La mort du petit Adnane a bouleversé le Maroc. Depuis sa disparation il y a quelques jours, nous retenions tous notre souffle, priant pour son salut, croisant les doigts pour qu’un happy end mette un point final à cette histoire.
Malheureusement, le pire qui puisse être imaginé est arrivé, et se glisser ne serait-ce quelques secondes dans la peau de ses parents et de ses proches, s’avère insurmontable, atroce.
L’espoir de le retrouver sain et sauf a laissé place à la stupeur, la colère, la rage, la tristesse, et la soif de vengeance. Partout sur la toile marocaine, des appels à la peine de mort pour mettre hors d’état de nuire le monstre qui a commis cette abomination.
Pédophile et assassin, cet homme mérite-t-il de vivre, lui a qui ôté la vie de la plus abjecte des façons? La mort ne serait-elle pas au contraire une délivrance trop douce et rapide? Ne basculons-nous pas nous-mêmes dans la même barbarie en optant pour la peine de mort car in fine, tuer un autre humain ne nous déleste-t-il pas d’une part de notre propre humanité?
Que de questionnements pour être en accord avec notre conscience et juger un homme qui, lui, n’en a pas.
Mais si mettre d’accord tout le monde sur la question de la peine de mort serait irréaliste, la mort du petit Adnane ne saurait, quant à elle, rester vaine.
Car samedi soir, déjà, dans cette même ville de Tanger, dans ce même quartier de BeniMakada, un homme de 36 ans a été interpellé, les bras de chargés de cadeaux dans un parc alors qu’il avait rendez-vous avec un enfant de 11 ans. A quelques jours près, cet enfant a échappé au pire. Mais qu’en sera-t-il du prochain ?
Que pouvons-nous faire, chacun à notre niveau, pour éviter de telles atrocités à nos enfants?
En tant que parents, il est indispensable que nous prenions conscience que la rue n’est pas une prolongation de la maison et encore moins un espace de jeu pour nos enfants. Il est aussi essentiel de leur apprendre à se méfier de tout le monde dans un pays où on nous apprend dès notre plus jeune âge à appeler «âami», «khalti», «khouya» et «khti», de purs étrangers. Il est aussi primordial que nous mesurions le danger des réseaux sociaux afin de mieux sensibiliser nos enfants. Ça, c’est le moins que l’on puisse faire.
Qu’en est-il de l’Etat? Comment nos enfants sont-ils protégés par leur pays et le sont-ils vraiment, quand des violeurs écopent de peines trop légères de prison pour viols sur mineurs?
En 2019, ce père de famille qui a violé ses deux enfants a purgé une peine de 7 ans de prison. Cet autre homme a écopé de neuf ans pour le viol d’un mineur pendant trois années, et celui là encore, de huit ans, pour le viol de quatre fillettes. Pourquoi des peines aussi légères quand la loi prévoit pourtant jusqu’à 30 ans de prison pour une agression sexuelle contre un mineur? Comment se fait-il aussi que la peine appliquée à un violeur ne tienne pas compte du nombre de ses victimes?
Que se passe-t-il ensuite quand ces violeurs, trop vite libérés, sont remis en liberté dans la nature? Sont-ils seulement signalés à leur voisinage? La réponse est non. Idem pour la castration chimique, qui ne semble même pas être envisagée.
Cette légèreté avec laquelle sont traitées les affaires de viol est tout bonnement intolérable. Il y a quelques années, en 2013, une étude menée par l’association «Touche pas à mon enfant» révélait qu’une moyenne de 71 enfants par jour étaient violés au Maroc. Ça fait 26.000 enfants par an. Et ça, ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Nous-mêmes, connaissons tous autour de nous des personnes ayant subi cela étant enfant, quand ce n’est pas nous-mêmes qui en avons été victimes. Les attouchement et viols d’enfants sont d’une banalité consternante au Maroc. C’est un fait et ça fait partie de la norme.
Alors qu’attend-on pour prendre la question de la pédocriminalité au sérieux en commençant par considérer qu’un violeur est un criminel, et que s’il a commis un viol, il pourra commettre sans nul doute un meurtre? Car violer n’est pas un accident, une erreur malencontreuse, un acte qu’on commet parce qu’on était dans une mauvaise passe. Un acte qu’on peut même effacer de l’ardoise en proposant d’échapper à la prison en contrepartie d’un mariage avec la victime. C’est une abomination, qui doit être considérée en tant que telle par la loi et la société.