Au moment où notre pays se dote d’un gouvernement digne de ce nom, au moment où le Parlement ouvre ses portes pour une législature des temps nouveaux, débarrassés d’un parti qui a fait perdre dix ans au pays, un homme de qualité, un patriote, un ami, est emporté par le Covid.
Abdelkader Mesnaoui était un grand professionnel. La presse a été unanime pour vanter ses qualités dans la profession de la comptabilité et de l’audit. Mais sa vie ne se limitait pas à son travail. Il était curieux des autres, curieux des autres cultures, des expériences des pays semblables, proches ou lointains. La chose politique ne l’intéressait pas, il s’y tenait à l’écart, se sentant plus utile en travaillant avec rigueur et exigence.
Je l’ai rencontré grâce à son épouse, Amina, l’exceptionnelle libraire d’Anfa, celle qui milite depuis des décennies pour la lecture et se dépense sans compter pour faire circuler le livre dans les foyers, dans les écoles, partout où elle peut intervenir.
Couple idéal, basé sur le respect et la confiance. Leur maison a été toujours ouverte pour accueillir des écrivains, des penseurs, des artistes. On y est bien, se sentant dans une famille où le dialogue est possible et même enrichissant. La maison Mesnaoui, c’est un centre culturel sans affiche ni pancarte. Un lieu de rencontres et de débats.
A chaque fois que je venais présenter un de mes ouvrages chez Amina, je voyais Abdelkader et nous discutions de l’avenir de notre pays. Patriote sincère et passionné, Abdelkader avait une vision claire et précise des potentialités du Maroc. De par ses études en Europe, ses voyages, sa curiosité toujours en éveil, il avait acquis une culture éclectique.
Cet homme de culture ne se faisait pas d’illusion sur certains politiques. Mais il avait une certitude: le Maroc est solide, fort et déterminé. Il s’en sortira. Il avait des projets d’aventure intellectuelle, artistique.
Un aspect me rapprochait en particulier de cet homme: son intérêt pour la spiritualité. Il avait de l’islam une vision dominée par son esprit supérieur, celui des grands poètes mystiques qui ont célébré, chanté et magnifié cette religion, une religion qui n’a rien à voir avec des interprétations littérales et caricaturales. Il souffrait de voir l’islam réduit à un programme politique et idéologique indigne de ses valeurs fondamentales. Il a pu assister à la débâcle du parti islamiste dont l’incompétence n’a d’égale que sa prétention.
Cette foi en la spiritualité l’a aidé à supporter des épreuves dures comme le décès subit d’un de ses fils. Contre le Covid, il a lutté, puis le virus l’a remporté.
C’était un homme courtois, souriant, apaisé et apaisant. Il me manque et manquera à une jeunesse avide de projets et d’ambition.