«Où vivent les grands singes?», c’est la question posée dans un "exercice" de science distribué à des élèves de CM2 d’une école française de Casablanca. En guise d’illustration de ce "document pédagogique", un bonobo, un chimpanzé, un orang-outan, un gorille… et une femme, Noire. Ce qu’on attendait des élèves? Relier chaque espèce à son nom et préciser ensuite son habitat.

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Ironie de la chose, ce document, à l’origine d’une vive polémique au Maroc, a été distribué à l’école Ernest Renan, du nom de ce grand amoureux des sciences et adepte de la théorie de Charles Darwin sur la sélection naturelle et l’évolution des espèces.
Faut-il voir dans cet exercice d'une classe du cycle primaire un clin d’œil à Renan et Darwin? Bien sûr que non, c’est bien de racisme dont on parle ici, quand bien même la direction de l’établissement a préféré évoquer «une maladresse» dans un courriel dont la tiédeur ne peut que renforcer certaines de nos craintes quant à l’état d’esprit qui règne dans certaines «missions» étrangères au Maroc.
L’existence même de ce document pédagogique, qui provient d’un manuel réalisé par la Fondation de coopération scientifique La main à la pâte, créée en 2011 par l’Académie des sciences, l’Ecole normale supérieure de Paris et l’Ecole normale supérieure de Lyon, est le signe qu’il est grand temps de se pencher sur le contenu pédagogique des manuels scolaires de l’éducation nationale française, enseignés au Maroc.
Et de la même manière qu’on déboulonne des statues de personnages qui se sont illustrés pour leur racisme au temps des colonies et de l’esclavage, qu’on revisite le monde des lettres pour ne plus considérer comme des chefs d’œuvre de la littérature des romans qui ont participé à la banalisation du racisme, il convient également d’entreprendre le même exercice à l’école, en se penchant sur la formation des professeurs qui y officient, ainsi que sur le contenu pédagogique qui y est dispensé.
N’oublions pas que c’est à l’école que les enfants se frottent aux premiers stéréotypes, et qu’ils les intègrent ensuite à leur manière de penser. C’est à l’école que l’on apprend le sexisme et la sexualisation des rôles sociaux en compulsant des manuels où les femmes brillent par leur absence dans certains domaines mais sont surreprésentées dans d’autres. C’est dans ces mêmes livres, où l’homme caucasien règne encore en maître, que l’on acquiert des idées préconçues sur la diversité et les minorités. C’est enfin toujours dans ces manuels scolaires que l’on apprend l’histoire de son pays du point de vue de l’ancien colonisateur.
Le fait de payer des sommes astronomiques pour offrir une éducation à nos enfants n’est pas un gage de qualité, qu’on se le dise. Mais pour que les choses changent et que ce genre de «maladresses» ne se reproduisent plus, commençons nous-mêmes à décoloniser nos cerveaux en cessant de penser que ce que qui est étranger est forcément mieux que ce qui est marocain. Alors vivement le jour où l’éducation nationale marocaine fera enfin partie des priorités du gouvernement, pour que les écoles étrangères installées au Maroc ne soient plus considérées par beaucoup trop de parents comme la voie de l’excellence… Faute de mieux.





