Pouvoir d’achat

Famille Ben Jelloun

ChroniqueIl me semble que seul Sa Majesté le Roi pense à cette population qui vit mal. Lui, donne les directives, a une vision d’avenir, trace les grandes lignes qui, si elles sont suivies, pourraient changer quelque chose dans la vie de gens sans grandes ressources.

Le 01/08/2022 à 11h01

J’apprends que, selon l’Organisation internationale du travail, «le Maroc détient le salaire minimum le plus élevé d’Afrique du Nord», soit la somme de 2698 Dirhams mensuel.

L’année dernière le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) était de 1793 DH. Il a été ainsi augmenté d’une manière significative.

Mais quel pouvoir d’achat ce Smig donne aux citoyens les plus démunis, surtout quand ils habitent des grandes villes comme Casa, Tanger ou Marrakech ?

Le Maroc ne peut pas se comparer dans ce domaine aux pays européens où le Smig est de 1584 euros en Allemagne, 1539 euros en France et de 1090 euros en Espagne.

Pourtant, quand on voit affiché le prix du litre d’essence, on se frotte les yeux et on se dit «je suis à Berlin ou à Paris?»

En France, le litre d’essence tourne autour de 20 DH (1,80 euros). Chez nous, il est en moyenne de 16 DH (1,50 euros).

On peut continuer ce petit jeu de comparaison et on arrive à un constat consternant: le pouvoir d’achat du citoyen marocain est des plus faibles de la région.

Mais le Marocain se débrouille. L’informel, les astuces, l’absence de TVA, viennent au secours du consommateur.

La vie est devenue tellement chère qu’on ne parle que de cela.

C’est quoi la «vie chère»? C’est le rapport entre ce qu’on gagne et l’argent dont on dispose pour acheter les produits de première nécessité.

Les disparités et les inégalités sont flagrantes. Une personne née avec une cuiller en argent dans la bouche, comme on dit, ne peut se rendre compte de ce qu'il se passe dans la vie réelle.

Cependant la minorité très riche vit dans le plus beau pays du monde sans jamais côtoyer celles et ceux qui triment quotidiennement pour joindre les deux bouts. Une majorité de cette minorité emploie des femmes de ménage et d’autres employés de maison, souvent payés au lance-pierre.

Je ne sais pas ce que font les partis politiques ni les syndicats.

Je me demande qui, dans ce pays, parle pour «les sans-dents» d’après une formule restée célèbre de François Hollande?

Qui les défend? Qui se soucie de leur vie?

Il me semble que seul Sa Majesté le Roi pense à cette population qui vit mal. Lui, donne les directives, a une vision d’avenir, trace les grandes lignes qui, si elles sont suivies, pourraient changer quelque chose dans la vie de gens sans grandes ressources.

Reste le cas étrange du chef du gouvernement. C’est un homme d’affaires mais aussi le maire d’Agadir et le chef de la coalition gouvernementale. C’est un surhomme. Dans un pays où la normalité est la règle, il aurait tout abandonné pour se consacrer entièrement à sa fonction de dirigeant du gouvernement. Etre à la tête d’un gouvernement est une tâche immense. Vingt-quatre heures ne suffiraient pas à tout faire. Alors, pourquoi ce cumul?

Je n’ai rien contre M. Akhannouch. Je le trouve même sympathique, et je m’étais réjoui de le voir accéder à ce département. Presque un an depuis, j’avoue que je suis déçu, et je ne suis pas le seul.

Un geste simple lui aurait donné une bonne popularité. Tout le monde sait qu’il possède plusieurs stations d’essence dans tout le pays. Pourquoi ne pas renoncer durant un temps à sa marge pour faire baisser le prix du litre d’essence? Cela ne le ruinerait pas. Pourtant, il ne le fait pas.

Nous avons un bon gouvernement où des ministres travaillent d’arrache-pied. Je pense à l’excellent Chakib Benmoussa qui a en charge le ministère le plus difficile. Il met toute son énergie, sa volonté et son intelligence à réformer l’éducation nationale. Je pense à Nasser Bourita et à bien d’autres. Mais il manque à ce gouvernement une percée du réel.

Le pouvoir d’achat a été un thème essentiel durant la campagne présidentielle en France. C’est que tout le monde s’inquiète de la hausse des prix, jusqu’à l’Assemblée nationale, qui s’apprête à voter une loi pour le pouvoir d’achat.

Je sais qu’au Maroc, certains produits sont subventionnés. Or, l’Etat ne détient pas un argent infini. Pourquoi ne pas se tourner vers ceux qui se sont bien enrichis grâce à la bonté de cette terre marocaine pour aider le pays à soulager les familles pauvres ou modestes en les aidant directement?

Il y a tant à faire pour bloquer la violence qui est en train de monter dans le pays, à cause de la cherté de la vie. Il ne faut pas sous-estimer la colère et ses conséquences.

Le litre d’essence à 16,68 DH est un fait inadmissible. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les consommateurs que j’ai entendus un peu partout. Pendant ce temps-là, les trois partis de la coalition gouvernementale se disent «très satisfaits» des réalisations et chantiers menés par l’exécutif. Ils sont contents. Ils devraient relire le dernier discours de Sa Majesté. 

Par Tahar Ben Jelloun
Le 01/08/2022 à 11h01