Nous avons appris des crises précédentes. Comment les identifier, suivre leur développement, gérer sereinement et détermination les éventuelles désorganisations qu’elles provoquent, mettre en place les remèdes adaptés et la communication appropriée, pour bien négocier in fine leur sortie.
Le 16 février dernier en recevant, le même jour, le chef du Gouvernement pour deux séances de travail, l’une consacrée au plan de lutte contre la sécheresse et l’autre à la nouvelle charte de l’investissement, le Roi Mohammed VI a marqué, selon notre lecture, une nouvelle exigence.
La nécessaire concomitance entre la lutte contre les crises, appelées à devenir récurrentes pour certaines, et la mise en place des éléments de leur dépassement: la promotion de l’investissement, de la création de richesses et leur corollaire le développement.
Le gouvernement est ainsi invité à jouer, sans tomber dans le simplisme, à la fois le rôle du pompier et du bâtisseur. C’est difficile quand il y a urgence et la pression de gens dans le besoin. Il faut disposer du recul et de la vision pour mener les deux missions de concert. De la conviction aussi pour qu’à moyen terme, avec une politique proactive, le bâtisseur prenne le dessus sur le pompier.
Focalisons dans ce papier sur un cas. Ce n’est pas la première fois que le Maroc connaît une année de sécheresse. Cela a été suffisamment rappelé. Il y a une baisse tendancielle des précipitations depuis le début des années 70. Depuis deux décades, les années de sécheresses deviennent récurrentes et se rapprochent. Pis encore, à moins d’une intervention de la Providence, d’après les prévisions disponibles, nous sommes appelés à connaître une longue période de faibles taux de précipitations, surtout dans les zones non irriguées.
Faut-il se mettre dans la posture de celui qui va attendre le début de chaque saison et les pluies de printemps pour faire ses comptes? Allons-nous nous contenter de faire du périmètre agricole non irrigué le bénéficiaire par intermittence des aides publiques pour assurer sa survie au lieu de mettre en place des solutions alternatives? Ne faut-il pas prendre acte de la nouvelle donne climatique et procéder aux nécessaires réajustements structurels?
Celui qui suit la politique agricole au Maroc, ne peut être que reconnaissant de l’effort accompli: politique des barrages, équipement de vastes périmètres de systèmes d’irrigations modernes, développement de la recherche et de nouvelles cultures, production de qualité vendue sur le marché local et à l’international, ressources humaines formées et en nombre. Toutefois, malgré ces efforts, c’est un secteur qui ne contribue en moyenne qu’à hauteur de 15% à la richesse produite par le pays annuellement (PIB), alors qu’il occupe 35% de la population. Ce déséquilibre explique l’exode rural élevé.
La réflexion sur la manière de faire face à la sécheresse et de manière globale à la rareté de l’eau au Maroc été déjà entamée. Elle est le produit de différents départements ministériels, instituts de recherche et autres sources, il appartient au gouvernement de mettre le tout en harmonie, l’enrichir et à mettre en place les plans d’action.
Le Maroc se rapproche dangereusement d’une situation de stress hydrique, la mise en place d’une politique d’économie et de production de l’eau s’impose dans le milieu urbain et surtout dans le milieu rural, principal consommateur. Le recours à des cultures moins exigeantes en eau, que ce soit dans les périmètres non irrigués ou irrigués tombe sous le sens. Il y a des expériences développées dans d’autres pays, notamment au Moyen Orient, qu’il est désormais possible de mettre à profit. Nous sommes appelés à produire mieux avec moins d’eau. Nos infrastructures et nos ressources humaines permettent une reconversion rapide.
L’ambitieux programme de mise en valeur des territoires que porte la régionalisation avancée prôné par l’Etat doit être poursuivi et accéléré en milieu rural. Les efforts réalisés au niveau des routes et de l’électrification doivent être complétés par un assainissement du foncier, l’encouragement à la valorisation de la production locale, l’artisanat, l’économie sociale et le tourisme rural. Si la mise en branle de ces initiatives peut aider à suppléer le manque à gagner causé par la sécheresse et contribuer à sédentariser une partie de la population rurale, cela reste insuffisant. Il faut aussi réfléchir aux activités économiques alternatives capables de résorber la demande d’emplois qui va arriver dans les villes.
L’industrie et les services sont appelés au renfort. La charte d’investissement projetée avec les incitations sectorielles et territoriales qu’elle met en avant, son appel du pied à l’investissement privé national et étranger, l’implication du secteur financier est un outil entre les mains du bâtisseur.
Transformer les crises en opportunités en proposant des solutions innovantes, en ouvrant d’autres horizons, voilà ce qui est attendu du gouvernement.