La crise diplomatique actuelle entre le Maroc et l’Allemagne n’est pas une surprise. Les relations entre les deux pays sont marquées par une méconnaissance mutuelle. Le Maroc est, depuis toujours, focalisé sur la France et l’Espagne. Pourtant, les négociations sur divers sujets avec l’Union européenne lui ont démontré qu’il fallait diversifier ses liens et ses intérêts et ne pas négliger le puissant partenaire allemand.
La communauté marocaine vivant et travaillant en Allemagne est assez importante. La plupart de ces immigrés sont originaires du nord. De retour au pays pour les vacances d’été, ils dressent souvent un portrait de ce pays plus favorable que celui de la France.
Il y a quelques années, le ministre des MRE avait organisé deux journées d’étude et de connaissance du Maroc en direction du public allemand. Je me souviens avoir participé à ces manifestations avec mon ami Fouad Laroui. C’était une bonne initiative. Se faire mieux connaître dans un esprit de coopération et d’entente.
A ma connaissance, ce genre de manifestation ne s’est pas renouvelé. Pourtant c’était une bonne initiative. Malheureusement le ministre de l’époque n’a pas été reconduit dans le nouveau gouvernement et ce genre de projet a été, de fait, abandonné.
Il m’est arrivé d’écrire des articles dans le grand journal Die Zeit. Le rédacteur en chef me disait que le grand public allemand ne connaît pas grand-chose sur le Maroc, sur sa culture et sa civilisation. Les Allemands sont connus pour apprécier le soleil d’Agadir, mais ne vont pas au-delà. Ce tourisme-là a été florissant jusqu’à l’apparition du virus.
Il m’est arrivé de faire plusieurs fois une tournée de lecture après la parution d’un de mes livres traduit en allemand. Ce que je remarquais lors de ces rencontres avec les lecteurs, c’est l’ignorance de ce qu’est le Maroc, son histoire, ses problèmes, notamment le tracé de ses frontières.
Il a fallu qu’un lobby bien payé défende les thèses des séparatistes pour qu’un land fête l’anniversaire d’une république fantôme. D’où la colère de Bourita. Il a été surpris. Pas moi.
Je sais combien notre diplomatie travaille tout le temps et en profondeur afin d’expliquer la légitimité du Maroc à sauvegarder son intégrité territoriale.
Expliquer n’est peut-être pas suffisant. Encore faut-il convaincre l’interlocuteur et détruire les raisons avancées par le lobby anti-marocain. Ce travail-là, devrait se faire en amont, dans une discrétion subtile et rigoureuse.
L’Allemagne est divisée en lands. Le fait que ce soit le parlement régional de Brème qui, le 27 février dernier a fait hisser le drapeau de la Rasd, ne veut pas dire qu’il a agi sous les ordres de Mme Merkel. Les lands sont indépendants. Et puis, l’affaire du Sahara n’est pas centrale dans les préoccupations allemandes. La position officielle de ce pays consiste à défendre «le principe de l’autodétermination des Sahraouis». L’Algérie n’est pas un partenaire de premier plan. Ce qui motive de manière très forte les Allemands, c’est la défense d’Israël. Aucune critique de cet Etat n’est permise dans la presse. Elle est considérée comme de l’antisémitisme.
Cependant, le fait que Washington ait reconnu la marocanité du Sahara a dû certainement déplaire au gouvernement de Mme Merkel. C’est Berlin qui, ne l’oublions pas, a suscité une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour étudier le geste américain. On ne peut pas dire que cela partait d’une bonne intention.
La diplomatie marocaine est censée être au courant de ces comportements qui, sur le fond, nuisent au Maroc. D’où l’urgence de repenser la méthode utilisée jusqu’à présent pour convaincre ceux qui sont mal renseignés quant à l’importance pour le Maroc de consolider son intégrité territoriale. Ce n’est pas parce que le Maroc a raison que les autres l’approuvent et le comprennent. Besoin d’une nouvelle pédagogie pour contrer les contre-vérités des ennemis du Maroc. La tâche est immense. Il vaut mieux le savoir et se remettre au travail.
Dans son célèbre essai sur l’Orientalisme, le Palestinien Edward Said, fait remarquer que les intellectuels allemands ne se sont pas beaucoup intéressés à la culture et civilisation de l’Orient. Selon lui, «l’Orient n’aurait jamais représenté un projet véritable tel qu’il l’a été pour les voyageurs, diplomates et responsables politiques de France et de Grande Bretagne». Une raison de plus pour inciter les Allemands à mieux connaître les peuples et leurs mentalités issus de l’Orient musulman. Vaste programme, certes, mais il n’est pas trop tard pour mieux faire connaissance.