Clôturée le 31 janvier 2021, la liste des candidatures au prix Nobel de la paix n’est pas censée être rendue publique, du moins pour les 50 années à venir. Le secret des nommés à cette liste n’est pourtant pas si bien gardé, car il relève du choix de ceux qui ont proposé des candidatures de dévoiler le nom de leur favori à la presse. Ainsi donc, l’agence Reuters a été mise dans le secret des dieux et a récemment dévoilé une poignée de noms dont certains ont surpris, voire choqué beaucoup de monde.
On savait déjà que Donald Trump faisait partie des candidats, sur proposition de Christian Tybring-Gjedde, membre du parlement norvégien, qui a déposé sa candidature en invoquant l’accord de paix historique entre Israël et plusieurs pays arabes orchestré par Donald Trump. Mais depuis l’invasion du Capitole et le comportement de Trump suite à sa défaite électorale, le parlementaire norvégien a retourné sa veste, décrétant qu’il ne méritait plus de figurer parmi les nominés au Nobel de la paix.
Puis, pandémie oblige, on retrouve aussi parmi les nommés, l’Organisation mondiale de la santé, ou encore pour son combat pour la protection de l’environnement, la toute jeune Greta Thunberg. Enfin, la liberté d’expression ayant occupé une place importante dans l’actualité de l’année, Alexeï Navalny, le dissident russe, et le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, y figurent aussi.
Des choix qui ne font pas l’unanimité, car d’une part, chacun voit midi à sa porte, et, d’autre part, parce qu’il y a aussi lieu de s’interroger sur le fonctionnement de ce prix dont les candidatures soumises au comité de sélection du prix Nobel sont le fait de parlementaires, de membres d'assemblées nationales, de gouvernements, de professeurs d'université, d’anciens lauréats ou encore d’anciens conseillers de l'Institut Nobel norvégien.
Au Maroc, nous avons ainsi été surpris de compter parmi cette liste de nominés deux femmes marocaines – qui ne font jamais valoir leur marocanité soit dit en passant– et pour le moins controversées: Zineb El Rhazoui et Aminatou Haidar. Deux femmes ultra-médiatisées, certes, mais dont les noms sont, à vrai dire, difficilement associables au mot «paix».
La première, qui vit en France, a fait de la lutte contre l’islamisme et la défense de la liberté d’expression ses chevaux de bataille, en sa qualité d’ex-journaliste de la rédaction de Charlie Hebdo, et a été sacrée par les médias français défenseuse de la laïcité pour son combat contre le voile et l’islam politique. Applaudie par les uns, elle est aussi conspuée par d’autres qui lui reprochent de se faire le porte-voix de la droite fasciste, et ne lui pardonnent pas ses provocations dans les médias. Il faut dire que Zineb El Rhazoui est une habituée de propos qui, faute de répandre la paix entre les communautés, attisent au contraire les divisions et le ressentiment.
Elle avait ainsi réussi à choquer Pascal Praud (il faut le faire), animateur de l’émission L’Heure des pros sur Cnews, en appelant les policiers à tirer à balles réelles sur les délinquants de banlieue parisienne, des «barbares», selon elle, suite à des heurts entre forces de l’ordre et manifestants dans le département parisien des Yvelines.
Alors oui, on a le droit d’être choqué par la nomination de Zineb El Rhazoui au Prix Nobel de la Paix, sans pour autant devoir être taxé d’islamo-gauchiste, d’islamiste ou de détracteur de la liberté d’expression.
Quant à cette deuxième nomination, celle d’Aminatou Haidar, elle nous laisse tout aussi perplexes. Dépeinte comme une icône de la liberté, baptisée lyriquement par l’agence de presse algérienne (APS) «la Ghandi du Sahara occidental», elle est ainsi tendancieusement associée par certains à une lutte pacifique en faveur des séparatistes…
La réalité est moins reluisante. Aminatou Haidar reçoit, moyennant son activisme, une rétribution mensuelle de 1.850 euros du Polisario, comme cela a été révélé par des documents consultés par Le360. L’organisation qui la rétribue est mouillée dans plusieurs affaires sinistres: faits de torture, enlèvements, viols et séquestration. Sans parler des enfants enrôlés dans l’armée, au mépris des conventions internationales et des droits humains les plus élémentaires.
Alors oui, permettez-nous de douter de la légitimité de ce prix Nobel de la paix qui, pour rappel, avait aussi compté parmi ses «illustres» nominés le président serbe Slobodan Milosevic, plus tard jugé pour génocide, mais aussi Benito Mussolini, en 1935, à la veille de la sanglante Seconde Guerre mondiale, sur proposition d’universitaires allemands et français, ou encore de Joseph Staline, deux fois nommé, en 1945 et en 1948.
Mais la pire nomination –et la plus ingénieuse aussi– qui soit, c’est bien celle d’Adolf Hitler en 1939, sur une proposition du député suédois antifasciste Erik Brandt, qui souhaitait, avec cette scandaleuse candidature, dénoncer le fonctionnement du prix. Car comme le déclarait le secrétaire du comité Nobel, Olav Njølstad, en 2019 : «il y a tellement de personnes qui ont le droit de proposer une candidature que ce n'est pas bien compliqué d'être nominé».