La virilité n’est pas qu’une affaire d’hommes!

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ChroniqueVirilité, machisme, patriarcat... Souvent, ces mots sont galvaudés par un usage inapproprié, voire exagéré, faisant d'eux carrément des synonymes, ou presque.

Le 01/12/2022 à 11h01

Il se trouve toutefois que l’étymologie nous apprend, entre autres choses, que chaque mot a une racine, qui permet de restituer le sens originel, nous permettant de mettre de l’ordre là où l’idéologie a semé le désordre et la confusion.

Car, contrairement aux apparences, les wokistes et les réactionnaires de tous bords, loin de s’opposer, se rejoignent pleinement dans la définition du phénomène, mais en se scindant en «pour» et «contre».

Parlons dans le cadre de cette chronique uniquement du concept de «virilité».

Pour ces deux groupes, l’homme revendique la virilité comme étant un droit inné ou congénital, lui permettant de prétendre à une prééminence «de facto» et dans certains cas «de jure» face à la femme. De ce fait, il revendique un droit qui va du commandement à la violence prétendument légitime pour certains, et ce, peu importe son QI, son courage ou sa verticalité morale.

Les wokistes veulent déconstruire ce concept, là où les réactionnaires veulent le restaurer. 

Et si ces concepts, notamment celui de la virilité, voulaient dire autre chose que la caricature qu’on en fait? Et si la virilité était autant masculine que féminine?

Un changement de perspective dont les conséquences méritent qu’on s’y attarde un peu.

Premièrement, «virilité» dérive étymologiquement de la racine latine «vir», dont procède d’ailleurs aussi le terme «vertu».

Un homme viril du point de vue romain originel désigne celui qui, armé de la raison (ratio en latin et logos en grec), est capable de dompter ses émotions par ses vertus et de garder son sang-froid peu importe l’adversité.

Dans nos contrées, c’est tout le contraire. En témoignent des scènes de rue que vous avez tous vues, où deux hommes, qui s’affrontent, mettent un point d’honneur à crier de manière hystérique des jurons de toutes sortes et à gesticuler avec leurs bras jusqu’à déchirer leur T-shirt, tout en prononçant cette célèbre phrase «cheddouni ‘alih» (retenez-moi ou je fais un malheur!).

Cette mise en scène peut être qualifiée de théâtrale, d’hystérique, de ce que vous voulez, elle ne peut aucunement être qualifiée de «virile». C’est, tout du moins du point de vue de l’origine étymologique romaine du terme, tout le contraire.

D’ailleurs, même le terme arabe «roujoula » renvoie au fond à la même conception. Le mot «rajoul» désigne tout simplement la dimension bipède de l'homme. Quant à l’impératif «tarajal» ou «trajal» en dialecte marocain, il est utilisé en guise de défi voulant dire dans l’esprit de celui qui le profère: «sois un homme». Or là encore, le sens étymologique est très différent du sens commun. Car historiquement, «tarajal» est adressé par un combattant à pied à un autre qui a l’avantage d’être à cheval.

Autrement dit, descends et combats-moi à armes et à conditions égales. «Sois courageux» paraît donc plus pertinent comme traduction.

D’ailleurs, comme en témoignent certains hadiths, l’expression «rajoula» désigne une femme courageuse et de fort caractère. Autrement dit, une femme qui ne se laisse pas marcher dessus. Et il n'y a dans cette expression aucune connotation péjorative.

Quant aux caractéristiques ostentatoires de l’homme comme la barbe, comme le dit l’adage marocain, «même le bouc en a une».

Or, depuis quand le courage serait-il une vertu exclusivement masculine?

Cette virilité, qui est autant masculine que féminine, prend des formes plurielles, par-delà la dimension physique. Elle peut être morale, intellectuelle ou encore politique.

Elle ne se mesure pas en termes calorifiques ou musculaires, mais se mesure à la capacité à dire non à l’injustice, à faire des sacrifices, à soutenir les faibles et les opprimés et à tenir un discours de vérité contre vents et marées.

Plusieurs grands combats citoyens ont vu les femmes s’investir et constituer une avant-garde, avant d’être peu ou prou rattrapées par les hommes. Le contraire est aussi vrai pour d’autres combats, comme pour confirmer que le courage, le don de soi et la vertu ne résident pas dans notre entrejambe, mais dans notre cœur et notre mental. Voilà de quoi renvoyer dos à dos wokistes et réactionnaires.

Il n’est, par conséquent, aucunement question de déconstruire la virilité ou de la fantasmer, mais, bien au contraire, de la réhabiliter dans ce qu’elle a de plus noble, et de la libérer de l’enfermement mental qui en a fait l’apanage des hommes.

Par Rachid Achachi
Le 01/12/2022 à 11h01