Un chef d’Etat, un président de la République élu au suffrage universel, peut-il, a-t-il le droit de parler comme n’importe qui?
Le chef est, en principe, celui qui a été choisi par une majorité pour être le meilleur de tous, ayant toutes ou presque toutes les qualités, ayant une vision haute et qui dessine les grandes voies pour développer le pays, pour assurer au peuple sécurité et prospérité. Il est là pour servir ce peuple, pas pour le maltraiter. C’est le principe même de la démocratie.
En face du chef, une opposition s’organise. Un pays sans partis d’opposition est une dictature. S’opposer c’est réagir chaque fois que le chef ou sa majorité dérape ou prend une direction jugée mauvaise.
C’est pour cela que depuis quelques jours, toute la presse française et au-delà se demande: «un président a-t-il le droit de dire ça?».
Le «ça», c’est le verbe emmerder. Très courant dans le langage populaire, assez significatif, sans portée dramatique, il s’est banalisé depuis longtemps. C’est Victor Hugo qui, sans le nommer, écrit dans Les Misérables: «dire ce mot, et mourir ensuite, quoi de plus grand? (…) Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre». Oui, mais Hugo parle du simple soldat, pas du général d’armée.
Ce qui pose problème, c’est qu’Emmanuel Macron, a utilisé ce mot à dessein. Il ne le lui a pas échappé. C’est au cours d’une interview donnée au journal populaire Le Parisien qu’il s’est exprimé ainsi, interview qu’il a relue avant publication, lui et ses conseillers. Depuis, il assume cette expression en toute clarté.
Donc, Macron pense qu’il faut utiliser le langage vulgaire pour toucher le peuple. C’est une démarche politique qui s’appelle le populisme.
Ce ne fut pas le cas de Nicolas Sarkozy qui, insulté par un adolescent de la banlieue, lui a répondu sur le champ par «Pauvre con». Il ne l’avait pas préparé. Sarkozy avait réagi d’instinct. Il l’a regretté. Cette insulte le poursuit jusqu’à aujourd’hui et Macron n’échappera pas à cette casserole langagière.
La presse rappelle dans son ensemble la phrase de Georges Pompidou qui, dans une note confidentielle, avait écrit, pour répondre à une proposition d’un de ses conseillers: «il ne faut pas emmerder les Français». Ça, c’est autre chose. Ce n’est pas une déclaration publique. Et puis Pompidou défend les citoyens, prend leur parti contre l’administration.
Cela étant, est-ce que la sortie de Macron a eu quelque efficacité? Aucune.
Aurait-il dit «je ferai tout pour convaincre les non-vaccinés de se laisser se vacciner…», peut-être certains l’auraient entendu, ou même «les opposants au vaccin nous emmerdent…».
Il aurait même utilisé la mort des frères Bogdanov, assez populaires dans les médias, pour démontrer que refuser de se faire vacciner entraîne dans certains cas la mort et l’engorgement des hôpitaux. Les jumeaux sont morts l’un après l’autre, victimes de leur entêtement à ne pas recevoir un vaccin. Le pire c’est qu’ils se disaient «scientifiques».
Mais Macron pense être plus malin que tout le monde. Il manque de recul, il manque d’expérience de vie avec ses épreuves, ses difficultés quotidiennes. De la fac il est passé à la banque Rothschild, de là, à l’Elysée en tant second secrétaire général puis ministre de l’Economie, et de là de simple ministre il est devenu président de la République. Pas le temps de vivre et de se frotter contre la réalité avec tout ce qu’elle comporte comme épreuves.
La campagne électorale a commencé il y a quelques mois quand il a décidé de punir les citoyens maghrébins en réduisant de moitié la délivrance des visas pour la France. Il a envoyé là un message à Marine Le Pen et à Eric Zemmour, obsédés par l’entrée en France des étrangers.
Aujourd’hui, il veut faire «peuple». Malheureux! A voir, à lire et écouter les commentaires, il a donné à tout le monde une bonne occasion pour se faire taper dessus. Masochiste? Peut-être? Maladroit, c’est sûr.
On ne voit pas Mitterrand, ni Chirac ni Giscard parler ainsi. Ils avaient une haute idée de la fonction et pesaient chaque mot avant de le prononcer surtout dans un entretien avec la presse. Ce qui ne les empêchait pas de préparer quelques expressions assassines comme «vous n’avez pas le monopole du cœur, Monsieur le Président», phrase dite par Giscard face à Mitterrand, lequel a dit de celui-ci: «vous n’êtes pas un homme du passé, vous êtes un homme du passif». Ces piques, ont été préparées et dites au bon moment.
Macron cherche à impressionner avec des mots qui l’aideraient à se faire réélire.
La campagne nous réserve d’autres surprises. Je sais qu’une partie de nos citoyens suit les informations françaises avec grand intérêt. Zemmour les énerve, Marine Le Pen les agace, les écolos les indiffèrent, et Macron les inquiète.
Une chose est sûre: quel que soit le prochain président, il ou elle ne reconnaîtra pas la souveraineté marocaine sur le Sahara. L’Algérie les culpabilise assez pour ne pas la chagriner. C’est un vieux dossier. Et ce n’est pas demain que la France changera de position.