanger, avec la mise au jour de cimetières et de gravures vieux de près de 4000 ans, témoignant d’une vie rituelle complexe — et longtemps insoupçonnée — entre 3000 et 5000 av. J.-C. Une impressionnante diversité de pratiques funéraires anciennes a ainsi été révélée: sépultures en grottes, tombes en fosses, hypogées, tumulus et, surtout, cistes mégalithiques.
Aux abords des trois cimetières identifiés dans la péninsule tingitane, les archéologues ont également repéré des pierres de tailles diverses, dressées vers le ciel. Parmi ces sites mégalithiques, qui ont probablement servi de lieux de rassemblement ou de rituels, le plus spectaculaire est celui de Mzoura, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de l’actuelle Tanger. Il englobe au moins quatre à cinq ensembles de pierres, dont le plus vaste compte 176 blocs disposés en cercle, pouvant atteindre 5,3 mètres de hauteur. De telles configurations sont souvent interprétées comme des marqueurs territoriaux durant la Préhistoire.
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Les ossements humains mis au jour sur le site archéologique de Daroua Zaydan ont été datés au radiocarbone aux alentours de 2100 av. J.-C., confirmant l’ancienneté d’une tradition funéraire de plus de 4000 ans et sa probable origine locale.
Par ailleurs, vingt-quatre nouveaux sites d’art rupestre (peintures et gravures) ont été découverts à proximité de tombes, avec des symboles sous forme de triangles opposés l’un à l’autre, souvent interprétés comme des figures anthropomorphes, parfois féminines. On y retrouve également des compositions à points, des carrés contenant des points et des lignes, des quadrillages et des cupules proches de celles observées dans le désert du Sahara, notamment dans l’art pré-saharien et saharien. Des influences ibériques ont aussi été mises en évidence, avec la découverte de pointes de projectiles de type Palmela et de hallebardes, d’abord développées en Europe centrale puis diffusées vers l’ouest.
Autant d’éléments qui démontrent qu’entre 3000 et 500 av. J.-C., la péninsule tingitane a constitué un véritable carrefour rituel et culturel, durablement connecté à l’Ibérie, au Sahara et aux mondes atlantiques, et peuplé d’une société dynamique, dotée de croyances profondément ancrées et en interaction constante avec ses voisins.
Les nouveaux mystères de Volubilis
La cité de Volubilis n’a pas encore livré tous ses secrets, preuve en est l’exhumation d’un monument funéraire de type tumulus, qui se présente sous le forme d’un tertre de terre recouvert d’une couche de petites pierres, entouré d’un fossé circulaire d’environ quarante mètres de diamètre. Ce tumulus servait dans l’Antiquité à abriter des sépultures, souvent celles de personnages de rang élevé, et à honorer la mémoire des défunts.
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Cette nouvelle découverte témoigne de pratiques funéraires anciennes et de la diversité des traditions culturelles ayant marqué la région au cours de l’Antiquité. Il n’est toutefois pas encore possible, à ce stade des recherches, de se prononcer avec précision sur la chronologie du site.
Les origines marocaines des Egyptiens
L’une des découvertes majeures de l’année 2025 porte sur l’ADN complet d’un ancien égyptien ayant vécu il y a 4600 ans. Une équipe internationale de scientifiques a en effet réussi pour la première fois à extraire le premier génome entier de cet homme avec pour objectif d’explorer son origine génétique. Bien que la découverte de ce corps ait été faite à Nuwayrat, à 265 kilomètres au sud du Caire, en 1902, l’analyse génomique de son ADN a révélé que près de 80% de l’ascendance de l’homme provenait du Néolithique marocain.
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Des études basées sur de récentes découvertes ont, en effet, montré que le nord-ouest du Maghreb aurait pu jouer un rôle essentiel dans les développements plus larges de la Méditerranée occidentale au cours du quatrième millénaire avant J.-C. et ont abouti à la conclusion qu’il existait une civilisation nord-africaine jusqu’alors inconnue, aussi grande que Troie. Il s’agit en l’occurrence d’une ancienne société agricole, datant d’une période encore mal comprise de la Préhistoire tardive dans le nord-ouest de l’Afrique, qui réécrit l’histoire de la Méditerranée néolithique.











