La règle consistant à évaluer l'action des 100 premiers jours d'un gouvernement a été adoptée dans la plupart de démocraties occidentales tout en revêtant un caractère de plus en plus symbolique, la durée étant trop courte pour permettre un jugement pertinent.
En prenant quelques libertés avec les délais, les 100 jours n’ayant pas été totalement consommés, on peut se livrer à un exercice similaire avec le gouvernement actuel.
Le chef de la majorité tripartie s’était engagé à introduire des changements de qualité dans la conduite de l’exécutif, sur de meilleurs résultats économiques et davantage de réactivité et d’innovation.
Le leadership dans la conduite de l’ancienne équipe gouvernementale posait problème, avec la team Aziz Akhannouch on s’attendait à son dépassement. Cela a été le cas. Un pacte de majorité a été signé et les voix dissonantes se sont raréfiées. L’équipe est convenablement gérée, cohérente, à part quelques sorties burlesques du ministre Ouahbi, le chef jouit du respect de ses pairs.
Le leadership a un deuxième volet, le politique, après le gestionnaire, à savoir la capacité à valoriser, porter, expliquer et convaincre l’opinion publique de l’utilité des grands chantiers gouvernementaux. Manifestement ici, il y a un déficit. Une meilleure communication et des rapports plus directs et fluides avec les relais d’opinion, surtout la presse, sont déterminants.
Trois chantiers sont insuffisamment valorisés, bien que porteurs de grandes ambitions.
La mise en œuvre de l’Etat social, grand projet de société qui a reçu un début d’accueil plus que positif de la part de la population qui demande une implication plus forte de l’Etat dans la société et l’économie. Les gens ont besoin d’aides et les nouvelles missions de l’Etat vont accroître la cohésion sociale.
Le succès de la campagne de vaccination qui a prémuni notre population des hécatombes qui arrivent ailleurs et devrait être perçue comme une performance et une chance pour un pays disposant de peu de moyens, comme le nôtre.
Les progrès réalisés dans l’efficacité énergétique doivent être mieux valorisés pour servir d’attrait aux immenses investissements internationaux en cours.
Toujours sur la forme, ce gouvernement a eu son lot de couacs: la démission surprise de la ministre de la Santé, la gestion désordonnée de la communication sur l’épidémie Covid-19, le retrait du projet de réforme du Code pénal.
Dans le domaine économique la coalition gouvernementale n’a pas innové au niveau du Projet de Loi des Finances, privilégiant la prudence pour sa première année de mandat. Cela peut étonner de la part du RNI, son leader, qui était partie prenante de la gestion précédente et était censé bien en maîtriser les rouages. Se fixer comme objectif un taux de croissance de 3.2% a douché pas mal d’ardeurs. Si nous voulons nous placer parmi les pays émergents, nous devons viser des paliers de croissance de 6 et 7%.
D’autres décisions et déclarations à caractère économique n’ont pas manqué de susciter l’intérêt: le remboursement de 13 milliards de DH de crédits de la TVA aux entreprises privées, l'appel du pied à ces mêmes entreprises et à certaines corporations (avocats) de s’acquitter convenablement de leurs impôts.
Le monde connaît une redistribution des cartes au niveau de la production industrielle, qu’en est-il du nouveau rôle de l’Etat stratège? Nous avons un écosystème automobile très compétitif. Pourquoi la Turquie et le Mexique exportent plus que nous dans ce secteur? Le Mexique tout en étant moins compétitif fait presque cinq fois notre export (40 milliards de $).
Notre secteur textile est même menacé dans sa survie dans les prochaines années, s’il persiste à refuser de s’organiser en filière.
Avons-nous en projet la création de nouveaux écosystèmes dans d’autres secteurs? Quel est notre niveau de préparation dans l’industrie 4.0?
Le sentiment qui se dégage du suivi de ces 100 jours, ou presque, de l’activité gouvernementale est un certain manque d’ambition. Mis à part le lancement du chantier de l’Etat social et les succès de la gestion de l’épidémie Covid-19 qui sont plutôt à mettre au crédit de l’Etat, le gouvernement peine à innover et s’inscrit plutôt dans la continuité d’une gestion qui n’intègre pas les nouveautés nationales et mondiales.
Les acquis diplomatiques récents du Maroc, ses nouvelles alliances, ses succès dans la gestion de l’épidémie Covid-19 qui lui donnent une image meilleure à l’extérieur, n’ont pas été capitalisés pour créer une dynamique attractive d’investissements privés internes et surtout externes.
Il n’est pas trop tard pour se redéployer.