Comment se présente donc la nouvelle année? A l'international, sous les meilleurs auspices: la diplomatie du Royaume est rayonnante, crédible et influente; le leadership personnel et politique du Souverain est là pour conforter sa place et son rôle; et pour ce qui est de la question du Sahara marocain, des avancées ont été engrangées en 2022. Une dynamique qui ne peut que se prolonger et se renforcer en 2023.
Mais en interne, qu'en est-il? Sur le plan économique, c'est la Loi de finances qui donne les indications les plus précises sur ce que compte faire le cabinet actuel. Il faut dire que la barre a été placée très haut dans le discours royal devant le Parlement en octobre dernier: elle appelait à un engagement de tous les partenaires pour la mobilisation de 50 milliards de dirhams et la création de 750.000 emplois durant la période 2022-2026. Il est prévu dans la Loi de finances 2023 les indicateurs prévisionnels suivants: un déficit budgétaire de 4,5% du PIB, à peine 3% (FMI, BERD), une inflation de 2%, etc. La politique monétaire et budgétaire reste précautionneuse, comme l'attestent les derniers relèvements du taux directeur de Bank Al-Maghrib. Le climat des affaires s'est-il amélioré pour impulser une relance? La Charte de l'investissement a été promulguée et l'on attend ses textes d'application pour les prochains mois. Le Fonds Mohammed VI est désormais opérationnel avec son conseil d'administration présidé par Mohamed Benchaâboun. Doté de 15 milliards DH par la loi de finances, il lui reste à mobiliser 30 autres milliards du côté du secteur privé et d'institutionnels internationaux.
A l'ordre du jour, nombreux sont les dossiers et les réformes en instance: dialogue social, stress hydrique, système éducatif, caisse de compensation et ciblage des aides directes (RSU), caisses de retraite, protection sociale et généralisation des allocations familiales, hydrogène vert et énergies renouvelables, digitalisation de l'administration, etc. Il en est deux qui vont mettre à l'épreuve l'exécutif. Il s'agit de la réforme du Code de la famille et de l’implication plus accentuée des Marocains du monde dans le développement, longuement traités dans le discours royal du 20 août dernier. Le tourisme en est un autre qui offre le plus de potentialités (recettes, emplois...).
Que compte faire le gouvernement en 2023 pour la réforme de la Moudawana? Il y a vingt mois, dans son discours du Trône, SM le Roi avait instamment appelé à ce que «la femme apporte son plein concours» en prenant «une part active à la dynamique de développement». Le Souverain avait donné une forte impulsion en la matière avec la réforme de la Moudawana en 2003 et le Code de la famille, ainsi que l'adoption de la Constitution de 2011 consacrant l'égalité homme-femme en droits et obligations, et ce, sur la base du «principe de parité que l'Etat doit chercher à atteindre».
Or, bien des obstacles existent encore dans la politique de promotion de tous ces droits. Il faut les corriger et les compléter par la refonte de certaines dispositions en vigueur. Réformer la législation, oui, mais aussi s'atteler aux infrastructures. Cet aspect se décline autour de plusieurs secteurs: généralisation des tribunaux de la famille à l'échelle des régions, ressources humaines qualifiées, révision de la carte judiciaire. Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, s'y est engagé, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, aussi, la semaine dernière devant le Parlement, de même que le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohamed Abdennabaoui, en estimant qu'il est nécessaire d'évaluer «l'efficacité des dispositions du Code de la famille à protéger la famille d'une part, et son adaptation aux principes de l'égalité et de l'équité contenus dans la Constitution, de l'autre».
Avec les Marocains du monde (MDM), voilà un autre grand dossier qui doit être également priorisé en 2023. Il faut le dire tout net: cette question relève encore de l'inachevé. Il a fallu le discours royal du 20 août dernier pour qu'elle soit enfin reclassée au premier rang des réformes à entreprendre. Cette communauté se distingue par plusieurs facteurs: la force du lien patriotique, l'engagement à la défense des intérêts supérieurs du Royaume, etc. Le Souverain a fixé une vision et un cap: un cadre législatif approprié, des politiques publiques efficientes, un nouveau mécanisme d'implication dans le processus de développement. Elle peut exciper de compétences -76% des expatriés en Amérique du Nord sont diplômés de l'enseignement supérieur et 49% en Europe. Pour 2022, les transferts des MDM cartonnent à hauteur de 100 milliards DH, mais seul 1,3% de ce montant est destiné à l'investissement productif. Une commission interministérielle présidée par le chef de l'exécutif s'était réunie début septembre pour la mise en œuvre des orientations Royales. Des groupes de travail ont été mis sur pied, dont celui coordonné par Mohcine Jazouli, ministre délégué en charge de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des politiques publiques. Il comprend, entre autres, la CGEM avec son président Chakib Alj et Othmane Benjelloun (CGEM). Mardi 20 décembre 2022, devant la Chambre des conseillers, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a donné des précisions sur l'avancement de ce dossier. Il est prévu un relevé de propositions pour la fin du mois de février. A suivre…
Les recommandations contenues dans le rapport du CESE, rendues publiques voici une dizaine de jours seulement, seront-elles prises en compte? En tout cas, elles ont le mérite de faire des propositions pouvant être opérationnelles: modalités des contributions au développement, co-construction de liens innovants, représentation et participation politiques, création d'un département ministériel dédié rattaché au ministère des Affaires étrangères et transformation de la Fondation Hassan II pour les MRE en établissement public stratégique.
Comment se présente le tourisme national en 2023? Ce secteur va-t-il retrouver la situation qui prévalait en 2019, année de référence significative, compte tenu de la pandémie Covid-19 (2020-2021)? Cette année-là, l'on avait enregistré 13 millions de touristes et des recettes de 79 milliards DH. A fin octobre 2022, les indicateurs sont plutôt encourageants. A commencer par le taux de récupération des touristes par le Maroc qui est de l'ordre de 80%, la moyenne mondiale tournant autour de 70%. De même, pour les recettes de voyages, leur taux est encore plus élevé avec 106%. Pour ce qui est du trafic aérien cumulé de janvier à novembre 2022, il a vu l'arrivée de 18,4 millions de passagers, soit 80%. Le département du tourisme déclare s'être fixé des objectifs ambitieux pour l'année 2023 sans pour autant donner d'indications chiffrées. Ce qui est avancé, c'est de tabler sur 17 millions de touristes en 2026 et 26 millions à l'horizon 2030.
Mais comment? De grandes enseignes hôtelières ont bien été ouvertes: Marriott Rabat, Marriott Casablanca, Hilton Garden Inn Casablanca, Hilton Taghazout, Fairmont Salé et d'autres. Mais encore? L'objectif de capacité projeté en 2023 vise les 8,2 millions de sièges sur l'aérien. L'ONMT indique que la contractualisation avec les partenaires étrangers a permis un taux de reprise de 92% et que l'objectif en 2023 est de 3,9 millions de clients potentiels en plus. Le Royaume a une plus forte visibilité à l'international à la suite du Mondial de Doha et de l'exploit historique des Lions de l'Atlas. La feuille de route de cet office est celle-ci: promouvoir le marché local, premier pourvoyeur de touristes avec un tiers des nuitées; accélérer des dispositifs de promotion et de commercialisation dans les marchés émetteurs. Le redémarrage de l'industrie touristique est bien enclenché aujourd'hui, mais il reste à le conforter durablement. Nul doute qu'il a fallu rebâtir les fondamentaux marketing et commerciaux de la destination en 2022, mais il importe de les reprofiler compte tenu des mutations du tourisme international.
Cela dit, de quels atouts dispose ce gouvernement pour mettre en œuvre en 2023 les réformes annoncées et attendues? Une interrogation qui recouvre plusieurs paramètres: le soutien et la solidarité de sa majorité, le volontarisme politique, les étapes et les priorités durant la législature et un agenda législatif - pas une gestion court-termiste rythmée par les rappels et les orientations royales et la polarisation de revendications sociales. En somme, un exécutif d'action qui dit ce qu'il fait et qui s'emploie à entraîner l'adhésion des citoyens. De la visibilité. De la lisibilité aussi. Et une ferme capacité à porter les réformes. En l'état, cet exécutif est-il armé dans cette perspective?