Le tapis rouge du Met Gala de New York vs le dress code de Ramtane Lamamra

Photomontage. A droite, Kim Kardashian, de dos Eric Adams, maire de New York, sur le tapis rouge du Met Gala de New York et au centre Ramtane Lamamra à la grande mosquée d'Alger.

Photomontage. A droite, Kim Kardashian, de dos Eric Adams, maire de New York, sur le tapis rouge du Met Gala de New York et au centre Ramtane Lamamra à la grande mosquée d'Alger. . DR

ChroniqueRamtane Lamamra serait-il donc embarrassé par la marocanité de sa tenue et de ce fait, ne l’assumerait pas? Aurait-il ainsi tenté de masquer l’inavouable, de brouiller les pistes en endossant un habit à l’appartenance indéfinie, un objet hybride à mi-chemin entre Cro-Magnon et la moumoute esquimau?

Le 05/05/2022 à 18h34

Entre deux pénuries, quelques complots et des menaces lancées ici et là, le régime algérien et ses émissaires ont aussi brillé ces derniers jours dans un tout autre domaine: la mode.

Le 2 mai 2022, dans deux pays que tout oppose pourtant, deux grands évènements de mode ont eu lieu et ont assurément marqué d’une pierre blanche l’histoire de la mode de leurs pays respectifs, les Etats-Unis et… l’Algérie, bien sûr.

Ce jour-là, à New York, se tenait le Met Gala, l’évènement mode le plus attendu de toute l’année sur le tapis rouge où ont défilé plus de 400 célébrités répondant à la thématique de l’édition 2022 du gala: «In America: An Anthology of Fashion». L’occasion pour les stars et leurs créateurs attitrés de faire montre de leur audace, de leur talent, de leur glamour… Mais Kim Kardashian, ses sept kilos en moins et sa robe empruntée à Marylin Monroe pour l’occasion, n’avait qu’à bien se tenir ce jour-là, car face à elle, un nouveau venu dans le circuit, un outsider redoutable que personne n’avait vu venir: Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères. Et comme on dit aujourd’hui, «T’es pas prêt pour ça!».

Exit le tapis rouge du Met, direction la mosquée d’Alger, pas celle qu’a bâti Bouteflika pour plus de 3 milliards de dollars et qui reste mystérieusement fermée après une inauguration timide. Non, l’ancienne mosquée d’Alger, à taille humaine, où en ce 2 mai, se déroulait la prière de Aïd al-Fitr en présence de notre homme. Ce jour-là, la traditionnelle gandoura blanche assortie de son selham est de mise. Ici et là un tarbouche, une djellaba, un burnous… Un vestiaire somme toute très marocain, enfin si ce n’est en Algérie, berceau bien connu de l’humanité, où on pratique la réappropriation culturelle, surtout quand la culture est marocaine, comme un sport national. Ici donc, on considère que ce vestiaire-là est algérien, comme tout ce qui est beau et bon et qu’on retrouve chez le voisin.

Mais sur la photo de groupe prise ce jour à la mosquée, un homme se démarquait pourtant et ne semblait pas adhérer à cette logique et encore moins prêter son flanc à une quelconque assimilation à la culture marocaine: le chef de la diplomatie algérienne. Prenant le contre-pied de ses voisins de tapis de prière, l’homme a innové, n’hésitant pas à briser les codes de la mode –Anna Wintour n’a qu’à bien se tenir elle aussi– en enfilant par-dessus son kamiss blanc, un habit… comment dire… un manteau avec capuche… une chose… Bref, un pardessus indéfinissable, aussi marron qu’une terre aride, aussi informe que difforme, avec en guise de fermoirs des petites cornes ou plutôt des mini-défenses peinant à contenir l'embonpoint du porteur.

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Que s’est-il passé ce jour-là? Ramtane Lamamra aurait-il oublié de laisser son pardessus au vestiaire avec ses babouches (et ses chaussettes aussi d’ailleurs)? A moins qu’il ne faille voir dans ce dress code, une entorse effrontée à la règle du «ce qui est à eux est à nous»? Lamamra serait-il donc embarrassé par la marocanité de sa tenue et de ce fait, ne l’assumerait pas? Aurait-il ainsi tenté de masquer l’inavouable, de brouiller les pistes en endossant un habit à l’appartenance indéfinie, un objet hybride à mi-chemin entre Cro-Magnon et la moumoute esquimau? Aurait-il peur d’embarquer pour un aller sans retour sur Air Algérie en compagnie de la directrice marketing de la compagnie qui avait vanté les charmes marocains de Tlemcen? Autant de questions qui nous taraudent et qui nous font voir une autre facette du ministre algérien, celle d’un homme de défi, prêt à jouer la carte de la monstruosité comme on mouille sa chemise, pour affirmer ses convictions par l’habit. «Le style, c’est l’homme», aimait à répéter feu Hassan II… Il ne croyait pas si bien dire.

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Car pour Lamamra, pas besoin de porter une veste à message comme le maire de New York au Met Gala pour mieux se faire comprendre. Ainsi, quand Eric Adams croit bon de porter une veste sur le dos de laquelle est imprimée l’inscription «end gun violence» pour mieux se faire comprendre, Lamamra lui, ose la superposition, l’over size et la ugly fashion comme message politique.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 05/05/2022 à 18h34