Ils l’appellent «Si Kamal». Une marque de respect, qui illustre aussi toute l’admiration qu’Ayoub Elaïd et Abdelatif Mastouri vouent au réalisateur du film «Les Meutes». Et une certaine gratitude aussi, que Kamal Lazraq leur a formellement rendue en leur dédiant, sur la scène du Palais des congrès, le Prix du jury décerné à son premier long-métrage lors du 20ème Festival international du film de Marrakech (FIFM).
Les héros du film «Les meutes», déjà récompensé par le Prix du jury de la section «Un certain regard» à Cannes en mai 2023, étaient loin d’imaginer que leur vie prendrait un jour un tel virage. Eux, qui ne faisaient que vivoter dans un quartier populaire de Casablanca, ont fini par voir leur rêve se réaliser, et espèrent que cette nouvelle réalité jouera aux prolongations, le plus longtemps possible.
Snobé par une majorité de médias durant le festival, le tandem Abdelatif et Ayoub, Hassan le père et Issam le fils, a pourtant beaucoup à dire et à raconter. À commencer par ce «bel accident» qu’a été l’arrivée des deux acteurs amateurs dans le casting des «Meutes», et leur rencontre avec «Si Kamal».
«J’ai toujours voulu être acteur. Depuis tout petit, je nourrissais ce rêve», confie Ayoub Elaïd. «Ayoub et comme mon fils. Il vient souvent me voir et me raconter ses soucis, me demander conseil et j’essaie du mieux que je peux de l’aider, enchaîne la voix rauque d’Abdelatif Mastouri. Lorsqu’il m’a dit qu’il avait passé un casting et qu’il avait été accepté, je lui ai répondu qu’il n’avait rien à perdre et qu’il devait foncer».
Ayoub Elaïd allait faire plus que foncer. Il va proposer à Kamal Lazraq de prendre son ami, de 25 ans son aîné, pour le rôle de son père dans le film. «Si Kamal m’a demandé si je connaissais quelqu’un qui pourrait jouer le rôle de mon père. J’ai tout de suite pensé à Abdelatif», se rappelle-t-il, encore sous le coup de l’émotion vécue la veille lors de la présentation du film en avant-première marocaine. Sur scène, face aux membres du jury, les mots de l’un comme de l’autre étaient d’une confondante sincérité, débordant de candeur et de remerciements.
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Pour autant, les deux hommes gardent les pieds sur terre. «Les Meutes» est certes leur premier exercice de jeu, et le tout premier passage devant une caméra. Et après avoir vécu de petits boulots dans un quartier populaire de Casablanca, se retrouver quelques mois plus tard à poser devant les photocalls du Festival de Cannes ou celui de Marrakech a quelque chose d’irréel.
Abdelatif Mastouri prend la chose avec une certaine philosophie, presque comme s’il parlait d’une simple aventure, un jeu grandeur réelle. «J’ai appris en regardant des films à la télévision et au cinéma lorsque j’en avais l’occasion. Et lorsque j’ai rencontré le réalisateur autour d’un café, il m’a raconté l’histoire, j’ai tout de suite été motivé et j’ai décidé de me lancer», lance-t-il, la voix monocorde, pour conter sa mue subite en acteur.
Et s’il n’y avait rien après «Les Meutes»?
Tout à son enthousiasme, Ayoub Elaïd a un plus de mal à cacher une relative anxiété. Et si un jour, tout cela s’arrêtait? Et s’il n’y avait rien d’autre après «Les Meutes»? La question a l’effet d’une douche froide. Déstabilisé quelques instants, il se ressaisit et rétorque, avec l’emphase presque naïve de la jeunesse: «J’espère que ma carrière se fera dans l’art et dans les films. Je vais tout faire pour y arriver. J’adore le cinéma, je vous assure. Dans mon sang coule la passion pour l’acting».
Lors de notre échange avec Kamal Lazraq, ce dernier confiait avoir fait une promesse à ses deux acteurs. Se considérant investi d’une mission, il s’était engagé à leur assurer, au minimum, une continuité dans sa propre carrière, et à leur proposer d’autres rôles pour ses futurs projets. En espérant que d’autres réalisateurs, se rendant compte de leur talent, suivent son exemple. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter…