La manifestation mettra à l'honneur la littérature africaine. Elle a bénéficié du soutien financier du Président de la région Rabat-Salé-Kénitra, Rachid El Abdi, de celui du département de la Culture de Mohamed, Mehdi Bensaïd et de la mobilisation depuis des mois d'une équipe avec Neila Tazi, présidente de la Fédération des industries culturelles et créatives et de Abdelkader Retnani, président de la Fédération des éditeurs marocains.
Preuve que le volontarisme -dans le domaine culturel ou ailleurs- peut porter ses fruits pour peu qu'il y ait une convergence d'approche et une conjugaison des efforts. Comme l'a noté Rachid El Abdi, avec lyrisme, «l'encre dorée de la connaissance coulera sur les boulevards et les ruelles de la capitale, pour écrire ses plus belles lettres sur une page prestigieuse…!»
Un programme riche, décliné autour de rencontres et de débats autour des multiples expressions culturelles du continent. Quatre salles de conférences sont prévues; plus de 450 intervenants sont attendus (écrivains, penseurs, universitaires, traducteurs, artistes africains; des séances de signature de livres sont également à l'ordre du jour, offrant l'occasion de rencontres des auteurs avec le public et les lecteurs. Il faut aussi mentionner des rencontres professionnelles…
Une opportunité offerte à des éditeurs d’une vingtaine de pays de mettre en relief l'expérience de l'Afrique acquise dans l'industrie culturelle et la diffusion du livre dans le continent et dans le monde. Trois prix sont décernés: celui du ministère de la Culture, celui des Jeunes poètes et celui de la Lecture publique.
Après une conférence inaugurale, suivent plusieurs interventions thématiques. Ousmane Diara (Mali) et Khalid Rizk présenteront les contributions de la littérature à la construction de l'identité culturelle des jeunes africains par le récit. Comment les livres parlent-ils de notre patrimoine culturel? Belaid El Akkaf, Rachid Boufous, Fouad Souiba, Ahmed Belkheri et François Beaurain (France) traiteront de la place et du rôle de l'écrit, «élément central d'une transmission sociale, sociétale, cultuelle et surtout culturelle».
Raconter le passé, oui, sans doute. Mais quel contenu et quelle portée donner à ce narratif historique et mémoriel, les approches et les prismes n’étant pas univoques, tant s'en faut. Les écrivains ne sont pas des historiens: ils ont un rôle particulier qui éclaire autrement sur la lecture et l'interprétation du passé. Intervient ici la relation entre littérature et mémoire (Yasmine Chami, Kebir Mustapha Ammi). Le temps est un facteur-clé dans cette thématique.
La littérature comme fiction retrace des histoires individuelles mais inscrites dans une séquence collective; à ce titre, c'est l'histoire de la marche d'un pays, un Maroc en mouvement.
L'Afrique à l'honneur donc! La culture y a un ancrage continental et mondial. Le morcellement et la fragmentation des cultures africaines pèse-t-il la nécessaire promotion d'un capital partagé avec des passerelles et des chemins de traverse? Le temps n'est-il pas venu de «réfléchir en termes à la fois panafricains et humanistes?» -une conférence animée par Mohamed Zine El Abidine (Tunisie), Eric Joël et Edouard Bekale - Etoughet (Gabon) ainsi que Kebir Mustapha Ammi.
Une autre rencontre regarde les horizons de la littérature et la pensée africaines (Hélène Claudot-Hawad -Niger), Honorine Biye-Gabon). De nouvelles synergies et connexions sont à rechercher et à promouvoir entre les régions du continent -une entreprise de fédération, dans le respect de la diversité culturelle. L'Afrique? C'est aussi un continent en miroir avec des interférences entre la littérature et les arts -une confluence mêlant les productions cinématographiques et théâtrales, l'esthétique et la grammaire du septième art, la critique d'art et la critique littéraire (Caya Makhélé -Congo Brazzaville, Fouad Souiba, Bouchra Chakir).
La littérature, c'est aussi le statut de la critique et sa légitimité. Une question en débat dans la mesure où la reconnaissance littéraire est devenue marginale, les comités de lecture des maisons d'édition et la presse culturelle n'ayant plus qu'une faible influence. Pourquoi? Parce que certains auteurs s'installent dans l’auto-proclamation; d'autres optent pour l'édition à compte d'auteur. A telle enseigne que la critique littéraire n'est pas jugée recevable à leurs yeux; elle s'apparente à «une forme d’agression»...
L’Afrique? C'est le Sud mais, précisément, «l’espoir viendra du Sud». La retranscription des enregistrements de deux auteurs psychanalystes (Jalil Bennani et Roland Gori -France), qui offrent leurs réflexions sur plusieurs aspects -expansion numérique, néolibéralisme, économie de la santé, migrations, place du religieux, revendications identitaires. En prolongement de ce thème, il faut signaler l'exposition des «cultures africaines face aux mutations géopolitiques continentales» (Eric Joël Edouard Bekale -Etoughet -Gabon), Eugène Ebodé- Cameroun), Nabety Soumah -Guinée-Conakry, Noureddine Bousfiha).
Comment repenser et reconfigurer l'intégration culturelle interculturelle en Afrique? Comment se porte et faire avancer la coopération Sud-Sud? Avec quels leviers? Et que peuvent les écrivains sur les mutations actuelles marquant les changements culturels et géopolitiques en Afrique?
L’Afrique et ses devenirs: vers une nouvelle identité? Un questionnement animé par Driss El Yazami, Hawad -Niger, Nassuf Djalaini (Comores) et Nimrod Bena Djongrand (Tchad). Les identités africaines ne sont pas figées: elles sont dynamiques, en pleine métamorphose. Comment peut-on tirer le meilleur pour guider les Africains dans le monde et aider ainsi à «penser autrement à partir à la fois d'une conception polyarchique de l'universel et des notions d'unité et d’union?».
Autre aspect de ce Salon: des rencontres avec des auteurs et des signatures de livres: avec le Rwando-français Scholastique Mukasonga, Prix Renaudot 2012, adapté au cinéma, et Prix Simone de Beauvoir 2021; le Mauritanien Mbarek Beyrouk, Abdelmalek Alaoui pour son ouvrage «Le Temps du Maroc, (2020-2021)»; Abdellatif Laâbi et son dernier roman «La fuite vers Samarkand», le Sénégalais Khalil Dialo, «L'Odyssée des oubliés»; «La promesse de Juliette» de Mustapha Fatmi.
Cerise sur le gâteau: Tahar Ben Jelloun, Prix Goncourt 1987, retraçant son parcours littéraire, les processus narratifs de son rapport avec l'Afrique ainsi qu'avec les cultures du monde.
Il y aura aussi des interrogations sur les horizons de la littérature et de la pensée africaines -Hélène Claudot Hawad (Niger-France) et Honorine Biye Abdessolo (Gabon: «la littérature jeunesse au miroir des contes populaires marocains (Jocelyne Laâbi, Amina Alaoui Hachimi, Najima Thay Thay).
«L'Afrique au prisme du nouveau modèle de développement marocain» sera examinée avec des participants comme Abdallah Saâf, Larabi Jaïdi et Mohamed Soual; mais aussi avec les interventions de Abdallah Baïda, avec «L'irrésistible appel de Mozart»; et un débat prévu avec Pulchérie Abène Nkoghe (Gabon), Romuald Fonkoua (Cameroun-France), Abdesslam El Ouazzani et Mhammed Echkoundi.
La journée du lundi 6 juin sera, elle, réservée à la profession et l'évaluation de la chaîne du livre -tout un écosystème. Les librairies y ont une place importante. Mais l'économie du livre et de l'édition au Maroc est à revoir et à réformer, pour rentabiliser le secteur de l'édition (prix, fiscalité...).
Seront également abordés les problèmes liés aux droits d'auteur (contrats d'auteur, lutte contre la piraterie, gestion collective, reprographie, droit de prêt, copie privée, droit voisin des éditeurs de presse (avec Chantal Forgo -Burkina Faso, mais aussi Naïma Samri, Bilal Mziaoui).
Comment accélérer aussi l'indispensable passage aux plateformes de lecture électronique? Quelles industries culturelles en Afrique? (Juan Pirlot de Corbion -France; Bilal Zahra -Jordanie; Françoise Benhamou -France, Zakaria Choukrallah).
Des Rencontres éditoriales avec le Québec sont également prévues (Gabriel Maisonneuve, Sébastien Lefèvre, Patrick Poirier, Lara Mainville).
Ce Salon est assurément un grand moment culturel dans la capitale. Cette manifestation n'a pu être organisée que par le soutien conséquent du Conseil de Région et le département de la Culture. Il se tiendra à Rabat pour une raison simple: la non disponibilité des bâtiments de la Foire à Casablanca, occupés pour des raisons sanitaires liées au suivi des cas post-Covid. On ne peut que saluer ce «rattrapage» et cette délocalisation à Rabat, pour le plus grand bonheur des lecteurs, des professionnels et du livre au Maroc et dans toute l’Afrique.